L'eau en France : quels traitements et quels contrôles ?

En bouteille ou au robinet, nous la buvons tous les jours, et pourtant, nous ne savons pas toujours comment elle est traitée et contrôlée.

De Morgane Joulin
Publication 2 mai 2024, 09:39 CEST
Selon le Service de l’Observation et des Statistiques (SOeS), 33,4 milliards de m³ d’eau ont été ...

Selon le Service de l’Observation et des Statistiques (SOeS), 33,4 milliards de m³ d’eau ont été prélevés en France métropolitaine en 2009 (soit 520m³ par personne), pour satisfaire l’ensemble des besoins des différents secteurs d’activités. Ce chiffre est inférieur à la moyenne des pays les plus développés (OCDE : 920 m³ par personne) et se situe dans la moyenne européenne (550 m³).

PHOTOGRAPHIE DE Skorzewiak / Alamy Banque D'Images

En 2001, 65 % des Français consommaient de l’eau en bouteille, contre seulement 53 % pour l’eau du robinet. Mais cette tendance s’est inversée en 2006. D’après le baromètre TNS-SOFRES datant de 2018 sur « Les Français et l’eau », 66 % des Français déclarent boire au quotidien de l’eau du robinet, contre 47 % pour l’eau embouteillée.

Cette bascule générale vers l’eau du robinet semble être liée à des raisons économiques. « Le prix de l'eau en bouteille est déjà extrêmement cher par rapport à l'eau du robinet », explique Alexandre Mayol, Maître de conférences HDR en économie à l'Université de Lorraine et spécialiste de l'économie de l'eau. « Lorsque l'eau du robinet est à trois ou quatre euros le m3, l'eau en bouteille est plutôt entre un et deux euros le litre. Cela signifie donc que l'eau en bouteille est déjà cent voire mille fois plus chère que l'eau municipale. » L’eau du robinet est également plus écologique, car elle nécessite moins de transports et entraîne moins de pollution plastique. Malgré tout, certains Français restent attachés à l’eau en bouteille, préférant son goût, ses méthodes de traitement ou encore les minéraux qu’elle peut contenir. Parfois même, le choix n’en est pas vraiment un. En Outre-mer, l’eau du robinet est souvent impropre à la consommation, ce qui pousse la population à se tourner vers l’eau embouteillée. 

Que l’on boive de l’eau du robinet ou de l’eau embouteillée, la question de l’origine, du traitement et des contrôles de qualité de l’eau que l’on boit est primordiale. Une enquête Toluna Harris interactive pour l'Observatoire Santé Pro BTP datant de janvier 2024, estime que les Français sont assez peu informés sur l’origine de l’eau qu’ils boivent au quotidien. Ainsi, 46 % d’entre eux déclarent ne pas savoir d’où l’eau du robinet est issue

 

LES TRAITEMENTS

Selon le Centre de l'information sur l'eau, 62 % de la consommation d'eau du robinet est issue des nappes souterraines (surface et profondeur), tandis que les 38 % restants proviennent des eaux superficielles (torrents, rivières, lacs). L’eau est directement captée dans un forage ou un puits, et le sol, en tant que filtre naturel, garantit une qualité de l'eau.

Malgré tout, cette eau doit être traitée chimiquement pour être rendue propre à la consommation. Pour cela, elle passe par une usine de traitement afin d'être décontaminée. Il existe différents types de traitement de l’eau. D’abord des traitements physiques pour la rendre potable, tels que le dégrillage et le tamisage, qui consiste à faire passer l’eau à travers des grilles pour éliminer les débris les plus imposants. Il existe aussi des traitements physico-chimiques tels que la coagulation-floculation, qui consiste à adjoindre un produit coagulant pour déstabiliser les particules de petite taille que l’on nomme colloïdes, afin d’en former des agrégats suffisamment importants pour être séparés de l’eau. Ces traitements incluent aussi la filtration à travers des filtres minéraux comme du sable. Enfin, il y a les traitements chimiques, comme l’oxydation, qui peut se faire avec du chlore ou de l’ozone. 

L’eau embouteillée, minérale ou de source, ne peut faire l’objet de traitements chimiques. Cependant, étant donné que plusieurs substances toxiques (arsenic, fer, manganèse) sont soumises à des limites de concentration, certains traitements sont permis. La décantation, la filtration ou l'oxygénation peuvent donc être effectuées sur l'eau de source et l'eau minérale pour éliminer certains éléments instables ou indésirables.

 

LA COMPOSITION 

Il existe deux types d’eau en bouteilles : les eaux minérales et les eaux de source. Elles se différencient principalement par leur teneur en minéraux. Les eaux minérales possèdent une composition stable en minéraux et oligo-éléments, quand les eaux de source ont une composition qui peut varier à partir du moment où elles répondent aux mêmes critères de potabilité que l’eau du robinet. 

De fait, toutes les eaux minérales ne répondent pas toujours aux normes de potabilité, parce qu’elles peuvent contenir une quantité trop importante de minéraux, tels que le sodium, le fluorure, le sulfate ou le chlorure. Aujourd'hui, la quantité de sodium autorisée dans l'eau du robinet et les eaux de sources est de 200 milligrammes par litre, tandis que certaines eaux minérales sont à plus de 1 000 milligrammes par litre. Il y a donc un seuil de tolérance plus important pour ces dernières. Néanmoins, elles peuvent être utiles pour compenser certaines carences et autres problèmes digestifs. « Grâce à son contenu important en sulfates de magnésium (120 mg/l), Hépar lutte efficacement contre la constipation », exemplifie le docteur Laurence Plumey, médecin nutritionniste à l’hôpital Antoine Béclère à Clamart (Hauts-de-Seine) dans un entretien pour Le Parisien.

Ces différences peuvent expliquer la préférence de certains Français pour les eaux minérales en bouteille. Pour autant, il est conseillé de diversifier ses apports en eau et de ne pas uniquement boire des eaux minérales, surtout lorsqu’on ne souffre pas de carences.

 

LES CONTRÔLES

Fin avril 2024, la multinationale suisse Nestlé a été contrainte de détruire deux millions de bouteilles Perrier après une contamination bactérienne d’origine fécale. L’entreprise a expliqué au journal Le Monde l’avoir fait « par précaution. » Celle-ci avait déjà été pointée du doigt par un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui confirmait la contamination généralisée aux bactéries, pesticides, Pfas, de certaines sources d’eau minérale naturelle exploitées par le groupe Nestlé en France. Cela a pu faire craindre une insuffisance des contrôles de la qualité de l’eau en France, en bouteille comme au robinet.

Pourtant, durant toutes les étapes de son trajet, de la zone de captage aux rivières, en passant par les nappes souterraines, la qualité et la potabilité de l’eau du robinet est constamment contrôlée en France. Des prélèvements sont réalisés à toutes les étapes de son trajet, pour y chercher des traces de micro-organismes, polluants chimiques (pesticides, nitrates, solvants, retardateurs de flamme, plastifiants, etc.), métaux et substances radioactives. L’Anses surveille également sept composés dits « émergents » ayant conduit à des dépassements de la limite de qualité de 0,1 µg/litre, et particulièrement du métabolite du chlorothalonil R471811. Ce métabolite est issu de la dégradation dans l’environnement du chlorothalonil, un fongicide interdit en France depuis 2020. Il est retrouvé dans un prélèvement sur deux et conduit à des dépassements de la limite de qualité dans un prélèvement sur trois. 

« Avec les produits chimiques, on a affaire à une toxicité à long terme, qui peut provoquer des cancers au bout de quarante ans. Pour tous ces paramètres, l’Union européenne impose des taux à ne pas dépasser afin de préserver la santé des consommateurs », explique Yves Lévi, professeur de santé publique à l’université Paris-Sud dans un article National Geographic sur l’eau du robinet

En ce qui concerne le contrôle des eaux conditionnées, c’est-à-dire des eaux embouteillées et mises en bonbonnes, les contrôles incluent « l’inspection des installations, le contrôle des mesures de sécurité sanitaire mises en œuvre par l’exploitant et la réalisation d’un programme d’analyses de la qualité de l’eau », comme on peut le lire sur le site du Ministère de la Santé. De la même façon que pour l’eau du robinet, des prélèvements d’échantillons d’eau sont réalisés pour rechercher plus de soixante-dix paramètres réglementés. Les paramètres microbiologiques, physicochimiques généraux, minéraux, organiques et indicateurs de radioactivité sont principalement concernés. D’après le Ministère de la Santé, en 2016, pour l’ensemble des 178 eaux conditionnées, « plus de 4 500 prélèvements d’échantillons et 120 000 mesures ont été réalisés sur les eaux conditionnées. Plus de 99,9 % des analyses étaient conformes par rapport aux limites de qualités fixées par la réglementation. »

Pour autant, la perte de confiance de certains consommateurs est bien réelle, surtout après le rapport affirmant que la qualité sanitaire des eaux du groupe Nestlé n’était « pas garantie », selon une expertise remise au gouvernement français en avril 2024. Et cela pourrait, à terme, impacter le prix de l’eau en bouteille dans un sens comme dans l’autre, comme l’allègue Alexandre Mayol : « la perte de confiance des consommateurs peut conduire à chercher à compenser cela par le prix. À l'inverse, le soin apporté à rassurer le consommateur en investissant dans la qualité peut également conduire à une augmentation du prix. »

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