Tour du monde avec des chats de rues

Un nouveau livre de photographies raconte la « grande odyssée » des chats des rues, du Maroc au Japon.

De Kristin Hugo
Photographies de Tuul et Bruno Morandi
Sur une « île aux chats » japonaise, un chat tigré roux regarde un autre chat avec curiosité.
PHOTOGRAPHIE DE Tuul et Bruno Morandi

Tuul et Bruno Morandi photographient des Hommes, des villes et des paysages du monde entier depuis 18 ans. Au gré de leurs voyages, ils ont commencé à accumuler sans le vouloir des photos d’un autre sujet, non humain, à poils et amical : le chat des rues.

Dans le livre de Tuul et Bruno intitulé La Grand Odyssée des Chats, les félins se détendent contre les murs bleu vif de Chefchaouen, au Maroc ; sautent au-dessus des ruines en Grèce ; et observent avec curiosité des pêcheurs au Japon, attendant qu’une occasion se présente à eux pour chaparder des bouts de poissons jetés.

Les Morandi sont des amoureux des chats. Ils ont même dédié leur ouvrage à leur propre chat, Mujra, 10 ans, que Tuul décrit comme « beau et gentil. »

Au cours de leurs voyages professionnels, le couple a été attiré par les félins charismatiques et ne pouvait s’empêcher de photographier les chats qu’il rencontrait sur le terrain. Après avoir pris suffisamment de photos, les deux photographes ont demandé à leur éditeur s’ils pouvaient les réunir pour en faire un livre. Ce dernier a accepté et le couple a commencé à documenter ces créatures à moitié sauvage sous un œil nouveau.

Les photographes comparent prendre des photos de chats à prendre des photos d’Hommes. « Pour nous, c’est presque pareil », confie Tuul Morandi. « Parce que nous sommes des photographes qui aiment prendre des clichés de l’instant présent, de la vie au quotidien dans la rue. » Avant d’entrer en contact directement avec leurs sujets, les Morandi essayent de saisir les moments les plus authentiques et les plus candides des Hommes et des animaux qui se comportent naturellement. Une fois que cela est fait, ils parlent avec les Hommes et si les chats les autorisent, les photographes se mettent à les caresser et à interagir avec eux également.

Les Morandi ont remarqué que les chats ont tendance à avoir le même comportement, et ce dans différentes villes. Mais comme chez l’Homme, certains félins sont plus timides que d’autres. Si les chats « harets » craignent et n’aiment pas l’Homme en général, les chats sans propriétaires, appelés « chats des rues » ou « chats errants », peuvent quelquefois se montrer amicaux. « Parfois, certains chats sont très timides, mais au Japon, la majorité de ces animaux ne le sont absolument pas », explique Tuul. « Ils savent que les Hommes sont gentils. Cela découle peut-être de la relation qu’ils ont avec les gens qui les nourrissent. » (À lire : Les chats se seraient domestiqués seuls.)

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      Un chat se prélasse sur l’une des ruines du site archéologique d’Éphèse, une ancienne ville portuaire romaine située dans l’actuelle Turquie et vieille de 2 000 ans.
      PHOTOGRAPHIE DE Tuul et Bruno Morandi

      Au Japon, les Hommes sont particulièrement gentils avec les chats : ces derniers jouissent même d’une « relation spéciale » avec les pêcheurs, confie Tuul. Les Japonais pensent que les félins portent chance et il existe des temples où les humains peuvent les vénérer. Les chats sont également une sorte d’attraction touristique : le pays compte près de douze « îles aux chats. »

      La culture, la religion, l’histoire et les légendes font partie intégrante de la façon dont les chats des rues sont perçus par le public. On raconte que le prophète Mahomet prêchait avec Muezza, son chat adoré, installé sur ses genoux et que s’il trouvait l’animal endormi sur sa tunique, il préférait en couper la manche plutôt que de déranger le petit félin. « Dans la plupart des pays musulmans comme le Maroc et [la Turquie], les Hommes ont une relation spéciale avec les chats, parce que le prophète les aimait énormément », explique Tuul.

      Mais tout le monde n’aime pas les chats errants. Dans certains endroits, les chats harets sont considérés comme des prédateurs invasifs et peuvent causer des ravages sur la faune locale, ce qui inquiète les biologistes de la conservation. Nous savons que les chats errants tuent de nombreux animaux. En 2013, une étude méta-analyse publiée dans la revue Nature Communications a tenté de quantifier le nombre d’animaux tués : les résultats suggèrent que les chats tuent chaque année entre 1,3 et 4 milliards d’oiseaux et entre 6 et 22,3 milliards de mammifères aux États-Unis.

      Les chats sauvages ne se nourrissent pas uniquement d’oiseaux

      Cette étude a suscité la controverse et ses résultats furent critiqués, considérés par certains comme « peu convaincant ». En effet, il n’existe aucun registre officiel du nombre de chats errants et les études sur le comportement des félins ont tendance à être menées dans des zones où il existe une concentration exceptionnellement élevée de ces animaux. Il est donc quasiment impossible d’obtenir une estimation précise [du nombre d’animaux qu’ils tuent]. Pour leur part, les chercheurs ont indiqué dans une autre étude que les critiques découlaient d’un « déni scientifique » de la part des défenseurs des chats.

      Afin de garder la population de chats errants sous contrôle, certaines organisations ont lancé des programmes qui consistent à attraper les chats et les stériliser avant de les relâcher. Des volontaires stérilisent et castrent les animaux errants qui ne peuvent être placés dans des foyers permanents en tant qu’animaux de compagnie, pour qu’ils puissent mener une vie tranquille dans la rue sans engendrer d’autres chatons. En théorie, ces actions, si réalisées en nombre suffisant, conduiraient à une lente et calme disparition des chats errants ou du moins à une stabilisation de leur population. Cependant, des études ont révélé que les chats se reproduisent si rapidement qu’il est nécessaire de stériliser 75 % ou plus des félins d’une zone chaque année pour que les programmes portent leurs fruits.

      Malgré la controverse qui entoure l’impact environnemental global des chats, les Hommes du monde entier apprécient leur compagnie. À Lamu, une île au large du Kenya, les chats des rues font partie de l’histoire culturelle. En Grèce, la loi protège les animaux. Sur les clichés des Morandi, quand des Hommes apparaissent, ils ignorent nonchalamment les félins ou bien les caressent et les portent dans leurs bras.

      « Les chats [font] partie intégrante de leur vie dans la rue », explique Tuul.

       

      Kristin Hugo est une journaliste scientifique indépendante basée à New York qui s’intéresse particulièrement à la biologie et aux animaux. Suivez-la sur Twitter.

      Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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