Ces résistantes françaises ont changé le cours de la Seconde Guerre mondiale

Les femmes jouèrent un rôle crucial dans la résistance française lors de la Seconde Guerre mondiale. Leur action a pourtant été largement sous-estimée dans l'écriture de l'Histoire.

De Morgane Joulin
Publication 8 mai 2024, 09:08 CEST
Les Femmes françaises libres, volontaires féminines des Forces françaises libres (FFL), défilent en uniforme.

Les Femmes françaises libres, volontaires féminines des Forces françaises libres (FFL), défilent en uniforme.

PHOTOGRAPHIE DE Lebrecht Music & Arts / Alamy Banque D'Images

C’est un ratio qui parle de lui-même, six femmes sur mille trente-huit titulaires ont été faites Compagnons de la Libération : Berty Albrecht, Laure Diebold, Marie Hackin, Simone Michel-Levy, Émilienne Moreau-Évrard et Marcelle Henry. Soit moins de 10 % des médaillés de la Résistance.

Pourtant, les femmes étaient présentes dans un grand nombre des branches de la résistance française, armées (Francs-Tireurs et Partisans, Mouvement de Libération Nationale…etc), ou non (« assistantes »). Qu’elles aient été reconnues ou soient restées anonymes, les femmes ont longtemps souffert d’un manque de reconnaissance pour leurs actions militantes.

Le 8 mai 1945 marquait la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe suite à la capitulation de l’Allemagne. En ce jour de commémoration, nous vous proposons de revenir sur l’histoire de huit d’entre elles.

 

Portrait de Lucie Aubrac en 1944.

PHOTOGRAPHIE DE Domaine Public

LUCIE AUBRAC

Lucie Bernard naquit à Paris de parents paysans du Mâconnais. Elle traversa une enfance marquée par la Grande Guerre. Après le retour de son père, blessé, en 1917, la famille déménagea en Saône-et-Loire. Lucie aspirait à intégrer l’École normale d'institutrices des Batignolles à Paris, mais renonça à cause de la discipline de l'école qu'elle jugeait trop stricte. À Paris, elle vécut de petits boulots tout en militant aux Jeunesses communistes et entreprit des études d'histoire, réussissant brillamment à l'agrégation en 1938.

En 1939, elle épousa Raymond Samuel, ingénieur mobilisé. Après son évasion de captivité en 1940, le couple s'engagea dans la Résistance. Ils fondèrent notamment La dernière colonne et lancèrent le journal clandestin Libération en 1941. Malgré les arrestations et le danger, Lucie organisa des opérations pour libérer son mari et d'autres résistants. Fuyant la Gestapo, ils trouvèrent refuge à Londres en 1944, où Lucie donna naissance à leur fille Catherine.

Corinne Bouchoux, enseignante de Sciences Economiques et Sociales au lycée Auguste-et-Jean-Renoir à Angers et Docteure en histoire, l’a rencontré à l’occasion de la rédaction de Cette exigeante liberté en 1997. L’ouvrage retrace la vie de Lucie Aubrac sous forme d’entretiens, signé de son nom ainsi que de celui de Corinne Bouchoux. « Son message était sa totale confiance dans la jeunesse et elle avait tenu à achever notre ouvrage d’entretiens (1997) par la déclaration écrite par celui qui sera connu plus tard de son nom d’emprunt Jacques-Decour : "Je me considère un peu comme une feuille qui tombe de l’arbre pour faire du terreau. La qualité du terreau dépendra de celle des feuilles : je veux parler de la jeunesse en qui je mets tout mon espoir" », relate l’enseignante. 

Elle se remémore que Lucie Aubrac « a témoigné de son passé de résistance dès l’après-guerre dans un ouvrage qui n’eut pas le succès qu’elle aurait souhaité. » Toutefois, les choses changèrent dans les années 1980. « La publication en 1984 du récit Ils partiront dans l’ivresse lui donna une grande notoriété. Elle y mettait en valeur le rôle des femmes au quotidien dans la résistance, elle qui fut enseignante d’histoire-géographie. » 

De la rédaction de Cette exigeante liberté, Corinne Bouchoux retient notamment de Lucie Aubrac qu’« elle a toujours milité contre toutes les formes d’injustices n’oubliant pas que de nombreux étrangers se sont impliqués dans la Résistance. Elle voulait que malgré la disparition des résistants la flamme de la résistance soit connue des générations futures. »

Après la guerre, Lucie et Raymond conservèrent leur engagement politique et social. Elle reprit son métier de professeur, enseignant en France, au Maroc et à Rome, avant de prendre sa retraite. Elle mourut le 14 mars 2007 à Issy-les-Moulineaux, à l'âge de quatre-vingt-seize ans.

 

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    Photographie de la carte d’étudiante de Germaine Tillon dans les années 1930.

    PHOTOGRAPHIE DE Domaine Public

    GERMAINE TILLION 

    Germaine Tillion, née le 30 mai 1907 à Allègre, était une ethnologue et résistante française. Elle était la fille de Lucien Tillion, magistrat, et d'Émilie Tillion, femme de lettres et résistante. Elle étudia l'histoire de l'art et la préhistoire à l'École du Louvre et obtint son diplôme de l'Institut d'ethnologie en 1932, sous la direction de Marcel Mauss.

    Elle entama sa carrière d'ethnologue en 1934, effectuant des recherches dans l'Aurès. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle s’engagea dans la Résistance, rejoignant le groupe « Réseau du Musée de l'Homme Hauet-Vildé ». Arrêtée en 1942, elle fut déportée à Ravensbrück, où elle survécut durant dix-huit mois. Sa mère, Émilie, fut également déportée et tuée.

    Après la guerre, Germaine Tillion poursuivit ses recherches ethnographiques et s’engagea dans des causes sociales et politiques, notamment en Algérie, luttant contre la torture et la peine de mort. Elle défendit les droits des prisonniers et des femmes dans le monde musulman.

    Sa contribution à la Résistance et à la promotion des droits de l'Homme lui valut de nombreuses distinctions, particulièrement son entrée au Panthéon le 27 mai 2015, quelques années après sa mort en 2008.

     

    Charlotte Delbo a écrit la trilogie Auschwitz et après qui relate son expérience dans les camps de concentration

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    CHARLOTTE DELBO

    Charlotte Delbo naquit en 1913 à Vigneux-sur-Seine, de parents immigrés italiens. Elle adhéra au mouvement des Jeunesses communistes en 1932 dans lesquelles elle rencontra Georges Dudach, qu’elle épousa en 1936. L’année suivante, elle devint secrétaire de Louis Jouvet au théâtre de l’Athénée.

    Durant la guerre, elle rejoignit la résistance aux côtés de son mari, tapant des tracts et des journaux clandestins à Paris. En mars 1942, ils furent arrêtés par la police française et Georges fut fusillé au Mont-Valérien. Charlotte fut emprisonnée puis déportée à Auschwitz-Birkenau en janvier 1943.

    Après vingt-sept mois de déportation, elle fut libérée en avril 1945. Elle écrivit Aucun de nous ne reviendra, le premier volume de la trilogie Auschwitz et après, qui relate son expérience dans les camps de concentration. Elle travailla pour l’ONU à Genève à partir de 1947 et retourna à Paris en 1960, rejoignant le CNRS. En 1965, elle publia ses premiers livres sur les camps, dont Le Convoi du 24 janvier, qui relate le destin des femmes qui furent déportées avec elle.

    Charlotte Delbo continua à écrire sur son expérience de déportée et sur le destin de ses camarades survivantes, publiant la trilogie complète Auschwitz et après en 1971 avec Mesure de nos jours. Elle rendit l'âme en 1985 à l'âge de soixante-douze ans.

     

    Photographie de la fausse carte d’identité de Marie-Madeleine Fourcade, utilisée durant ses opérations de résistance.

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    MARIE-MADELEINE FOURCADE

    Marie-Madeleine Fourcade fut la seule femme à diriger un important réseau de résistance français, « Alliance », pendant la Seconde Guerre mondiale. Née en 1909 dans une famille bourgeoise, elle s'engagea activement dans la lutte contre l'occupation nazie malgré les conventions sociales de l'époque.

    Sous le pseudonyme POZ 55, elle organisa avec rigueur le réseau Alliance, jouant un rôle vital dans la collecte de renseignements pour les Alliés. Comptant près de 24 % de femmes, son réseau joua un rôle crucial dans la bataille de l'Atlantique en fournissant des renseignements précieux sur les mouvements de troupes allemandes et les installations stratégiques.

    Après la guerre, elle continua de soutenir les survivants et les familles des membres du réseau, publiant des mémoires et défendant la mémoire de la Résistance en tant que présidente du Comité d'action de la Résistance. Elle mourut le 20 juillet 1989 à Paris.

     

    Berty Albrecht a été nommé Compagnon de la Libération a titre posthume par décret le 26 aout 1943.

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    BERTY ALBRECHT

    Berty Albrecht naquit le 15 février 1893 à Marseille, et fut élevé dans une famille bourgeoise et protestante suisse. Après des études à Marseille puis à Lausanne, elle obtint un diplôme d'infirmière en 1912. Durant la Première Guerre mondiale, elle travailla dans les hôpitaux militaires à Marseille.

    En 1924, elle s'installa à Londres avec son époux hollandais, Frédéric Albrecht, et commença à s'intéresser aux droits des femmes. Revenant à Paris en 1931, elle devint membre de la Ligue des Droits de l'Homme et créa la revue Le Problème sexuel, défendant le droit à l'avortement libre.

    Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle rejoignit le Mouvement de Libération nationale (MLN) et le journal Combat. Arrêtée plusieurs fois par la Gestapo, elle fut finalement retrouvée pendue dans sa cellule à Fresnes le 31 mai 1943. Son décès fut annoncé par les Allemands en mai 1943, mais les circonstances exactes de sa mort restèrent floues jusqu'à la découverte de son corps en 1945. Elle fut inhumée au Mémorial de la France combattante au Mont Valérien à Suresnes. 

     

    Laure Diebold-Mutschler a été nommé Compagnon de la Libération par décret le 20 novembre 1944.

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    LAURE DIEBOLD-MUTSCHLER

    Laure Diebold, née Laure Mutschler le 10 janvier 1915 à Erstein dans le Bas-Rhin, était une résistante alsacienne. Avant la Seconde Guerre mondiale, elle travaillait comme secrétaire sténo-dactylographe bilingue français-allemand. Durant la guerre, elle œuvra dans la résistance en tant que passeuse pour les prisonniers évadés en Alsace.

    Repérée par l'occupant, elle fuit en 1941 pour rejoindre Lyon, où elle s’engagea dans le réseau « Mithridate ». Malgré son arrestation en juillet 1942, elle continua son activité résistante sous divers pseudonymes, notamment « Mona » et « Mado ». En tant que secrétaire de Jean Moulin à la Délégation Générale des Forces Françaises Libres, elle joua un rôle crucial dans la coordination des actions de résistance. Après l'arrestation de Moulin, elle poursuivit son engagement à Paris.

    À nouveau arrêtée en 1943, elle échappa à la torture en convainquant la Gestapo qu'elle n'était qu'une messagère. Déportée à Auschwitz puis à Ravensbrück et Taucha, elle échappa miraculeusement à la mort grâce à l'intervention d'un médecin.

    Libérée en 1945, elle retrouva son mari et reprit le travail malgré sa santé affaiblie. Elle mourut le 17 octobre 1965 à Lyon, où elle avait continué son engagement civil. Elle repose désormais en Alsace, à Sainte-Marie-aux-Mines.

     

    Marcelle Henry a été nommé Compagnon de la Libération par décret le 27 avril 1945.

    PHOTOGRAPHIE DE Domaine Public

    MARCELLE HENRY

    Marcelle Henry naquit le 7 septembre 1895 à Angers, où son père était inspecteur départemental du Travail. Après des études secondaires à Limoges et à Paris, elle devint bachelière puis licenciée en histoire-géographie, et enseigna pendant trois ans.

    En 1919, elle entra au ministère du Travail, suivant la tradition familiale. Promue rédactrice en 1922, elle prit en charge son frère aîné après la mort de leur mère en 1925. En 1931, elle fut nommée sous-chef de bureau au ministère, puis dirigea le bureau de l'hygiène et de la sécurité des travailleurs à partir de 1937.

    Engagée dans la Résistance dès l'armistice, elle créa un réseau de distribution de tracts et offrit un refuge aux persécutés. En 1942, elle fut placée à la tête du Service central et du Secrétariat de la Direction du Travail. Incorporée aux Forces françaises combattantes en 1943, elle travailla comme agent de liaison pour le Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), contribuant à l'évasion d'officiers alliés.

    Arrêtée par la Gestapo en 1944, elle subit des interrogatoires, mais refusa de divulguer des informations compromettantes. Déportée à Ravensbrück, elle fut libérée en avril 1945 et décéda peu après des suites des mauvais traitements. Elle fut inhumée à Paris, recevant à titre posthume le titre de sous-directeur honoraire au ministère du Travail et de la Sécurité sociale en reconnaissance de sa carrière et de ses actions résistantes. 

     

    Dédée de Jongh mit sur pied le réseau Comète avec des membres de sa famille afin d’aider les pilotes alliés abattus en Belgique à fuir ce territoire occupé.

    PHOTOGRAPHIE DE Imperial War Museum

    ANDRÉE DE JONGH

    Surnommée la « Factrice », Andrée « Dédée » de Jongh dirigea le réseau Comète, un réseau secret actif en Belgique et en France sous l’Occupation dont la mission était d’évacuer et de mettre en sécurité les soldats et aviateurs alliés tombés en territoire ennemi. Avec son réseau, elle leur fournissait des habits civils et de faux papiers d’identité puis les menait de lieu sûr en lieu sûr avant de leur faire traverser la frontière franco-espagnole dans les Pyrénées. Là, les responsables consulaires britanniques prenaient le relais et les évacuaient par Gibraltar. Le réseau Comète secourut 800 soldats alliés au total, et Dédée de Jongh effectua personnellement des dizaines de voyages à pied. Un pilote britannique qu’elle aida la décrivit comme « une jeune fille frêle qui semble avoir vingt ans, très jolie, agréable, gentille, joyeuse et simple. »

    Les nazis finirent par l’arrêter et par l’envoyer dans plusieurs camps de concentration, dont celui de Ravensbrück. Malgré vingt-et-un interrogatoires, elle refusa de donner le nom de ses compagnons de résistance ou de trahir aucun de ses camarades, dont son père, qui était lui aussi soupçonné. Ce dernier fut exécuté, mais elle survécut, seulement parce que les nazis sous-estimèrent l’importance de cette jeune femme frêle.

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