Napoléon et Joséphine : la vérité sur leur histoire d’amour tourmentée

Joséphine fut à ses côtés pendant quatorze ans, de son ascension dans les rangs de l’armée à son sacre en 1804. Leur relation, complexe, a été marquée par l'amour, les adultères et les enjeux politiques.

De Indi Bains
Publication 18 nov. 2023, 13:28 CET
Jacques Louis David peint l'empereur Napoléon sacrant, en 1804, son épouse Joséphine dans la cathédrale de ...

Jacques Louis David peint l'empereur Napoléon sacrant, en 1804, son épouse Joséphine dans la cathédrale de Notre-Dame de Paris. La relation orageuse du couple se termina en 1809 lorsqu'il prit la décision de divorcer car ils ne parvenaient pas à mettre au monde un héritier. 

PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman Images

Admiré ou conspué, l’Empereur Napoléon Ier a conduit la France des décombres de la Révolution à la paix et la stabilité politique tout en menant une expansion militaire qui, à son apogée entre 1809 et 1811, lui a fait prendre le contrôle de la majeure partie de l’Europe. Joséphine fut à ses côtés pendant quatorze ans, de son ascension dans les rangs de l’armée à sa nomination en tant que Premier Consul puis Empereur. Leur relation a longtemps été considérée comme le parangon de la relation amoureuse, en grande partie en raison des lettres de l'Empereur à sa femme.

Bien que certains historiens aient récemment réfuté le mythe entourant leur histoire d’amour, Ridley Scott, réalisateur du film  Napoléon dit de Joséphine qu’elle est le « seul grand amour » de l’Empereur. « [Napoléon] est sorti de nulle part et a pris le contrôle de tout. Il menait en même temps une guerre romantique contre sa femme adultère, Joséphine. C’est pour gagner son amour qu'il a conquis le monde et, quand il a échoué, il l’a conquis pour la détruire mais s’est lui-même détruit en chemin », raconte-t-il au magazine Deadline.

Joséphine était-elle vraiment le seul grand amour de Napoléon? Était-elle la seule à être adultère? Les ambitions militaires de l’empereur étaient-elles guidées par leur relation? La vérité est aussi complexe que ces deux personnages.

 

DES ÎLES À PARIS

Celle qui allait devenir Joséphine Bonaparte naquit Marie-Josèphe-Rose Tascher de la Pagerie en 1763. Sa famille, qui l’appelait Rose, possédait une plantation en Martinique sous contrôle français et leur fortune était en déclin. Elle arriva à Paris pour un mariage d’intérêt et, quand son mari l’abandonna, Rose polit son allure provinciale et développa des compétences diplomatiques qui lui valurent plus tard des louanges. Elle se fraya un chemin parmi l’entourage, difficile d’accès, de la cour de France et rencontra Napoléon en 1795. 

À trente-deux ans, elle était de six ans l’aînée de Napoléon, noble, veuve et mère de deux enfants. Elle avait été emprisonnée lors du Règne de la Terreur et avait échappé de peu à la guillotine. La future impératrice fut libérée à la fin de la Terreur mais non sans conséquences. Des historiens ont raconté la souffrance psychologique à laquelle son emprisonnement l’avait poussée ainsi que ses répercussions: dépenses frivoles, aventures romantiques et besoin de sécurité. 

Parallèlement, Napoléon venait également d’une famille dont la fortune était en déclin. Il naquit en 1769 dans la noblesse Corse, également sous contrôle français. Il était intelligent et déterminé à améliorer sa situation. Dès son plus jeune âge, il lutta contre ses complexes, liés à sa classe sociale, son argent, son intelligence et, plus tard, au sexe. Son ambition était nourrie par l’ensemble de ces éléments et par sa sensibilité à la critique.

Son père décida de sa formation militaire et Napoléon gravit les échelons de l’école militaire et de l’armée. Quand il rencontra Joséphine, il était un général d’armée prometteur bien que peu séduisant, toujours rongé par une multitude de complexes d’infériorité et bien loin de l’empereur qu’il allait devenir moins de dix ans plus tard.

 

DES INTÉRÊTS MUTUELS

Napoléon et Rose se rencontrèrent lors d’un dîner mondain fin 1795. Aux yeux d’un Napoléon peu sûr de lui, l’âge de Rose était compensé par son expérience sexuelle, son raffinement dans la vie en société et ses liens avec l’aristocratie. Les éloges qu’elle recevait flattaient la vanité du futur empereur. Rose n’était au départ pas intéressée par le mariage mais au fur et à mesure que s’affirmait la position militaire de Napoléon, cette opposition s’effaçait. Il représentait pour elle sécurité financière et stabilité après son terrible emprisonnement. Napoléon, modifiant le deuxième prénom de Rose, se mit à l’appeler Joséphine. 

Ils se marièrent en mars 1796 lors d’une cérémonie civile. Deux jours plus tard, Napoléon partit en Italie, à la tête de l’armée française. Commençait une campagne décisive qui allait complètement modifier le paysage politique européen et faire sa réputation. Ce fut la première de leurs nombreuses séparations pour des motifs militaires.

Les nombreuses lettres de Napoléon à Joséphine lors de leurs séparations témoignent de sa passion pour elle. Il en écrivait parfois plusieurs par jour et ses mots oscillaient entre manque, désir, possessivité, insultes et accusations. Pour l’historien Adam Zamoyski, les lettres de Napoléon en Italie expriment une « frénésie adolescente » que Joséphine trouvait « ridicule et embarrassante ».

La chambre à coucher de l'impératrice Joséphine, meublée avec raffinement, témoigne de son goût et de son style, appréciés par un Napoléon peu sûr de lui.

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D’UNE ROMANCE RÊVÉE AU DIVORCE

On peut se demander si la femme dont il est tombé amoureux a jamais existé. L’historienne Kate Williams décrit comment Joséphine, usant du pouvoir limité dont elle disposait dans un monde sexiste, se créa l’image de l’amante dont il rêvait en jouant de ses attraits féminins tout en mettant de côté son intelligence et son ambition.

Rares, les réponses de Joséphine agaçaient Napoléon. Elle était occupée, car elle avait pris un amant peu de temps après son départ. Le général aussi s’engagea dans de nombreuses liaisons, ce qui alluma² enfin chez Joséphine une flamme semblable à celle qu’il lui avait témoignée. À la tiédeur de Napoléon, elle répondait par des dépenses somptuaires et un chantage émotionnel. Peu à peu, il s’éloigna et se mit à envisager le divorce. 

Napoléon abandonna ce projet et lui pardonna, non sans intérêt. L’archétype de la famille renforçait son pouvoir politique et les qualités diplomatiques de sa femme étaient considérables. Elle était populaire et avait la grâce et l’étiquette qu’il n’avait pas. Elle incarnait son pouvoir par ses goûts vestimentaires, son comportement, sa collection d’art et ses bijoux, qui rivalisaient avec ceux de Marie-Antoinette. Napoléon déclara à ce sujet : « Je gagne des batailles, Joséphine gagne les cœurs. »

 

LES CONSÉQUENCES DE L’ADULTÈRE

En 1800, Joséphine avait compris que Napoléon avait pris le pouvoir dans leur relation, qu’il gagne ou non sur les champs de bataille. L'antipathie que lui manifestait la famille du futur empereur et leur mariage civil, par opposition à un mariage religieux, la mettaient dans une position de plus en plus fragile. Elle changea de comportement et s’efforça de le seconder dans ses ambitions, mais son attitude à lui avait changé. Napoléon imposait à Joséphine un contrôle étouffant qui limitait sa liberté sociale. Il lui imposait en public ses hurlements et la tourmentait en lui exposant les détails de ses infidélités.

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    L'empereur Napoléon sur un champ de bataille allemand en 1808, peint par Claude Gautherot. Les ambitions de conquête de Napoléon étaient liées à un désir personnel de gagner et non à son mariage tumultueux avec Joséphine.

    PHOTOGRAPHIE DE Photo Josse, Bridgeman Images

    Ce n’est cependant pas leur relation tumultueuse, faite de manipulations, ni ses frustrations à l’égard de Joséphine qui ont motivé la politique étrangère expansionniste de Napoléon. Comme l’explique A. Zamoyski à National Geographic, « au départ, les ambitions de Napoléon n’étaient pas militaires... Il voulait gouverner correctement plutôt que gagner des batailles... [Il] croyait en l’importance de bien faire les choses alors à cette époque, dans un monde en guerre, il était déterminé à gagner, mais ce n’était jamais pour le simple plaisir de gagner. »

     

    SACRE ET SÉPARATION

    Le couple se soumit à une cérémonie de mariage religieux comme condition de leur couronnement en tant qu’empereur et impératrice, mais la sécurité que pouvait ressentir Joséphine fut éphémère. Ils divorcèrent en 1809 pour n’être pas parvenus à donner naissance à un héritier. Napoléon déclara stoïquement qu’ils se séparaient « dans l’intérêt de la France ». Comme l’explique A. Zamoyski, « on ne peut se méprendre sur la sincérité de sa peine quand il a dû la quitter, parce que c’était pour lui un devoir ».

    Par la suite, Napoléon s’assura que Joséphine conserve son titre, son logement et ses revenus. Malgré son mariage avec l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche et la naissance d’un héritier, il continua d’entretenir une correspondance cordiale avec son ex-femme. Elle le soutint jusqu’à son exil sur l'île d'Elbe en avril 1814, dont la nouvelle lui brisa le cœur. À sa mort, probablement due à une pneumonie bien que certains préfèrent l'explication romantique d'un cœur brisé, ses derniers mots furent « Bonaparte… Elbe… Roi de Rome ». Ils résonnent avec ceux de Napoléon à sa mort sept ans plus tard alors qu’il était exilé à Sainte-Hélène : « France... tête de l' armée... Joséphine ».

    L’histoire de Napoléon et de Joséphine est celle de deux individus émotionnellement instables, nés dans un climat révolutionnaire et propulsés de l’ombre à la lumière. Bien que les ambitions de conquête de Napoléon soient liées à un désir personnel de gagner et non à leur mariage tumultueux, il est certain que la présence de Joséphine a considérablement renforcé son image politique. Si leur relation a incontestablement été marquée par l’adultère des deux côtés, ils ont tous deux trouvé chez l’autre ce qui leur manquait individuellement, ce qui les a amenés à un respect mutuel. « [Napoléon] a continué d’admirer le style et l’intelligence de Joséphine et il avait confiance en ses opinions », observe A. Zamoyski. « Une fois qu’elle a senti qu’il s’engageait vraiment envers elle et qu’il pouvait lui apporter la sécurité dont elle avait besoin, elle est devenue une compagne loyale et dévouée et une source de force pour lui ». 

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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