Aider et demander de l’aide serait bon pour la santé

De petits gestes de gentillesse peuvent faire une grande différence au quotidien, améliorer votre santé mentale et même prolonger votre espérance de vie...

De Annika Hom
Publication 27 août 2024, 11:29 CEST
Une femme apporte un repas à sa voisine, qui vient de perdre son mari. Des recherches ...

Une femme apporte un repas à sa voisine, qui vient de perdre son mari. Des recherches démontrent que les gestes de gentillesse comme celui-ci renforcent les liens sociaux et contribuent à une meilleure santé mentale et physique pour celui qui donne mais aussi celui qui reçoit.

PHOTOGRAPHIE DE Danielle Amy

L'époque où l'on toquait à la porte de son voisin pour demander un peu de sucre semble être révolue. Les posts sur les réseaux sociaux se plaignant de la réticence des gens à donner un coup de main ou de la difficulté de pouvoir déléguer après une longue journée deviennent viraux

Des études récentes suggèrent que les gens se sont isolés durant la pandémie, et que le temps passé à se sociabiliser a diminué entre 2003 et 2020. D'après une étude de 2021 menée par le Survey Center on American Life, on s'appuierait moins sur nos amis qu'avant la pandémie. Lorsqu'elles sont confrontées à un problème personnel, 16 % des personnes interrogées déclarent qu'elles consulteraient d'abord un ami, contre 26 % en 1990. L'ère moderne des applications nous offre davantage de moyens d'accomplir nos tâches : les services de covoiturage peuvent vous emmener à l'aéroport, tandis que les plateformes de « gig-work » veillent à ce que votre chien soit promené pendant cette réunion cruciale.

Mais ces outils, bien qu'utiles, peuvent également « réduire les interactions humaines », déclare Xuan Zhao, scientifique en recherche psychologique à Stanford et co-fondateur de la nouvelle IA de santé mentale Flourish.

À une époque où la solitude semble avoir étendu son grand manteau sur le monde entier, les experts affirment que le fait de fuir notre communauté va non seulement à l'encontre de la nature humaine, mais peut également être néfaste pour notre santé.

 

LES HUMAINS ONT ÉVOLUÉ POUR VIVRE EN COMMUNAUTÉ

Notre capacité innée à coopérer et à sociabiliser avec d'autres êtres humains remontent à plus de 3.5 millions d'années, avec les premiers homininés.

Lorsque les australopithèques se sont séparés des autres primates et se sont aventurés hors des forêts tropicales dans des environnements plus secs et « riches en prédateurs », ils avaient besoin de grands groupes pour survivre, explique Peter Richerson, biologiste et professeur émérite de l'université de Californie, à Davis.

Pour survivre, les australopithèques ont appris à travailler avec des espèces avec qui ils n'étaient pas biologiquement liés. Ces interactions sociales leur ont permis de développer des stratégies et des armes, mais aussi de former de larges « groupes capables de chasser des prédateurs très coriaces », déclare Peter Richerson. 

Puisque les australopithèques sont devenus bipèdes au fil de temps, donner naissance à des descendants est devenu plus laborieux et dangereux. Ce changement a probablement incité les mères australopithèques à s'entraider lors de l'accouchement, relève Lesley Newson, biologiste de l'évolution et coautrice de l'ouvrage A Story of Us: A New Look at Human Evolution. Les mères australopithèques « profitaient vraiment de la coopération, en disant "Je t'aiderai à accoucher si tu m'aides à accoucher" », explique-t-elle.

Sarah Hrdy, anthropologue, sociobiologiste et autrice de l'ouvrage Father of Time: A Natural History of Men and Babies, affirme que la coopération se développait encore plus quand elles élevaient leurs enfants. Hrdy a remarqué que les premiers humains s'appuyaient sur les autres membres de la famille pour aider à éduquer et à élever le bébé, un concept appelé « reproduction communautaire » qui n'est pas observé parmi les autres espèces de primates génétiquement similaires.

Les membres du groupe le faisaient « pour, en échange, être acceptés dans le groupe », déclare Hrdy. Le bébé, conscient de ses multiples gardiens, apprenait à observer, à se sociabiliser et à se faire aimer par les membres qui ne faisaient pas partie de sa famille. Cela « prépare le terrain pour la coopération », ajoute-t-elle.

Les psychologues affirment que du fait même de notre évolution, le rejet social et l'isolement nous sont douloureux aujourd'hui. En fait, les circuits cérébraux où la douleur émotionnelle est traitée sont construits sur les circuits où la douleur physique est traitée. Lors d'une expérience, les participants se passaient une balle virtuelle dans les deux sens. Un participant qui cessait soudainement de recevoir la balle ressentait une douleur physique.

D'un point de vue de l'évolution, « il est logique que l'exclusion sociale soit désagréable, n'est-ce pas ? », souligne Gaurav Suri, psychologue expérimental et neuroscientifique computationnel à l'université d'État de San Francisco. « La douleur de l'exclusion sociale nous signale qu'il faut rectifier ce qui en est à l'origine. »

 

POURQUOI AIDER ET RECEVOIR DE L'AIDE FAIT-IL AUTANT DE BIEN ?

En revanche, l'aide et les liens sociaux nous font du bien. Les recherches suggèrent que l'un des indicateurs les plus forts d'une bonne santé mentale est notre capacité à imaginer un réseau de sécurité sociale sur lequel nous pouvons compter, que nous l'utilisions ou non.

C'est parce que quand vous permettez à quelqu'un de donner un coup de main, vous vous déchargez d'une partie de l'effort cognitif et créez « l'espace nécessaire pour surmonter ce facteur de stress », déclare Razia Sahi, chercheuse doctorante au laboratoire de logique des émotions de l'université de Princeton, dans le New Jersey.

Même quand il n'y a pas de solution, recevoir du soutien peut avoir des effets bénéfiques sur notre santé. Par exemple, le simple fait de se défouler peut permettre à une personne de réévaluer une situation et de rendre « l'épisode émotionnel moins intense », explique Suri.

Cela peut également avoir des effets bénéfiques physiques. D'après les recherches de Sahi, lorsque les personnes se remémorent une expérience difficile, elles déclarent avoir ressenti moins de douleur si elles tenaient la main d'un partenaire pendant cette expérience. 

De nombreuses recherches suggèrent que les liens sociaux sont liés à la longévité. Par exemple, les personnes âgées ont souvent signalé un fort sens de communauté dans les Zones bleues, régions dans lesquelles l'on vit jusqu'à quatre-vingt-dix voire même cent ans. Un cas notable a été signalé à Okinawa, au Japon, où les habitants ont formé des groupes très soudés appelés moai. Traditionnellement, ces groupes fournissaient à leurs membres une sécurité financière et partageaient les ressources. De nos jours, les groupes moai continuent de prospérer, avec des membres qui veillent les uns sur les autres.

La structure de la communauté moai facilite la confiance, ce qui rend les demandes de faveurs entre les membres plus aisées, explique Christal Burnette, porte-parole du Research Center for Longevity Science d'Okinawa et membre d'une communauté moai. Si quelqu'un a besoin d'être conduit à l'aéroport, il peut le demander. « Et la personne à qui l'on demande est heureuse d'aider », ajoute-t-elle.

 

ON EST VRAIMENT HEUREUX D'AIDER

Pourtant, demander de l'aide peut s'avérer « délicat » et émotionnellement « risqué », selon Vanessa Bohns, psychologue sociale et professeure de comportement organisationnel à l'université de Cornell, à New York. « Nous craignons que le fait de demander de l'aide mette en péril notre relation », dit-elle.

Ses recherches suggèrent que le fait de payer pour un service élimine une partie de cette tension émotionnelle, ce qui pourrait expliquer pourquoi il est plus facile d'engager un entrepreneur que de téléphoner à un ami. De plus, les applications de « gig-work » peuvent être plus pratiques et répondre à d'autres besoins psychologiques, explique Zhao. D'après la théorie de l'auto-détermination, les êtres humains aspirent aux liens sociaux, ainsi qu'à l'autonomie et à la compétence.

« Les technologies nous donnent le sentiment d'agir, nous offrent la compétence et l'autonomie que nous recherchons », explique Zhao. Cependant, cela réduit les possibles actes de gentillesse, de réciprocité et les chances d'établissement de relations, ce qui peut constituer une menace.

Selon une étude de Xuan Zhao et Nicholas Epley, professeur des sciences du comportement à la Booth School Business de l'université de Chicago, les gens sont plus heureux de nous aider que nous ne le pensons.

Pourquoi ? Parce qu'aider donne un but à l'autre personne. « C'est une expérience agréable que d'entrer en contact avec une autre personne et de lui demander de nous rendre service », explique Xuan Zhao. « Cela permet à la gentillesse de circuler d'une personne à l'autre. »

« J'en suis venu à penser que le fait de ne pas demander de l'aide à quelqu'un quand on en a besoin, c'est faire du tort à quelqu'un d'autre », explique Nicholas Epley. « Vous ne leur donnez pas la possibilité de vous aider, et donc de se sentir eux aussi beaucoup mieux. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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