Peut-on apprendre la compassion ?

Une équipe de chercheurs allemands a fait un drôle de pari : entraîner des individus à devenir plus compatissants à la douleur d’autrui.

De Rédaction National Geographic

Au cours de la dernière décennie, des chercheurs ont découvert que notre cerveau social est plastique. Nous pouvons être formés à devenir plus bienveillants et généreux, même à l’âge adulte, explique Tania Singer dans une étude publiée dans la revue Science Advances en octobre 2017. La chercheuse en neurosciences sociales à l’Institut Max-Planck de Leipzig, a été la première à démontrer le phénomème.

Avec ses collègues, elle a découvert que l’empathie et la compassion utilisent des réseaux différents du cerveau. Les deux peuvent conduire à une conduite sociale positive. Mais la réponse empathique du cerveau à la vision d’une personne en souffrance peut parfois mener à une détresse empathique. Autrement dit, on détourne le regard de la personne en souffrance pour protéger son propre sens du bien-être.

La compassion combine la conscience du malheur de l’autre avec le désir de le soulager. Pour la renforcer, Singer et son équipe ont testé divers exercices. L’un s’inspire des traditions bouddhistes : des sujets méditent sur une personne qui leur est chère (par exemple, un parent ou un enfant), dirigeant en pensée leur affection et leur tendresse vers elle. Puis ils élargissent peu à peu les mêmes sentiments à des connaissances, à des étrangers, et même à des ennemis.

Des neuroscientifiques tentent de comprendre les structures cérébrales responsables des comportements empathiques : gentillesse, compassion, altruisme ...
Des neuroscientifiques tentent de comprendre les structures cérébrales responsables des comportements empathiques : gentillesse, compassion, altruisme etc. Ici, Kent Kiehl, chercheur américain, essaye quant à lui de percer les déficiences cérébrales des psychopathes.
PHOTOGRAPHIE DE Lynn Johnson

Il suffit d’entraîner les sujets pendant seulement quelques jours à ce genre de méditation. Ensuite, si on leur montre de courtes vidéos de personnes malheureuses, l’activation de certains circuits cérébraux prouve que ces sujets ont une réponse plus compatissante par rapport à des sujets qui n’ont pas été entraînés.

Dans une autre étude, Singer et ses collègues ont testé les effets de l’entraînement à la compassion au moyen d’un jeu informatique. Sur un écran d’ordinateur, des sujets guident un personnage virtuel à travers un labyrinthe menant à un coffre au trésor, ouvrant des portes tout du long. Ils peuvent aussi choisir d’ouvrir des portes à un autre personnage qui erre à la recherche du trésor. Les chercheurs ont constaté que les sujets ayant suivi l’entraînement à la compassion étaient plus enclins à aider l’autre personnage (l’équivalent d’un inconnu) que ceux du groupe témoin.

Pouvoir modeler notre cerveau afin d’être plus altruiste est une noble perspective pour la société. Une manière de s’en rapprocher, estime Tania Singer, serait d’intégrer l’entraînement à la compassion dans les écoles. Le résultat serait peut-être un monde plus bienveillant, où le réflexe de la gentillesse perdrait son aura exceptionnelle pour devenir un trait définissant l’humanité.

 

Dans le magazine National Geographic de janvier 2018, une enquête sur les sources cérébrales du bien et du mal.

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