Le syndrome d'Ehlers-Danlos est-il vraiment rare ou simplement mal diagnostiqué ?

Douleurs chroniques. Hyperlaxité des articulations. Peau extensible. Voici quelques-uns des symptômes de cette maladie génétique débilitante extrêmement difficile à diagnostiquer.

De Erin Blakemore
Publication 8 févr. 2024, 15:42 CET
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Le syndromes d'Ehler-Danlos (SED) désigne un ensemble de troubles héréditaires affectant les tissus conjonctifs, tels que la peau, les articulations et les parois des vaisseaux sanguins. L'hypermobilité est l'une des manifestations les plus courantes du SED.

PHOTOGRAPHIE DE Lia, Alamy Stock Photo

Pour Alissa Zingman, 41 ans, médecin à Baltimore, les premiers symptômes déroutants (rotules disloquées et douleurs chroniques) sont apparus lorsqu’elle était enfant. À l’âge de 19 ans, elle avait déjà subi deux interventions chirurgicales orthopédiques. En l’absence de diagnostic précis sur les causes de ses divers symptômes, Zingman a douté de son propre ressenti au point de se croire hypocondriaque, une situation qui l'a fait souffrir pendant ses études de médecine. « J’ai cru pendant de nombreuses années que cette douleur permanente était quelque chose dont il fallait avoir honte », raconte-t-elle.

Après des années passées à souffrir de problèmes articulaires, de douleurs chroniques et de maladies répétées, Zingman a finalement reçu un diagnostic en 2017 : elle souffrait du syndrome d’Ehlers-Danlos, une maladie génétique qui affecte la capacité de son corps à produire le collagène nécessaire au soutien de ses tissus conjonctifs.

Zingman n’est pas seule à souffrir de cette maladie : le syndrome d’Ehlers-Danlos est un mot d’ordre de plus en plus répandu au sein d’une communauté de patients souffrant de divers problèmes de santé comme des articulations anormalement courbées, d’étranges cicatrices ou encore une fatigue chronique. Voici ce que couvre ce large éventail de syndromes et pourquoi cette maladie génétique peut être si difficile à diagnostiquer et à traiter.

 

QU’EST-CE QUE LE SYNDROME D’EHLERS-DANLOS ?

Le syndrome d’Ehlers-Danlos a été décrit pour la première fois par le médecin danois Eduard Ehlers et le médecin français Henri-Alexandre Danlos au début du 20e siècle. Depuis lors, l’appellation a été étendue à une série de troubles héréditaires du tissu conjonctif présentant divers symptômes et degrés de gravité. Bien que souvent simplement appelé « Ehlers-Danlos » ou « SED », le terme couvre officiellement 13 troubles génétiques du tissu conjonctif.

La plupart des formes de SED se caractérisent par une hypermobilité des articulations et une peau extensible et veloutée, mais les symptômes de ces troubles varient. Le sous-type le plus courant, le SED de type hypermobile (SEDh), s’accompagne d’une instabilité des articulations, de luxations, de douleurs articulaires et de fatigue.

D’autres sous-types affectent d’autres systèmes corporels : en cas de syndrome de la cornée fragile (BCS), par exemple, la cornée des malades s’amincit et se fragilise ; en cas de syndrome d’Ehlers-Danlos parodontal (SEDp), les tissus qui soutiennent les dents se décomposent. Les divers types de SED peuvent concerner tous les systèmes corporels, de la peau au squelette en passant par les organes internes. Selon les cas, le SED peut aller d'un simple inconfort à une maladie mortelle.

 

UN DIAGNOSTIC TARDIF ET IMPRÉCIS

Le cas de Zingman n’est pas un cas isolé : malgré l’importance d’un diagnostic précoce, les patients apprennent généralement des années voire des décennies après l’apparition des symptômes qu’ils souffrent du SED. Une étude de 2019 a montré que les patients attendaient 14 ans en moyenne avant de recevoir un diagnostic de SED, et qu’un quart des patients avait attendu plus de 28 ans.

Notons également que les erreurs de diagnostic sont fréquentes et que les disparités entre les sexes touchent les patients atteints du SED ; la même étude de 2019, qui portait sur une cohorte de patients au Pays de Galles, a révélé que les hommes recevaient un diagnostic 8 ans et demi plus tôt en moyenne que les femmes.

Souvent, les problèmes articulaires, les douleurs et la fatigue associés à de nombreux cas de SED ne sont qu’un début : ces troubles sont souvent associés à d’autres pathologies, comme le syndrome de tachycardie posturale orthostatique (PoTS), des troubles digestifs, des troubles du sommeil et de l’anxiété. Dans le cas de Zingman, son diagnostic de SED a été difficile à établir car elle souffre en parallèle d’un trouble du système immunitaire. Elle explique s’être sentie soulagée lorsqu’elle a enfin reçu un diagnostic de SEDh, qui justifiait alors toutes les opérations orthopédiques qu’elle avait subies et établissait la cause des hernies discales et de l’instabilité pelvienne qui affectaient sa capacité à marcher.

« L’annonce du diagnostic a tout changé », dit-elle. « Je savais maintenant que mes symptômes étaient réels et qu’il devait y avoir un moyen de me guérir. »

 

UNE MALADIE RARE ?

L’autoreprésentation et l’intégration des soins de santé ont permis à Zingman de terminer son internat en médecine. Après l’avoir observée se réhabiliter lentement, le médecin spécialiste du SED qui la suivait lui a suggéré de créer son propre cabinet consacré au traitement de ces syndromes. Aujourd’hui médecin, Zingman est spécialisée dans l’orthopédie et la médecine préventive, et son cabinet privé de Silver Spring, dans le Maryland, traite de nombreux patients atteints du SED.

Selon Zingman, la prévention des blessures, l’éducation des prestataires et la coordination des soins de santé sont autant d’éléments essentiels à la prise en charge du SED. Mais elle ne fait partie que d’un petit groupe de prestataires spécialisés dans les syndromes génétiques ; même au sein de cette communauté, petite mais engagée, la maladie peut susciter plus de questions que de réponses.

La prévalence des syndromes fait par exemple l’objet de nombreux débats. Bien que certains estiment qu’une personne sur 5 000 est atteinte d’un sous-type de SED, cette maladie est toujours considérée comme une pathologie rare aux États-Unis. En 2019, une estimation du sous-type hypermobile a révélé qu’une personne sur 500 au Pays de Galles était atteinte de ce syndrome. Mais « comme les erreurs de diagnostic sont fréquentes », déclare un porte-parole de la Ehlers-Danlos Syndrome Research Foundation (lit. Fondation pour la recherche sur le syndrome d’Ehlers-Danlos), « nous pensons que cette estimation est largement sous-évaluée ».

Soulignons également qu'il n’existe pas de traitement ni de remède unique pour cette maladie, et que la sensibilisation au SED peut être insuffisante, même parmi les professionnels de santé. Mais le vent tourne dans le monde de la recherche et de la sensibilisation au syndrome d’Ehlers-Danlos. Aujourd’hui, la Ehlers-Danlos Society reconnaît 18 « centres d’excellence » dans tous les États-Unis : il s’agit d’établissements qui répondent à des critères stricts en matière de soins centrés sur le patient, possèdent une expertise particulière sur la maladie et disposent de services spécialisés dans le SED. À mesure que progresse la recherche sur cette pathologie, de plus en plus de prestataires deviennent compétents dans la prise en charge des patients atteints du SED.

Cela n’aurait pas été pas possible sans la mobilisation des malades ainsi que des soignants qui s’engagent à faire avancer la recherche et les traitements. Le soutien par les pairs se manifeste notamment sous la forme d’un subreddit fort de 50 000 utilisateurs ou encore de rencontres en personne dans les hôpitaux et les cliniques. Les patients qui n’ont pas reçu de diagnostic ou de traitement efficace pendant des années peuvent s’orienter les uns les autres vers des prestataires, exprimer leur empathie et partager des anecdotes sur leur propre expérience. Zingman souligne toutefois que sans changements d’approches dans le diagnostic, le traitement et les soins centrés sur le patient, de nombreux malades du SED risquent de rester dans l’ombre.

Néanmoins, Zingman, ses collègues et de nombreux malades du SED insistent sur le fait que même si cette pathologie est incurable, il est possible d’y survivre et de la traiter. « Les patients peuvent mener une vie saine et productive », affirme-t-elle. Un jour, espère-t-elle, la médecine rattrapera son train de retard par rapport au quotidien des patients et les aidera à s’épanouir, pas à pas.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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