Dans un zoo chinois, un âne est jeté vivant aux tigres
L'incident a suscité l'effroi des défenseurs du bien-être animal et met en lumière les comportements cruels de certains zoos du pays.
Devenue virale, cette vidéo tournée lundi dernier dans un zoo chinois montre un âne vivant servant de repas à des tigres sous les yeux du public, un incident qui a suscité des préoccupations en matière de bien-être animal au sein de l'établissement en question, mais aussi dans les zoos chinois en général.
Dans la vidéo, vraisemblablement tournée par un visiteur au parc zoologique de Yancheng, situé dans la périphérie proche de Shanghai, un groupe d'hommes vêtus d'imperméables poussent un âne le long d'une rampe de bois dans une fosse où deux tigres se jettent presque immédiatement sur lui. L'âne tente de se débattre sous l'eau dans un premier temps.
Si les images ne montrent que les débuts du supplice, le South China Morning Post rapporte qu'une heure aura été nécessaire à l'âne pour mourir.
Selon un communiqué publié par le zoo, des actionnaires mécontents sont à l'origine de l'incident. Excédés par l'absence de retours sur investissement du zoo, les actionnaires ont mis au point un plan afin de capturer certains animaux, dont l'âne, puis de les vendre à l'extérieur de l'établissement. Empêchés par le personnel du zoo, les hommes ont alors préféré pousser l'âne dans l'enclos des tigres, afin d'au moins « réaliser des économies sur la nourriture des animaux », comme l'a indiqué l'un des actionnaires au Guardian.
« Cette vidéo est horriblement triste car tout ce qu'elle montre n'est que souffrance : que ce soit l'âne, les tigres ou le public qui les observe », explique Doug Cress, P.-D.G. de l'Association mondiale des zoos et aquariums, un organisme chargé d'accréditer les zoos mais qui n'est aucunement affilié au parc zoologique de Yancheng.
D'après Doug Cress, l'incident n'aurait jamais dû avoir lieu. « Si le zoo était équipé de barrières adéquates entre le public et les enclos, il aurait d'une part été impossible de faire sortir les animaux de leur enclos, et d'autre part de les jeter dans celui des tigres. Cela démontre clairement l'inefficacité des barrières et des dispositifs de sécurité de ce zoo. »
Au moment de la publication de cet article, le zoo n'a toujours pas répondu aux sollicitations de National Geographic.
Cet incident est le dernier d'une série d'événements inquiétants impliquant des zoos chinois, lesquels se sont construit une réputation de cruauté envers les animaux. Selon Doug Cress, la richesse récente de la Chine a conduit à l'essor incroyable des entreprises liées aux zoos et aquariums au cours des 20 dernières années ; or, le respect des animaux et la connaissance des principes en matière de bien-être animal accusent des retards.
Les visiteurs de zoo en Chine sont connus pour lancer des pierres et des déchets aux animaux. Il arrive parfois que ces derniers soient forcés de réaliser des numéros pour le public, une activité incluant de la maltraitance animale pour de nombreux organismes d'accréditation sérieux.
Dave Neale, directeur en charge du bien-être animal au sein de l'organisation à but non lucratif Animals Asia basée à Hong Kong, explique que s'il est horrifié par l'incident survenu au parc zoologique de Yancheng, cela ne le surprend pas. Lorsqu'il s'était rendu dans ce zoo par le passé, des visiteurs avaient obtenu l'autorisation de payer pour que des canards et des poulets vivants soient jetés dans les enclos des lions et des tigres, par pur divertissement.
Dans quelques autres cas marginaux, il a vu d'autres établissements offrir des moutons, des chèvres, des cochons et des vaches vivants à des prédateurs en guise de festin. « Si quelqu'un offre suffisamment d'argent, certains parcs sont prêts à tout », affirme-t-il. « Cela nuit à la valeur éducative propre aux zoos : je ne vois pas d'aspect éducatif dans ce type de pratiques. »
Selon Dave Neal, ces pratiques cruelles ont le plus souvent lieu dans les parcs zoologiques situés en zones non urbaines et supervisés par l'Administration forestière chinoise, plutôt que dans des établissements tels que les zoos de Pékin ou de Shanghai, gérés eux par les services municipaux et où l'accent est davantage mis sur la sauvegarde que sur le divertissement.
Toujours d'après lui, le parc zoologique de Yangcheng est accrédité par l'Association chinoise des jardins zoologiques, une organisation qui ne manque pas de bonnes intentions mais ne possède pas les ressources nécessaires pour faire respecter par ses membres les normes strictes en matière de bien-être animal. L'association n'a pour l'heure pas donné suite aux questions de National Geographic, ni fait savoir si elle envisageait de prendre des mesures suite à l'incident de lundi dernier.
Doug Cress explique qu'au-delà des barrières insuffisantes du zoo, cet incident est révélateur d'un autre problème : les tigres de zoos ne sont tout bonnement pas censés manger des animaux vivants. Si les tigres à l'état sauvage tuent une grande diversité d'animaux afin de se nourrir (allant des cerfs et buffles d'Inde à, parfois, des animaux domestiques), les zoos intègres nourrissent leurs tigres de viande de bœuf et de cheval et non pas d'animaux qui respirent encore.
« Ce n'était pas la faim qui animait ces deux tigres, mais la curiosité », affirme Doug Cress. « Ils n'ont pas l'air de savoir comment abattre ce type d'animal, ni ce qu'ils sont supposés en faire, vraiment. »
Effectivement, si les tigres présents dans la vidéo attaquent bien l'âne, il ne s'agit pas là du type d'abattage réalisé par un prédateur redoutable tel qu'on peut le voir dans les documentaires animaliers. À l'état sauvage, un tigre traque sa proie et peut la tuer en l'espace de quelques minutes en mordant à la gorge.
Par ailleurs, l'absence d'instinct de prédateur sauvage chez les tigres élevés en captivité pourrait engendrer des blessures si un animal à cornes, par exemple, était jeté dans leur enclos.
« La sécurité des animaux comme des personnes devrait être la priorité numéro une », affirme Dave Neal, « le zoo est donc en grande partie responsable, même s'il s'agit, espérons-le, d'un incident isolé ».