La Chine interdit totalement le commerce de l'ivoire
Deux ans après avoir convenu avec les États-Unis d'interdire le commerce intérieur d'ivoire, tous les sculpteurs et vendeurs, jusqu'alors tolérés par le gouvernement chinois, devront cesser leurs activités avant la fin de l'année.
Depuis le 31 décembre, la loi chinoise prévoit l'interdiction définitive du commerce légal intérieur d'ivoire. Tous les établissement de sculpture et de vente d'ivoire sous licence gouvernementale vont être fermés, en accord avec l'annonce faite en 2015 par le Président chinois Xi Jinping et l'ancien Président des États-Unis Barack Obama.
La Chine et les États-Unis se sont accordés sur une interdiction « quasi-complète » du commerce d'ivoire, qui comprend l'interdiction d'achat et de vente d'ivoire et d'un nombre limité de pièces anciennes en ivoire. L'interdiction a pris effet en juin 2016 aux États-Unis.
La Chine est l'un des plus importants consommateurs d'ivoire au monde, tant sur le plan légal qu'illégal, et cette demande est pour partie responsable de l'abattage de 30 000 éléphants d'Afrique par les braconniers chaque année. L'ivoire est très recherché pour la sculpture, la fabrication de bibelots, de baguettes et d'autres objets.
« L'engagement du gouvernement chinois de fermer le commerce intérieur d'ivoire envoie un message très fort au grand public : la vie des éléphants vaut bien plus que la tradition de sculpture sur ivoire et doit être respectée, » indique Gao Yufang, une doctorante en biologie de la conservation et anthropologie culturelle à l'université de Yale et exploratrice National Geographic. « C'est un grand pas en avant. »
Une interdiction internationale du commerce d'ivoire a été mise en place en 1990, mais la Chine continuait d'autoriser - et même de promouvoir - la vente d'ivoire à l'intérieur de ses frontières. Le commerce légal avait fourni depuis une opportunité extraordinaire aux trafiquants d'ivoire d'acheminer l'ivoire depuis le continent africain jusque dans les commerces agrémentés.
« Il est difficile de prédire à quel point l'interdiction du commerce d'ivoire permettra la réduction du braconnage d'éléphants en Afrique parce que cette activité dépend de nombreux facteurs » continue Yufang. « Mais déjà en Chine les produits en ivoire se vendent moins cher et le marché est considérablement réduit. »
Les experts s'accordent à dire que la clef du succès est le durcissement de la loi et l'éducation. Mais « le durcissement de la loi en Chine peut être entravé par une mauvaise coordination des différentes agences gouvernementales, et le manque de personnes formées sur le terrain, » indique Yufang par email.
Si de nombreux Chinois, notamment les plus jeunes, sont de plus en plus sensibles à la défense de la cause animale et aux enjeux de préservation, l'ivoire est le dernier signe de statut social qu'il leur est difficile d'abandonner.
En chinois, le mot pour ivoire est xiangya, qui signifie « Dent d'éléphant », ce qui a induit en erreur de nombreux Chinois qui présumaient que l'ivoire pouvait être extrait sans faire de mal à l'éléphant. Le Fonds international pour la protection des animaux avait ainsi communiqué en 2007 sur un sondage selon lequel 70 % des personnes interrogées en Chine ne savaient pas que l'éléphant devait être tué pour que l'ivoire soit extrait.
L'administration forestière chinoise, l'agence en charge de l'application de cette nouvelle interdiction, a lancé une campagne de sensibilisation auprès du grand public pour s'assurer que la loi était désormais connue de tous. Des affiches, des vidéos et des publications sur les réseaux sociaux seront relayées par les ONG engagées pour la préservation des éléphants.
En mars la première vague de fermetures frappera les usines et les vendeurs d'ivoire. Une étude récente de WWF et de l'ONG TRAFFIC montre cependant que seuls 19 % des personnes interrogées étaient au courant de la fermeture en question. Mais une fois que la mesure leur était expliquée, 86 % d'entre eux s'y disaient favorables.
« En fermant les marchés d'ivoire, la Chine montre son engagement à mettre fin au marché illégal d'ivoire, en pleine expansion et qui menace la survie des éléphants d'Afrique, » estime Ginette Hemley, une Senior vice-présidente de WWF et membre du conseil d'administration de TRAFFIC, dans un communiqué de presse. « Il est essentiel que ces efforts gouvernementaux soient accompagnés par un changement de mentalités chez les consommateurs pour que la demande baisse. »