En Argentine, la naissance de deux jaguars redonne espoir pour l'avenir de l'espèce
Deux bébés jaguars sont nés dans la réserve naturelle de l'Iberá en Argentine. Le contact avec l'Homme sera très minine, puisque les scientifiques espèrent les relâcher un jour dans la réserve.
L'avenir des jaguars en Argentine pourrait bien reposer sur deux bébés jaguars âgés d'une semaine.
En juin dernier, deux bébés jaguars ont vu le jour dans la réserve naturelle de l'Iberá, un des plus grands marécages d'eau douce du continent américain, située dans le nord-est de l'Argentine. S'ils n'ont pas encore de nom et que leur sexe est indéterminé à l'heure actuelle, les scientifiques se réjouissent de la naissance de ces petits félins, qui pourrait être bénéfique à la sauvegarde du jaguar, une espèce quasi menacée d'extinction.
« La période décisive est passée. Ils semblent être en bonne santé et têtent bien leur mère », a écrit dans un email Ignacio Jiménez Pérez, boursier National Geographic et coordinateur de la conservation au Conservation Land Trust Argentina.
DE JEUNES ESPOIRS POUR L'ESPÈCE
Les jaguars sont les plus grands félins d'Amérique du sud. Vénérés tels des dieux par les premières civilisations méso-américaines, le territoire des jaguars s'est notamment étendu de la Patagonie au sud des États-Unis.
Mais aujourd'hui, la population des jaguars a chuté de 40 % et leur territoire ne représente plus qu'une fraction de ce qu'il était auparavant. À cause de la déforestation, les félins ont plus de mal à se nourrir et ont moins d'arbres où se cacher des chasseurs qui les tuent pour leur peau, leurs dents et leur crâne. Les jaguars sont aussi parfois tués à des fins sportives ou par des éleveurs dont le bétail a été tué par les félins.
En 2011, afin de lutter contre la baisse de la population des jaguars, l'organisation sud-américaine Tompkins Conservation a lancé le programme de réintroduction des jaguars au sein de la réserve naturelle de l'Iberá. Située dans le nord de l'Argentine, cette vaste étendue protégée de 138 000 hectares abrite une biodiversité riche et constitue l'endroit idéal pour réintroduire des jaguars en Amérique du Sud, indique Ignacio Jiménez Pérez.
Grâce au financement de la National Geographic Society, l'organisation a pu construire des installations dédiées à la reproduction des jaguars et lancer le programme. Elle soutient également un second projet à Iberá : celui-ci vise à réintroduire des espèces animales qui ont disparu de la région, comme les tapirs, les cerfs des pampas, les pécaris à collier ainsi que les aras chloroptère, des animaux bénéfiques à l'écosystème puisqu'ils broutent, mangent des feuilles ou dispersent les graines.
Les bébés jaguars nés la semaine dernière sont les premiers à naître depuis le lancement du programme de conservation de l'espèce et les premiers à voir le jour dans le parc depuis plusieurs décennies. Leurs parents ont été prêtés par des partenaires du programme : Chiqui, le père, est né en liberté mais a grandi dans un refuge après que sa mère a été tuée par un chasseur, tandis que Tania, la mère, est née et a grandi dans un zoo. Pour une jeune maman sans expérience, Ignacio Jimérez Pérez estime que Tania s'en sort plutôt bien et que les petits ont l'air en bonne santé.
Les scientifiques ont pu observer les bébés jaguars grâce à la vidéo, mais ils souhaitent laisser la petite famille tranquille et ne se sont pas encore approchés des petits. Il leur faudra patienter encore quelques jours avant que Tania ne change d'enclos, ce qui permettra à l'équipe d'examiner les jeunes félins.
Le sevrage des bébés aura lieu dans les prochaines semaines. À partir de ce moment, Tania commencera à apporter de la viande à ses petits dans leur enclos d'1,6 hectare. Dans les mois qui suivront, les petits seront capables de chasser et s'entraîneront sur les capybaras ou d'autres animaux.
« S'ils n'arrivent pas à chasser seuls, nous avons mis au point un système qui nous permettra de les nourrir sans qu'ils nous voient », a expliqué Ignacio Jimérez Pérez. « Il est essentiel qu'ils apprennent à chasser seuls au cours des premiers mois de leur vie et qu'ils n'aient aucun contact négatif ou positif avec les humains ».
Vers l'âge de 10-12 mois, les jeunes jaguars seront transférés dans un enclos d'une trentaine d'hectares pour parfaire leurs techniques de chasse. Ils pourront ensuite être directement relâchés dans la réserve naturelle de l'Iberá.
« Pour le moment, le plus important, c'est que Tania s'occupe bien de ses petits », continue le boursier National Geographic. Une autre jeune femelle jaguar du Brésil et un autre mâle pourraient s'accoupler pour donner naissance à d'autres petits jaguars. Ces derniers n'auraient alors aucun lien de parenté avec ceux qui viennent de naître. « La deuxième portée devrait suivre les différentes étapes mentionnées ci-dessus, qui seront adaptées en fonction de ce que nous avons appris des petits de Tania ».
VERS UNE AUGMENTATION DE LA POPULATION DE JAGUARS ?
Prédateur qui chasse à l'affût, le jaguar possède une mâchoire puissante qui lui permet de tuer ses proies en un coup de crocs. Ce félin n'a pas peur de l'eau et est un excellent nageur. Il se nourrit aussi bien de poissons, tortues et caïmans dans les rivières, que de cerfs, tapirs, capybaras et pécaris sur terre.
Les jaguars sont des animaux solitaires. Ils délimitent leur territoire en griffant les arbres et en déposant de l'urine ou des excréments. Les femelles ont des portées de un à quatre petits, qui naissent aveugles et sans défense. C'est leur mère qui leur apprend à chasser.
On estime à 15 000 le nombre de jaguars dans le monde. En Argentine, ils ne sont plus que 200 individus à l'état sauvage : ils vivent dans des parties isolées de la forêt atlantique, située au nord-est du pays, et dans les forêts alpestres subtropicales du nord-ouest de l'Argentine. Les immenses forêts de Gran Chaco abriteraient une vingtaine de jaguars, mais ces derniers sont considérés comme des « fantômes écologiques » en raison de leur très faible nombre sur ce territoire, confie Ignacio Jiménez Pérez.
L'objectif du programme est de parvenir à une population stable de 100 jaguars au sein de la réserve naturelle de l'Iberá.
« Si nous réalisons cet objectif, une troisième population de jaguars sera établie en Argentine », écrit Ignacio Jiménez Pérez. « La répartition actuelle de l'espèce s'étendra aussi vers le sud du pays et la population de jaguars en Argentine aura augmenté de 50 % ».