Monde animal : dix ans de bouleversements
Les dix ans de Nat Geo Wild sont l’occasion de revenir sur une décennie de changements et de dérèglements pour la faune sauvage.
Depuis dix ans maintenant, Nat Geo Wild vous fait découvrir le monde animal dans toute sa diversité, sa beauté et sa férocité. Mais en dix ans, ce monde s’est transformé et les espèces ont été peu ménagées. Cette dernière décennie s’est caractérisée par une vive mutation de la faune, de son habitat et, inévitablement, de la santé des populations animales. La plupart des espèces sont aujourd’hui plus vulnérables qu’elles ne l’étaient il y a dix ans.
DANGER CRITIQUE D’EXTINCTION
Les tigres de Sumatra sont la dernière espèce de tigres d’Indonésie. Le plus petit tigre du monde voit son habitat disparaître et se fragmenter à la faveur de la culture d’huile de palme. Plus de 40 % des forêts de l’île ont été transformées entre 1990 et 2010. Le recul de ces espaces naturels réduit significativement l’habitat du tigre de Sumatra qui se voit isolé dans des zones de plus en plus petites et divisé en sous-population, un handicap majeur pour la perpétuation de l’espèce. Une étude publiée dans la revue Nature Communications évalue le nombre de spécimens adultes encore vivants à 618 en 2012, soit 124 de moins qu’en 2010. À ceci, il faut ajouter le braconnage de l’espèce encore très répandu. La Chine, où le tigre est réputé pour ses supposés bienfaits médicinaux, reste très demandeuse en parties de tigres. Le tigre de Sumatra a été déclaré « en danger critique d’extinction » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN).
Bien plus au nord du globe, des espèces emblématiques des territoires nordiques sont également sujettes à de fortes mutations favorisant leur disparition. Les caribous, très présents dans le nord du Canada, doivent faire face aux feux de forêts, à l’exploitation arboricole ou encore à l’expansion urbaine qui vient chaque jour empiéter un peu plus sur leur territoire. En 1993, les caribous étaient 800 000, on n’en dénombre aujourd’hui plus que quelques milliers. Le nombre de hardes se réduit significativement, tout comme leurs effectifs qui ont baissé de 95 % à 98 % pour certaines. L’espèce est à présent en voie de disparition. S'ajoutent à cette inquiétude les 62 espèces du nord canadien considérées comme étant en péril. L’illustration la plus frappante : la population de morses est désormais considérée comme étant dans une « situation préoccupante » à cause du réchauffement climatique, du recul des glaces, des interactions trop fréquentes avec les touristes et du développement industriel.
Dans l’hémisphère sud, les lions d’Afrique font également face à la déforestation massive au point qu’ils n’occupent plus aujourd’hui que 15 % de leur territoire historique. Si l’UICN avait déjà placé les lions d’Afrique au niveau « vulnérable » sur la liste rouge des espèces en danger en 2004, elle a revu la situation en 2015 pour les lions d’Afrique de l’Ouest en les distinguant par une catégorie spéciale pour les classer « en danger critique d’extinction ». Les lions d’Afrique de l’Ouest n’étaient plus que 406 individus à l’état sauvage en 2014 et, avec des séquences génétiques uniques, représentent une population unique que l’on ne retrouve dans aucune autre région ni en captivité. D’après les dernières études, la moitié des lions d’Afrique auront disparu d’ici 2035 : ils ne seront ainsi plus que 10 000 à l’état sauvage.
Plus au sud du continent, en Afrique du sud, la population de léopards a chuté de 44 % entre 2012 et 2016. Depuis 2008, les chiffres sont tombés de 10,73 léopards pour 100 km² à seulement 3,63. Un chiffre d'autant plus inquiétant quand on sait qu’il s’agit du pays où la densité de léopards est historiquement la plus forte. Tous comme les lions, la disparition des léopards est majoritairement due à la chasse illégale ainsi que les éleveurs de bétails qui placent des pièges ou les empoisonnent pour protéger leurs troupeaux. D’après de récentes projections, il n’y aurait plus de léopards dans cette zone d’ici 2020. Dans d’autres régions du globe, le léopard est également très vulnérable. Son cousin d’Indochine a déjà disparu à Singapour, au Vietnam et au Laos. Il est à présent sur le point de s’éteindre au Cambodge où sa densité a chuté de 72 % entre 2009 et 2014 et n’évolue plus que sur 25 à 37 % de son aire de répartition historique. Cette mutation de son environnement s’explique par le fait que le taux de déforestation dans cette région est le plus élevé au monde. Le braconnage et la disparition de leurs proies participent également au phénomène. Sur huit sous-espèces de léopards, sept sont considérées comme en danger ou danger critique d’extinction.
Si cette région du monde subit la plus forte déforestation, c’est principalement pour la culture intensive d’huile de palme qui est faite dans les forêts malaisiennes dont les orangs-outans sont les premières victimes. D’après l’IUCN, 82 % de la population aurait disparu entre 1950 et 2025, ce qui ne représentent que trois générations. On estime que 65 000 orangs-outans auraient été tués ces dernières décennies pour être mangés ou pour la protection des récoltes, le rétrécissement des forêts les poussant à se rapprocher de zones occupées par les Hommes. L’espèce a été classée « en danger critique d’extinction » ; 100 000 spécimens auraient disparu à Bornéo entre 1999 et 2015, tandis qu’à Sumatra, les écologistes n’en dénombrent plus que 14 000.
Certaines études révèlent pourtant le fait que le nombre absolu d’orangs-outans est en augmentation : ce phénomène n’est dû qu’à l’extension de la cartographie prise en compte par les chercheurs qui n’avaient pas encore exploré toutes les zones des îles mais le taux de présence de l’espèce reste bel et bien en déclin. De nombreuses associations éco-touristiques tentent d’endiguer le phénomène en sensibilisant les populations locales voire en achetant des terrains afin qu’ils ne soient pas soumis à exploitation. Les scientifiques souhaitent également voir s’étendre la surface des aires protégées et créer des partenariats locaux pour les aires qui ne le sont pas.
Ces spécimens en danger ne sont que des exemples parmi les centaines d’espèces animales menacées d’extinction par la fragmentation voire la disparition de leur habitat, qu’elles soient dues aux activités humaines ou aux conséquences du changement climatique. Le braconnage et la chasse illégale font également partie des principales menaces pesant sur la faune. Face à ces différents phénomènes, plusieurs initiatives ont été mises en place et dessinent les contours de l’espoir. National Geographic, à travers la Big Cats Initiative s'inscrit dans la protection des grands félins en finançant des recherches permettant de suivre de près les différentes évolutions des populations, les causes de leurs fluctuations et les points de tension.
UN NOUVEL ESPOIR
Si le sort de nombreuses espèces inquiète la communauté scientifique et écologique, certaines connaissent une embellie grâce à différentes mesures de conservation. Le nombre de tortues marines est, par exemple, en augmentation. Une récente recherche a étudié 299 populations et 7 espèces marines. Il apparaît que si ces dernières sont toujours considérées comme menacées, elles pondent tout de même bien plus d’œufs, ce qui peut être relié à l’augmentation de la protection des zones de nidification, en particulier sur la côte atlantique américaine où 95 sites ont vu leur nombre de nids augmenter.
Les baleines se portent également mieux qu’il n’y a dix ans. En Californie, l’augmentation du nombre de baleines bleues est significative. Depuis l’interdiction de la pêche en 1971, l’espèce est en constante croissance et serait presque revenue à son niveau historique puisque la région est occupée à hauteur de 97 % de sa capacité d’accueil. Les baleines à bosse se rétabliraient également doucement après avoir manqué de disparaître, persécutées par la chasse à la baleine. Une nouvelle étude révèle qu’en Antarctique, le taux de grossesse des femelles aurait augmenté de 36 % à 86 % entre 2010 et 2014, indicateurs significatif du rééquilibre des populations et de l’amélioration de la santé génétique de l’espèce.
Il en va de même du dugong. Cet herbivore marin de la famille du lamantin endémique des océans Indien et Pacifique est l’un des symboles de la Grande Barrière de corail. Cet animal de la famille des siréniens se nourrit majoritairement d’algues. Or, l’exploitation de côtes par l’Homme et les récents cyclones ont fortement détérioré les fonds marins dans lesquels évolue l’animal. En 2011, des relevés aériens n’avaient repéré aucun bébé dans la population du récif corallien. En novembre dernier, un nouveau relevé a mis en lumière un phénomène de baby-boom puisque sur 5 500 animaux, 10 % étaient des bébés d’après le rapport de l'Autorité du parc de la Grande Barrière de corail. Cette reprise est principalement due à l’expansion des praires sous-marines le long des côtes.
Sur un territoire terrestre à bien plus haute altitude, la panthère des neiges montre également des signes de progrès, si bien que l’IUCN souhaite passer son statut de « menacé » à « vulnérable », une évolution encourageante. Il y aurait aujourd’hui dans le monde 7 400 à 8 000 spécimens alors que l'on en dénombrait que 5 300 il y a 25 ans. Cette croissance de la population est due aux mesures de protection mises en place par les ONG et les pays d’habitat de l’animal. En 2017, un sommet international avait lieu pour mettre en place une protection mondiale de l’espèce. Cependant, la rétrogradation de ce statut fait débat. Certains scientifiques pointent du doigt un échantillon de population étudié non-représentatif et souligne l’effet de désensibilisation que pourrait avoir ce changement.
Pour les pandas géants, le changement a déjà eu lieu. L’espèce est à présent considérée comme « vulnérable » et non plus « en danger critique d'extinction » selon l’ICUN. L’ursidé était menacé depuis plus de 50 ans par la déforestation qui a non seulement fragmenté les populations et également fait disparaître le bambou, source alimentaire principale de l’animal. Mais grâce à un grand plan de protection des forêts en Chine et de replantation, la population a augmenté de 17 % en 10 ans grâce à l’extension de 11,8 % de l’habitat du panda. Les pandas géants vivant à l’état sauvage en Chine seraient à présent 1 864.
Mais l’un des exemples les plus parlants des actions et combats menés pour la protection des espèces menacées est celui des gorilles de Dian Fossey. La primatologue a passé des années dans les montagnes rwandaises à les protéger et a réussi à en faire une espèce protégée depuis les années 1970. À l’époque de ce qui était une lutte plus que mouvementée face aux populations locales, véritables menaces pour les gorilles, ces grands singes étaient moins de 275. L’espace pour lequel s’est battue Dian Fossey, le parc national des Volcans, compte aujourd’hui 480 spécimens organisés en huit groupes. Le problème qui se pose à présent réside dans le manque d’espace pour le développement des communautés. Le parc va atteindre la limite de sa capacité d’accueil et les groupes, de plus en plus proches géographiquement, s’affrontent beaucoup plus qu’ils ne le devraient à l’état sauvage. Si les chiffres sont encourageants et que le travail des primatologues de ces 30 dernières années paye, des efforts restent encore à fournir pour déclasser cette espèce des celles en voie de disparition.
Beaucoup d’initiatives à travers le monde concourent à relancer la démographie de ces nombreuses espèces et les efforts déjà fournis depuis plusieurs décennies ont commencé à faire leurs preuves. Dans cette dynamique, la National Geographic Society, organisation à but non-lucratif, finance des centaines de projets d’étude de la faune et de conservation dans le monde entier. Des projets comme la Big Cat Initivative, le projet photographique Photo Ark de Joel Sartore ou encore Beyond Yellowstone ont déjà permis de mieux protéger de nombreuses espèces et surtout la création de milliers d’espaces protégés dans plus de 27 pays.