Six pouvoirs incroyables des méduses

Immortalité, clonage, bioluminescence, vie en colonie… Les capacités des cnidaires et de ses proches parents, les cténaires, sont exceptionnelles. Décryptage.

De Julie Lacaze
Publication 23 oct. 2018, 17:00 CEST

On connaît les méduses pour envahir nos plages, avec leur corps gélatineux et leurs tentacules venimeux. En réalité, le terme renvoie à différents individus. Celles qui se trouvent près des côtes, par exemple, sont des scyphozoaires (ou “méduses vraies”), l’une des quatre classes d’animaux qualifiés de « méduses ». Les trois autres sont les cubozoaires, parmi lesquels on trouve les méduse-boîtes, dont la piqûre est très puissante, les hydrozoaires, célèbres pour être immortels, et les staurozoaires, des méduses fixées sur le fond de l’océan. Toutes ces méduses appartiennent aux cnidaires, un embranchement d’invertébrés aquatiques.

Hormis les staurozoaires, ces classes présentent généralement deux stades de vie : un stade fixé, le polype, durant lequel l’animal peut se cloner à l’infini, et un stade libre, la méduse. Celle-ci va alors se déplacer et ainsi pouvoir partager son patrimoine génétique avec un mâle ou une femelle, puis donner une larve qui se transformera en un nouveau polype. Ce mode de reproduction particulier explique d'ailleurs leur prolifération actuelle : la pollution plastique des océans offre de nombreux supports à l’installation des polypes.

Outre-Manche et outre-Atlantique, la confusion terminologique est encore plus grande : le terme anglo-saxon de méduse — jellyfish — regroupe à la fois ces quatre classes de cnidaires et leurs proches parents, les cténaires et les salpes, aux corps également gélatineux. Grandes différences entre les cténaires et les autres méduses : leurs cellules de capture sont collantes et non urticantes et ils ne connaissent pas de stade polype. S’il est difficile de se repérer dans l’arbre phylogénétique des méduses, chacun de ces groupes est doté de capacités particulières, inégalées dans le monde animal. Zoom sur six d’entre elles avec Étienne Bourgouin, du médusarium de l'Aquarium de Paris :

 

L'IMMORTALITÉ : LES HYDROZOAIRES

L’hydrozoaire Turritopsis dohrnii est dans une goutte d’eau. L’invertébré est minuscule avec son ombrelle de 0,8 ...
L’hydrozoaire Turritopsis dohrnii est dans une goutte d’eau. L’invertébré est minuscule avec son ombrelle de 0,8 mm.
PHOTOGRAPHIE DE David Liittschwager, image réalisée àla station de recherche Bonaire du Council on international educational exchange

Étienne Bourgouin : La minuscule Turritopsis dohrnii, qui mesure environ 5 mm de diamètre, appartient aux hydrozoaires. Cette méduse, qui vit en Méditerranée, au large du Japon et dans la mer des Caraïbes, a la capacité, en fin de vie (ou sous l’action d’un stress), de se régénérer. Pour cela, elle pratique la transdifférenciation. Ces cellules redeviennent alors des cellules souches. Elle perd d’abord ses tentacules, tombe sur le fond de l'océan et redevient un polype qui engendre des méduses génétiquement identiques au premier organisme. C’est donc une forme d’immortalité biologique.

LE CLONAGE OU LA DIVISION À L’INFINI : LES MÉDUSES VRAIES

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    Des polypes d’Aurelia coerulea. Diamètre de chaque clone : environ 3 mm.
    Des polypes d’Aurelia coerulea. Diamètre de chaque clone : environ 3 mm.
    PHOTOGRAPHIE DE David Liittschwager

    E. B. : Chez les méduses vraies, les polypes peuvent se scinder à l’infini. Lors d’un changement de saison, de température, de salinité, ou d’un stress physique (écrasement, tempête), le polype des méduses vraies va se diviser en piles d’assiettes (visibles à droite sur la photo). Chaque assiette est appelée éphyrule, c’est une future méduse. Un polype peut donner jusqu’à une dizaine d’éphyrules en fonction de l’espèce. C’est ce que les biologistes appellent “la strobilisation”. Ces organismes grandissent et développent une ombrelle et des tentacules (visibles sur la photo). Puis, le polype grossit et se divise à nouveau lors d’un autre changement de saison. Le polype peut aussi se cloner, en rampant sur le sol, abandonnant un morceau de chair (un podocyste) qui engendrera un nouveau polype. Le polype peut également bourgeonner, à l’image des rhizomes d’une plante, pour en générer un nouveau.

    LA VIE EN COLONIE : LES SIPHONOPHORES

    Physalia physalis est aussi connu sous le nom de galère portugaise.
    Physalia physalis est aussi connu sous le nom de galère portugaise.
    PHOTOGRAPHIE DE Islands in the Sea 2002, Noaa, OER

    E. B. : Toutes les méduses de l’ordre des siphonophores vivent en colonie. Sur la photo, la galère portugaise a l’air d’être un individu unique, mais, en réalité, il s’agit d’un super individu composé de plusieurs zoïdes. Chacun d’entre eux joue un rôle particulier : la chasse, la digestion, la défense, la reproduction ou le déplacement. Pour cette dernière aptitude, la galère portugaise forme une voile (visible sur la photo) et utilise le vent pour se déplacer dans l’océan, d’où son nom de galère. D’autres siphonophores sont dotés d’individus qui sécrètent une sorte d’huile leur permettant de se maintenir à une certaine profondeur. À l’arrière de la colonie, des individus constituent généralement un long filament de 50 m de long pour capturer les proies. Certains siphonophores sont aussi bioluminescents pour repousser les prédateurs ou attirer les proies.

    LA FABRICATION DE CAPSULES DE COLLE EXPLOSIVES : LES CTÉNAIRES

    Le cténaire Beroe abyssicola mesure 12 cm de long.
    Le cténaire Beroe abyssicola mesure 12 cm de long.
    PHOTOGRAPHIE DE David Liittschwager

    E. B. : Les cténaires se déplacent dans l’eau à l’aide de milliers de palettes natatoires ciliées (visibles sur la photo). Ils présentent une reproduction sexuée, sans faire de polype, et utilisent de la glu pour capturer leurs proies. Lorsque ces dernières se rapprochent, un petit cil sensible relié à un ressort les détecte et envoie une cellule d’attaque, qui s’y fixe par une fine collerette contenant des gouttes de glu. Ce système est recyclé et réutilisé par l’animal. Chez les autres méduses, le système est identique, sauf qu’elles n’utilisent pas de glu, mais une sorte de petit harpon. Son actionnement est considéré comme le mouvement biologique le plus rapide du monde, avec une accélération fulgurante : en une seconde, la vitesse du harpon atteint les 914 km/h ; en deux secondes, sa vitesse passe à... 1 928 km/h  !

    LA BIOLUMINESCENCE ET LA PERTE DE TENTACULES : LA MÉDUSE À QUEUE DE LÉZARD (COLOBONEMA SP.)

    E. B. : Ces méduses, hydrozoaires des profondeurs, ont la capacité de couper leurs tentacules, à l’image du lézard qui perd sa queue. Elles utilisent cette technique en cas d’attaque, envoyant ainsi un de leur tentacule bioluminescent plus loin, afin qu’il se tortille tout seul dans l’eau. Le flash de lumière qui en découle va distraire le prédateur et laisser le temps à la méduse de s’enfuir.

    UN VENIN MORTEL ET UNE SUPER VISION : LES CUBOZOAIRES

    Chironex fleckeri, vivant près des côtes australiennes, est la méduse la plus venimeuse connue à ce ...
    Chironex fleckeri, vivant près des côtes australiennes, est la méduse la plus venimeuse connue à ce jour.
    PHOTOGRAPHIE DE Flickr : Guido Gautsch

    E. B. : Les cubozoaires sont des méduses particulières, translucides, dotées d’une symétrie de forme cubique. Leur organisme s’organise ainsi en multiple de 4 : quatre tentacules, quatre yeux, etc. Ces derniers sont très développés, avec une rétine, un cristallin et une cornée. Selon une étude publiée dans Nature en 2005, ils peuvent générer des images, que les méduses utiliseraient  pour se diriger vers des zones de chasse (mangrove, par exemple). Avec leur système nerveux basique, peuvent-elles réellement les interpréter ? On ne le sait pas encore. Mais les cubozoaires ont un autre atout : un venin puissant, qui peut être mortel pour l’homme. L’une de ses espèces, Chironex fleckeri, de 30 cm, sévit sur les côtes australiennes. Son venin, qui paralyse le cœur, aurait fait 67 victimes en Australie depuis 1883.

    Certaines photos sont extraites de l’article “Les méduses, belles à faire peur”, paru dans le numéro d’octobre 2018 du magazine National Geographic.

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