Canada : les bélugas du Saint-Laurent sont en voie de disparition

L’inquiétante disparition des cétacés dans le golfe du Saint-Laurent a poussé les autorités canadiennes à prendre des mesures de protections légales, qui peinent à porter leurs fruits.

De Alexandre L'Hour
PHOTOGRAPHIE DE Ansgar Walk

Les 200 000 spécimens de bélugas dénombrés dans le monde sont regroupés en dix-neuf populations distinctes. Parmi ces dernières, huit sont présentes dans les eaux canadiennes au moins une partie de l’année. L'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), principale organisation non gouvernementale mondiale consacrée à la conservation de la nature, les place sur leur liste rouge des espèces quasi menacées au niveau international.  

 

LA ROUTE DES BALEINES

Faisant partie de la route 138, la Routes des Baleines et une route touristique située au Québec, qui longe sur environ 880 kilomètres la rive Nord du Saint-Laurent. Chaque été, elle voit passer des milliers de touristes venus admirer les richesses naturelles de la région et les cétacés qui y vivent. De nombreuses excursions en bateau sont également proposées, notamment au départ de Tadoussac, installé sur les berges du fjord du Saguenay.

Reconnue comme étant l’une des meilleures régions du monde pour l’observation des baleines, trois groupes de recherche de renommée internationale s’y sont installés, parmi lesquels on retrouve le Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins (GREMM). Certains d’entre eux offrent d'ailleurs des excursions en compagnie des chercheurs. La présence de nombreuses baleines et mammifères marins s’explique par la quantité importante de krill (nom générique de petites crevettes situées à la base de la chaîne alimentaire marine) et de petits poissons, principaux aliments des cétacés. La Route des Baleines est balisée par des panneaux de couleur bleue arborant une baleine blanche en leur centre.

Les meilleurs sites d’observation tout au long du rivage sont Baie Trinité, Baie-Comeau, Baie Sainte-Marguerite, Forestville, Franquelin, Godbout, Les Bergeronnes, Les Escoumins, Portneuf-sur-Mer, Sacré-Cœur ou encore Tadoussac, entre autres.

 

LES BÉLUGAS DU SAINT-LAURENT EN VOIE DE DISPARITION

Le béluga (Delphinapterus leucas) est un mammifère marin bien adapté à la vie dans les eaux froides. Facilement reconnaissable de par sa couleur blanche, le béluga est un mammifère marin très sociable qui vit, chasse et migre en troupeaux, allant de quelques cétacés à plusieurs centaines de baleines. Son poids à l’âge adulte peut atteindre 1 900 kg et sa taille peut aller jusqu’à 4,5 mètres de long (les femelles peuvent atteindre jusqu’à 80 % de la taille des mâles).

PHOTOGRAPHIE DE Luca Galuzzi

Situés non loin du sommet de la chaîne alimentaire, les bélugas sont de bons indicateurs de la santé globale de l’environnement marin. Seulement voilà, depuis plusieurs années le béluga est en voie de disparition, à cause des changements climatiques et de la fonte des glaces, de la dégradation et de la destruction de son habitat par l’activité humaine, notamment la navigation, la pêche commerciale ou encore l’exploitation minière, pétrolière et gazière, sans oublier la pollution sonore.

Selon le Ministère Pêches et Océans Canada, qui a comme mandat de gérer la pêche et de protéger les étendues d'eau du Canada, « la population de bélugas de l’estuaire du Saint-Laurent est protégée en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP). Un programme de rétablissement pour les bélugas du Saint-Laurent a été élaboré par Pêches et Océans Canada en collaboration avec Parcs Canada et plusieurs partenaires. Les bélugas du Saint-Laurent font l'objet de nombreuses recherches scientifiques par Pêches et Océans Canada pour déterminer les causes du déclin, notamment pour évaluer l'impact du dérangement et du bruit sur leur comportement ».

 

PROTÉGER LES BÉLUGAS

Malgré plus de 30 ans d’efforts pour en assurer la protection, il y a peu ou pas de preuves démontrant les effets des mesures de conservation de la population du Saint-Laurent. Parmi les principales menaces qui nuisent aux bélugas, on retrouve en premier lieu les changements climatiques. Le béluga, dont la survie est intrinsèquement liée à celle de la banquise, n’a pas le temps de s’adapter à la fonte de cette dernière. Viennent ensuite la dégradation et la destruction de son habitat naturel liées à l'activité humaine. Enfin, la pollution sonore, causée par des tests sismiques et le transport maritime lourd, a un impact certain sur la capacité des bélugas à communiquer, à se repérer et à échapper à leurs prédateurs. Il est important de noter qu’à cela s’ajoutent d’autres menaces, telles que la pollution chimique et la réduction de la quantité, de la qualité et de la disponibilité de leurs proies. Cela est particulièrement vrai pour les populations de bélugas du Saint-Laurent.

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    PHOTOGRAPHIE DE Ansgar Walk

    Pêches et Océans Canada précise que « plusieurs initiatives de sensibilisation sont mises en œuvre par des organismes partenaires grâce à l'appui du Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent et le Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins (GREMM) ainsi que le Réseau d'observation des mammifères marins qui mènent des activités de sensibilisation sur les bonnes pratiques à adopter auprès des opérateurs d'activités d'observation en mer ».

     

    UNE MORTALITÉ EN HAUSSE

    Depuis une décennie, le nombre de carcasses de bélugas nouveau-nés retrouvées sur les berges du Saint-Laurent ne cesse d’augmenter. Pour les spécialistes et les scientifiques, il s’agit d’une tendance lourde qu’il est primordial d’inverser. Les contaminants présents dans l’estuaire et l’augmentation de la température de l’eau sont des causes éventuelles avancées, même s’il est difficile d’en isoler une seule. L'année 2017 a été la plus meurtrière pour les nouveau-nés ou les jeunes bélugas, avec un total de dix carcasses sur un total de vingt-deux carcasses retrouvées.

    Cette tendance semble se maintenir et risque d’accélérer le déclin de la population. Pour y remédier, le gouvernement fédéral s’est engagé à consacrer près de 160 millions de dollars sur cinq ans pour financer des travaux de recherche et mettre en place de nouvelles mesures de protection. Le gouvernement s’est ainsi officiellement engagé à protéger l’habitat « essentiel » du béluga du Saint-Laurent en décembre 2017.

     

    À propos du Groupe de recherche et d’éducation des mammifères marins (GREMM) : fondé en 1985 et basé à Tadoussac, le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) est un organisme à but non lucratif voué à la recherche scientifique sur les baleines du Saint-Laurent et à l’éducation pour la conservation du milieu marin. La survie des baleines est liée à la valeur que nous leur accorderons. Apprendre à les connaître et pénétrer leur univers fascinant sont les meilleures garanties pour leur avenir : voilà le cœur de la mission du GREMM.

    Alexandre L'Hour est un journaliste basé à Montréal. Alexandre a régulièrement collaboré à la rédaction d'articles et de colonnes pour divers journaux et médias en ligne tels que le magazine Westmount, La Métropole - Les Échos Montréal, le blog Relations Internationales ou Le Point d'Outremont. 

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