Chasse à la glu : quelles conséquences pour la biodiversité ?

Le Conseil d’Etat a débouté fin décembre 2018 la requête de la Ligue française pour la protection des oiseaux (LPO), qui exigeait l’annulation des arrêtés autorisant de la chasse à la glu sur certains territoires français.

De Arnaud Sacleux
Publication 9 janv. 2019, 14:52 CET, Mise à jour 5 juil. 2021, 10:37 CEST
Les espèces de merles noirs et de grives ont des tendances démographiques plutôt stables à l’échelle ...
Les espèces de merles noirs et de grives ont des tendances démographiques plutôt stables à l’échelle européenne, voire en déclin dans certains pays.
PHOTOGRAPHIE DE Sander Meertins, Istock

La décision du Conseil d’Etat a fait grand bruit. Malgré la requête de la LPO, il est encore possible de pratiquer la chasse à la glu de plusieurs espèces d’oiseaux (merles noirs, grives musiciennes, grives mauvis ou grives litorne) dans 5 départements français : le Var, le Vaucluse, les Alpes-Haute-Provence, les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône. Si chasseurs et défenseurs de la cause animale s’écharpent sur l’aspect cruel et non-sélectif que revêt cette pratique, la LPO envisage de son côté de contester la décision devant la Cour Européenne. La décision du Conseil d’Etat reposant sur une dérogation de 2004 prévue par la Cour de Justice de l’Union Européenne, la question de l’impact que pourrait avoir le maintien de ces pratiques sur la biodiversité en France se pose. Interrogé par National Geographic, Laurent Godet, chercheur au CNRS et à l’Université de Nantes, apporte quelques éléments de réponse.

 

LA CHASSE TRADITIONNELLE, ENTRE FOLKLORE ET CONTROVERSE

La chasse à la glu, ou gluaux, fait partie des chasses dites « traditionnelles » comme les tendelles ou le filet. Elles sont décrites par l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), la police de la chasse, comme étant des pratiques légales et encadrées, nécessitant une grande connaissance du gibier chassé. Ce qui induit un aspect sélectif des espèces. La chasse à la glu consiste à capturer différentes espèces de grives et les merles noirs à l’aide de tiges en bois engluées dissimulées dans les arbres. Une fois capturés, ces oiseaux sont élevés en volière et servent à attirer leurs congénères avec leur chant. « Il n’y a aucune garantie que des oiseaux d’autres espèces ne soient pas englués et ne se blessent pas lors de ces captures » indique Laurend Godet. Cependant, si cette pratique est « considérée comme du braconnage dans les autres départements français, le Conseil d’Etat a reconnu arbitrairement ces pratiques comme relevant d’un patrimoine culturel, au nom de traditions ».

La directive de 2004 à l’origine de cette dérogation comporte « un régime d’autorisation et de contrôle rigoureux » de la chasse, justifie la Cour d’Etat. Cependant, la LPO s’interroge et s’inquiète. « Comment on sait combien ils en capturent ? En fin d'année, ils produisent des carnets, comment sait-on si on a atteint le quota ? » a précisé Yves Vérilhac, directeur général de la LPO. « L’état des captures doit faire l’objet d’un carnet journalier qui doit être envoyé en préfecture avant la fin de chaque année et le nombre d’individus prélevés par chasseur est réglementé » ajoute Laurent Godet à National Geographic. « Mais on imagine mal un contrôle suffisant avec seulement 1 500 agents environ déployés sur tout le territoire national. »

 

QUELLES CONSÉQUENCES POUR LA FAUNE ?

Dans un contexte où la biodiversité est au plus mal, les oiseaux disparaissant des campagnes à une vitesse encore jamais observée, la décision peine à convaincre. L’Espagne avait d’ailleurs été condamnée par l’Europe pour l’utilisation de gluaux dans la communauté de Valence. Décision qui s’était appuyée sur des rapports d’experts vétérinaires constatant les dommages irréversibles sur les espèces capturées.

Concernant les merles noirs et les grives, le constat est le même et la chasse n’apporte pas grand-chose en terme de régulation de ces espèces. « En l’état actuel des connaissances, les espèces [de grives et de merles] ont des tendances démographiques plutôt stables à l’échelle européenne, voire en déclin dans certains pays. Il n’y a donc aucun besoin de réguler les populations de ces espèces » nous confie Laurent Godet, qui met finalement en garde : « L’enjeu majeur en France et ailleurs en Europe actuellement est l’effondrement des abondances, c’est-à-dire le nombre d’individus, des espèces communes. Ces espèces n’ont pas disparu mais elles arrivent à des effectifs très bas. Elles pourront bien disparaître à terme, entraînant dans leur sillage probablement d’autres espèces, selon le principe bien connu "d’extinctions en chaîne". »

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