Le glouton : une espèce difficile à protéger
Prédateur féroce et plein d’énergie, le glouton se fait pourtant de plus en plus rare en Amérique du Nord. Le réchauffement climatique et l’occupation humaine ont réduit son aire de répartition historique.
Pendant des siècles, les gloutons ont été décrits comme étant voraces, terriblement nauséabonds, étrangement rusés et insaisissables, mais aussi comme coléreux, destructeurs et dangereux pour les habitants. Gulo gulo (du mot latin signifiant « glouton ») est originaire des régions arctiques, subarctiques et montagneuses de l’hémisphère Nord. On le retrouve dans le nord des États-Unis et dans une grande partie du Canada, ainsi qu’en Russie et en Scandinavie pour le cas de son cousin européen.
Bien qu’ayant l’apparence d’un petit ours, le glouton appartient à la vaste famille des mustélidés (qui comprend aussi les martres, les belettes, les blaireaux, les ratels et les loutres), dont beaucoup d’espèces affichent un métabolisme à haute énergie. Le glouton semble tout sauf vulnérable. Bien que mesurant à peine 1 m du museau (à l’odorat extrêmement développé) à sa queue touffue, un glouton moyen revendique un territoire de 250 km2 à plus de 1 300 km2, qu’il patrouille à un rythme effréné, protégeant son habitat contre ses rivaux.
Dans leur quête incessante de nourriture, les gloutons patrouillent de façon régulière des centaines de kilomètres carrés de terrain accidenté. Leurs larges pattes aux griffes aiguisées et recourbées leur permettent d’escalader en quelques minutes des parois de glace à pic. À lui seul, l’animal peut également faire tomber une proie de la taille d’un renne adulte. Des récits, quoique non confirmés, font état de gloutons forçant parfois des loups, et même de gros ours, à s’éloigner d’une carcasse.
Pourtant, le glouton fait face à divers périls, pour la plupart dus à l’expansion des activités humaines dans l’arrière-pays. Mais une menace pèse plus que tout : le réchauffement climatique. Gulo gulo est spécialement adapté aux habitats ayant un climat froid toute l’année, avec des neiges persistantes. Avec le changement climatique, le glouton pourrait perdre le tiers de son aire de répartition actuelle au sud du Canada d’ici à 2050, et les deux tiers avant la fin du siècle.
Les biologistes avaient coutume de dire que la meilleure solution pour préserver les espèces sauvages était de constituer des parcs et des réserves. Mais vu l’immensité du territoire défendu par chaque glouton, aucun parc ne pourra jamais en accueillir beaucoup. Aucune aire protégée n’abrite une population de gloutons assez nombreuse pour être véritablement autonome. Pour faire face aux changements environnementaux et éviter la consanguinité, chaque groupe doit être relié à d’autres, au sein d’une région plus vaste.
Pour les écologues, il s’agit donc à présent d’étudier ses déplacements et de protéger les corridors naturels qui relient les zones protégées, en veillant à ce que des espèces telles que les gloutons puissent circuler à travers de vastes étendues, échanger des gènes et s’adapter à des conditions changeantes. C’est la condition pour que cet animal puisse survivre.
Zoom sur le glouton dans le numéro 239 du magazine National Geographic.