L'évolution des régimes alimentaires dans le règne animal
Les omnivores sont une espèce rare. C’est ce qu’ont démontré des chercheurs de l’Université de l’Arizona dans l’étude la plus aboutie sur l’évolution des régimes alimentaires au sein du règne animal.
John Wiens, chercheur au Département d’écologie et de biologie évolutive de l’Université de l'Arizona, a travaillé avec son équipe sur les données des habitudes alimentaires de plus d’un million d’espèces animales différentes, allant des éponges aux chats domestiques. Un travail colossal, publié dans la Wiley Online Library, qui a permis de remonter jusqu’à 800 millions d’années et de suivre l’évolution du régime alimentaire au sein du règne animal à travers les âges.
COMMENT CLASSER PLUS D’UN MILLION D’ESPÈCES ?
Les chercheurs se sont basés sur la phylogénie, un système qui permet de classer les animaux et leurs évolutions sur plusieurs niveaux. Le premier niveau les regroupe sous des « taxons ». Par exemple, chevaux et chameaux y sont réunis sous la famille des « ongulés ».
Le second niveau regroupe ces taxons sous une même classe. Les « ongulés » y sont cette fois réunis avec les « carnivores », regroupant chiens et chats notamment, sous la classe des « mammifères ».
Le niveau le plus élevé de cette classification regroupe ces classes sous des « phylums ». On y retrouve les arthropodes, recensant insectes, crustacés ou encore araignées ; les mollusques, réunissant les escargots et calamars, ainsi que les cordés, regroupant tous les animaux ayant une colonne vertébrale, dont les êtres humains.
Suite à cette classification, l’équipe de chercheurs, complétée par Cristian Román‐Palacios et Joshua Scholl, a défini les régimes alimentaires relatifs aux groupes dessinés. « Nous avons utilisé une caractérisation relativement grossière du régime alimentaire : carnivores, omnivores et herbivores » avoue John Wiens. « Une caractérisation plus fine du régime alimentaire pourrait montrer des modèles différents mais la caractérisation utilisée ici est révélatrice, même pour les études à plus petite échelle ».
L’ÉVOLUTION PRÉFÈRE LES SPÉCIALISTES AUX GÉNÉRALISTES
« Nous avons trouvé un signal génétique montrant que les régimes sont conservés au cours de l'évolution plutôt que d'être extrêmement variables parmi les espèces » réagit John Wiens. En clair, les espèces carnivores et herbivores ont tendance à le rester, même si ces dernières sont arrivées beaucoup plus tard dans le temps. « Nos résultats suggèrent que les origines des herbivores issus des carnivores sont deux fois plus observées que les gains des carnivores provenant des herbivores » annonce-t-il. « Cela peut refléter les origines plus récentes et plus répandues des herbivores dans nos observations par rapport aux carnivores qui sont plus anciens, ainsi que la difficulté de perdre l'herbivorie une fois qu'elle est acquise. »
Le premier animal, une espèce carnivore ? C’est en tout cas ce que suggère l’étude. Probablement semblable à un choanoflagellé, une espèce d'eucaryote, « l’ancienne créature qui est le plus étroitement liée à tous les animaux vivant aujourd’hui pourrait avoir mangé des bactéries plutôt que des plantes » a indiqué Wiens à Trust My Science.
L’étude a également révélé que les régimes omnivores apparaissaient rarement au cours des 800 millions d’années d’évolution animale. Un régime hybride que la nature a du mal à favoriser aux dépends d’un conservatisme assumé des régimes spécialisés. Pouquoi ? « Plusieurs raisons peuvent expliquer ce fort conservatisme » annonce le chercheur.
« Chez les vertébrés terrestres par exemple, le régime alimentaire des feuilles nécessite souvent des dents et un intestin très modifiés. Il en va de même pour les carnivores » réagit également John Wiens à nos confrères de Trust My Science. Ainsi, les spécialisations requises pour être herbivore ou carnivore pourraient expliquer pourquoi les deux régimes ont été conservés de la sorte pendant des centaines de millions d’années, faisant de l’être humain une espèce rare en termes de régime alimentaire.