En Mayenne, ce centre soigne plus de 800 animaux sauvages par an
Martinets affamés, chevreuils orphelins, oiseaux blessés... La quasi-totalité des espèces qui séjournent au Centre de sauvegarde de la faune sauvage locale Valentine et Jacques Perrin, situé en Mayenne, sont considérées en danger.
Quatre-vingt-dix bouches – ou plutôt becs – à nourrir toutes les heures, c’est la situation délicate qu’a dû gérer l’équipe du Centre de sauvegarde de la faune sauvage locale, situé en Mayenne, durant l’été 2019. Du fait de mauvaises conditions météorologiques, un grand nombre de martinets noirs, espèce protégée par la convention de Berne, se sont retrouvés à bout de forces. En effet, l’oiseau effectue toutes ses activités en vol : il se nourrit en picorant dans les nuées d’insectes ; il boit en effleurant la surface des plans d’eau, il lisse ses plumes, s’accouple dans les airs. Même son sommeil est aérien : il s’élève dans des couches d’air plus chaudes, entre 700 et 3000 m d’altitude, où il somnole en battant des ailes au ralenti. Cette dépense d’énergie ininterrompue requiert de grandes quantités de nourriture et, lors de pluies incessantes, les insectes sont moins nombreux. Les martinets « s’épuisent alors jusqu’à tomber au sol et mourir », explique Yann Huchedé, directeur du Centre de sauvegarde.
En Mayenne, dans la Sarthe et dans le Maine-et-Loire, les plus chanceux ont été ramassés par des particuliers et amenés au Centre, qui opère dans ces trois départements. « Leur prise en charge a demandé énormément de travail mais ça a aussi été un moment fort pour l’équipe et nous avons réussi à en sauver la majorité », se réjouit le directeur. Le Centre de sauvegarde de la faune sauvage locale Valentine et Jacques Perrin (du nom ses parrains) a été complètement rénové en 2011. Il accueille surtout des oiseaux. Ils peuvent être tombés du nid, s’être écrasés contre une vitre ou électrocutés ou, comme les martinets, être à bout de forces, énumère Yann Huchedé.
Il arrive encore, mais rarement, que l’on reçoive des oiseaux plombés, comme ce faucon pèlerin visé par des chasseurs alors que c’est une espèce protégée. » Les habitants confient aussi au Centre des mammifères, dont 80 % de hérissons, souvent heurtés par une voiture, ou d’écureuils roux. On accueille aussi des chevreuils dont les parents ont été tués à la chasse, par exemple, ou qui se sont pris dans les grillages, ainsi que des blaireaux, fouines, belettes, martres, renards, parfois empoisonnés par des produits de dératisation ingurgités via leurs proies », précise Yann Huchedé.
Le Centre accepte tous les animaux blessés ou en perdition sans sélection à l’entrée mais, signe de leur vulnérabilité, la quasi-totalité des espèces qui y séjournent sont considérées en danger par les associations de défense de la nature et/ou les textes internationaux. Une fois arrivé dans les locaux de 250 m2 , l’animal est examiné par le vétérinaire, qui pose un diagnostic et met en place un traitement. Si besoin, il passe au bloc de chirurgie, puis est hospitalisé dans une salle dédiée soit aux prédateurs soit aux autres animaux, afin d’éviter tout stress aux occupants des lieux. Une fois que son état le permet, il est placé dans un espace plus grand, où il a peu de contact avec les humains.
Les mammifères se retrouvent en enclos de rééducation et les oiseaux en volière de convalescence, explique le directeur. L’idée, c’est que l’animal suive un parcours de soins le plus court possible, afin qu’il s’imprègne des hommes a minima. Cela peut varier de quelques heures, lorsqu’un oiseau s’est juste assommé contre une vitre, à trois mois quand il s’agit d’élever des petits privés de leurs parents. Et même si biberonner un jeune chevreuil fait fondre plus d’un volontaire, la consigne est de ne pas trop en faire – et, surtout, de ne pas s’attacher. À terme, les animaux sont relâchés dans la nature, dans des endroits adaptés, qui se rapprochent de leur écosystème d’origine. « Nous relâchons même ceux considérés comme nuisibles par les départements (renards, fouines…), car nous avons négocié des quotas avec les services départementaux, et le nombre d’individus accueillis y restent inférieurs.
Quant à ceux qui ne retrouvent pas les capacités de s’épanouir dans la nature, ils rejoignent le Refuge de l’arche, une structure gérée en parallèle par la même association, le Club d’étude et de protection des animaux et de la nature (Cépan). Ces individus restent alors en compagnie d’animaux issus de la captivité (grands félins, singes, reptiles…) saisis par les services de l’État pour maltraitance ou détention illégale, et accueillis par le Refuge. Au total, ces animaux sont pris en charge par plus d’une quinzaine de salariés, qui s’occupent tant du Centre de sauvegarde que du Refuge. Parmi eux, un vétérinaire, un chef soigneur, cinq soigneurs, dix aides-soigneurs – ainsi que jusqu’à six volontaires en service civiques durant l’été.
En 2011, lors de sa réouverture, le Centre avait accueilli 129 animaux. En 2018, ce sont 718 individus qui y sont passés. « En 2019, nous allons dépasser la barre des 800 », annonce Yann Huchedé. Raison de cette croissance constante : selon le directeur, le centre est de plus en plus connu par les services de l’État et par les particuliers. Mais c’est aussi la conséquence de la fermeture de plusieurs autres centres d’accueil dans la région, notamment en Vendée et dans le Maine-et-Loire. « Les bénévoles prennent de l’âge et ne se renouvellent pas forcément, analyse Yann Huchedé. Et, surtout, ces centres sont confrontés à des problèmes de conformité de leurs locaux. Ils manquent de moyens pour remettre leurs infrastructures aux normes, alors ils préfèrent fermer plutôt que d’accueillir les bêtes dans de mauvaises conditions. »
Au Cépan, ce sont les visites du Refuge de l’arche par les particuliers venant voir les animaux exotiques qui financent la prise en charge de la faune. Autre source de nouveaux pensionnaires, la décision en 2019 du centre vétérinaire Oniris de la faune sauvage de ne plus accepter les oisillons « ramassés à droite et à gauche », cite Yann Huchedé. Les particuliers auraient-ils tendance à vouloir sauver n’importe quel animal trouvé sur le bord de la route ? « On ne considère pas qu’ils exagèrent, car ils veulent toujours bien faire, tempère le directeur. Mais nous parlons de “ramassage à tort”, car, parfois, il vaut mieux laisser l’animal là où il est. Notre mission est aussi de sensibiliser les gens aux erreurs à ne pas faire, de façon pédagogique. »
Les jeunes rapaces, par exemple, passent une dizaine de jours majoritairement au sol. « En trouver un qui ne s’envole pas spontanément, c’est normal, c’est leur phase d’émancipation. » Idem pour les jeunes chevreuils qui, petits, se cachent dans les fourrés sans bouger. Les premières semaines, ils sont programmés pour rester immobiles afin de n’alerter aucun prédateur. On peut même les caresser sans qu’ils ne réagissent. Mieux vaut les laisser tranquilles, même si, selon Yann Huchedé, des études montrent aujourd’hui que, le plus souvent, une mère n’abandonne pas son petit lorsqu’il a été touché par l’homme. Ainsi, quand un particulier ramène un animal dans ce contexte, les soigneurs lui demandent de le redéposer là où il l’a trouvé aussi vite que possible. Et Yann Huchedé de rappeler : « On ne fait jamais aussi bien que les parents. »
Si vous trouvez un animal ayant besoin de soins, vous pouvez consulter cette liste d’organismes accueillant les animaux sauvages dans chaque département.