Cet octopode est prêt à tous les sacrifices pour se reproduire
Pour s'accoupler, l'argonaute-voilier mâle abandonne son tentacule détachable porteur de spermatozoïdes à une femelle parfois 30 fois plus grande que lui.
Si vous doutiez encore de l'incroyable pouvoir du désir de procréer, prenez donc en considération ce que M. et Mme Argonaute (Argonauta argo) doivent endurer pour que leurs petits viennent au monde.
Cette espèce d'octopode vit en pleine mer dans les régions tropicales et subtropicales de la planète. Comment trouver un partenaire dans cette immensité bleue ? Surtout pour un mâle aussi petit (moins de deux centimètres) à la recherche d'une femelle parfois 30 fois plus grande que lui. Elle, dotée de deux bras dorsaux capables de sécréter une substance calcaire pour former une coquille plissée dans laquelle elle peut se cacher, flotter et couver ses œufs. Lui, sans coquille, mais également pourvu d'un bras : un organe copulateur détachable semblable à un tentacule, appelé hectocotyle.
Pendant l'accouplement, le mâle libère son hectocotyle qui pénètre la cavité palléale de la femelle. Il arrive que la femelle mette de côté les bras démembrés de plusieurs partenaires afin de fertiliser ses œufs lorsque bon lui semble. Elle déposera ensuite ses œufs reliés par des ramifications au sein de sa coquille, également appelée nacelle, où elle pourra surveiller leur développement. Les scientifiques ont documenté l'espèce en observant des mères argonautes, mais jamais les pères.
Aucun mâle n'a été aperçu vivant doté d'un nouveau membre après avoir fait don de son organe paternel ; seuls des spécimens morts ont été retrouvés. Pour son dernier acte sur la scène des profondeurs océaniques, le petit, mais puissant père de famille se donne donc bras et âme à la cause de la reproduction.
Argonaute-voilier (Argonauta argo)
1. Origines du nom
Cette espèce d'octopode se fait également appeler nautile de papier, en référence à la coquille en carbonate de calcium fine comme du papier dont se parent les femelles. Le nom chinois de l'espèce se traduit littéralement par « nid d'hippocampe ».
2. Mythe de l'argonaute
En 300 avant notre ère, Aristote décrivait sa vision d'une femelle argonaute utilisant sa coquille en guise de bateau et ses tentacules pour remplacer rames et matelots. Il faudra toutefois attendre 2010 et les spécialistes des octopodes Julian Finn et Mark Norman pour que le véritable mécanisme soit enfin documenté : les argonautes se déplacent en propulsant des jets d'eau, ils remontent en surface pour piéger juste assez d'air dans leur coquille et peuvent ensuite flotter à l'étage de la colonne d'eau qui leur convient le mieux grâce à la bulle d'air.
3. Commun… mais discret
Même s'il se laisse rarement apercevoir, A. argo est une espèce répandue dans les océans plutôt tropicaux de la planète. Ses prédateurs sont le thon, le dauphin et le marlin, mais l'UICN le classe parmi les espèces de préoccupation mineure sur sa liste rouge.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.