En images : une tarentule géante dévore un opossum
Les araignées et autres invertébrés se nourrissent d'un nombre surprenant de vertébrés dans les forêts tropicales péruviennes.
Selon une étude récente, les invertébrés tels que les araignées et les mille-pattes sont des rois de la jungle sous-estimés. Ils mangent en effet un nombre surprenant de vertébrés dans la forêt amazonienne.
Des biologistes ont récemment consigné 15 interactions dans lesquelles les invertébrés sont les prédateurs et les vertébrés les proies. Ils ont recueilli des preuves sous forme de photos et de vidéos mettant en scène des invertébrés en train de dévorer des têtards, des lézards, des serpents et même un opossum, une observation sans précédent. (Découvrez les araignées sauteuses qui dévorent des reptiles trois fois plus gros qu'elles.)
Bien que de tels comportements aient déjà été observés auparavant, l'étude fournit des données détaillées sur le nombre de vertébrés victimes de petits prédateurs, notamment des araignées.
« Les invertébrés chasseurs de vertébrés sont chose commune mais ce phénomène n'est généralement pas considéré comme une source importante de mortalité chez les amphibiens et les reptiles » déclare le directeur de l'étude Rudolf von May, biologiste à l'université du Michigan.
« Nos connaissances de ces interactions restent limitées. »
UNE ÉTONNANTE DÉCOUVERTE
Von May et ses collègues ont mené la plupart de leurs observations de nuit dans les forêts tropicales des basses terres du Pérou. Ces forêts renferment l'écosystème le plus diversifié au monde. La nuit tombée, elles grouillent de prédateurs à huit pattes, plus particulièrement les Ctenidae, plus connues sous le nom d'araignées errantes.
« Ce qui est étonnant la nuit, c'est le nombre d'araignées qu'il est possible de voir sur toutes sortes de supports : le sol, les feuilles et les branches », ajoute von May, dont l'article a paru il y a quelques jours dans le journal Amphibian & Reptile Conservation. « Lorsque nous menons nos recherches la nuit, certaines des araignées que nous apercevons ont des proies, généralement d'autres invertébrés comme des criquets ou des papillons. »
« Mais de temps en temps, nous croisons une araignée avec un crapaud ou un lézard. »
L'équipe de biologistes a également recueilli les corps de deux serpents qui avaient succombé à l'attaque de mille-pattes, dont celui d'un serpent corail venimeux.
C'est au cours de l'une de ces nuits d'observation que les chercheurs ont pu assister à une scène qu'aucun d'entre eux n'avait eu l'occasion de voir jusque là : une tarentule aussi grande qu'une assiette en train de chasser une petite souris-opossum.
« L'opossum avait déjà été capturé par la tarentule et, à ce moment, il tentait encore de se débattre avec fébrilité. Au bout de 30 secondes, il a stoppé net ses efforts » révèle le doctorant Michael Grundler, coauteur de l'article.
« Nous étions à la fois fous de joie et choqués, on ne parvenait pas à croire ce qui se déroulait sous nos yeux. » ajoute Grundler.
Plus tard, le mammalogiste du musée américain d'histoire naturelle Robert Voss leur confirmait qu'ils avaient capturé les premières images d'un spécimen de grande taille du sous-ordre des Mygalomorphae (communément dénommé tarentule) en train de chasser puis de manger un opossum.
Rick West, un arachnologue indépendant et expert des tarentules non impliqué dans l'étude précise par e-mail que « la prédation des vertébrés par les tarentules n'est pas courante mais qu'elle existe. Ces dernières se nourrissent de façon opportuniste et jetteront leur dévolu sur tout ce qu'elles peuvent maîtriser. »
« Dans la forêt tropicale d'Amérique du Sud, j'ai découvert que certaines des tarentules les plus imposantes chassaient les grenouilles et l'article reflète bien ce phénomène. »
UN PACTE AVEC L'ENNEMI
En plus de la prédation, les chercheurs ont corroboré un rapport antérieur sur l'existence d'une relation singulière entre une certaine grenouille et une espèce d'araignée. Alors que la tarentule du genre Pamphobeteus sauterait sur la moindre occasion de dévorer une grenouille, elle autorise certains spécimens d'une espèce particulière, la Chiasmocleis ventrimaculata, à partager son terrier souterrain.
« Nous ne savons pas ce qui empêche l'araignée de chasser cette grenouille », indique von May. « Il existe tellement d'espèces de grenouilles dans la forêt amazonienne et c'est la seule capable de coexister avec cette araignée. »
Von May et ses collègues suggèrent que la grenouille offrirait ses services à l'araignée, par exemple en la débarrassant des parasites.
« On pourrait croire que toutes les espèces s'entretuent mais il existe au moins ce cas précis pour lequel des grenouilles ont découvert comment elles pouvaient co-exister avec une araignée. »
UNE FORÊT DÉBORDANTE DE BESTIOLES
D'après von May, la zone de recherche située au Pérou compte 85 espèces d'amphibiens et 90 espèces de reptiles.
En tenant compte de la diversité et du grand nombre d'invertébrés dans la forêt amazonienne, le nombre d'interactions potentielles est vertigineux.
« Ce type de données en lien avec l'histoire naturelle est précieux pour comprendre l'organisation des communautés biologiques au sein des forêts tropicales, » explique von May.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.