Fourrure animale ou synthétique ? Le cœur de l'industrie du luxe balance encore
Le groupe français Kering a récemment annoncé qu'il renonçait à la fourrure animale pour toutes les marques qu'il possède. Mais d'autres grandes maisons continuent d'en utiliser.
Manteaux de fausse fourrure Ecopel.
« Nous arrêtons totalement l’utilisation de la fourrure. La décision est prise et nous ne reviendrons pas dessus » affirme Marie-Claire Daveu, directrice du développement durable du groupe Kering. Une étape importante pour le groupe, notamment pour Yves Saint-Laurent, qui était la dernière des Maisons du groupe à travailler de manière régulière avec de la fourrure animale.
Un choix qui s’inscrit dans une dynamique éthique : « On a travaillé en établissant les « Kerings Standards » pour le bien-être animal. Ils reprennent chaque espèce et sur chacune de ces espèces, vous avez des critères très précis de densité pour l’élevage, de conditions de transports, etc. […] Ils ont été élaborés avec des experts, spécialistes d’ONG, pour être certains que ce soient les critères les plus pertinents. Nous sommes conscients de notre taille et nous ne pouvons pas changer toute l’industrie seuls. […] L’ensemble de nos standards sont accessibles à tout le monde ».
Le groupe est conscient de son rôle d’influence et dit « devoir donner l’exemple » et pas uniquement suivre la tendance. « Il ne suffit pas de s’adapter. C’est notre responsabilité. Dans le secteur du luxe, il y a une capacité à influencer les comportements bien au-delà de nos propres consommateurs. […] C’est un superpouvoir, mais ça donne aussi une grande responsabilité » insiste Marie-Claire Daveu.
En France, une loi concernant la fermeture des fermes d’élevages de visons a été votée en 2020. Le Ministère de la Transition écologique a laissé cinq ans aux éleveurs pour mettre fin à leurs productions. L’élevage de visons représente aujourd’hui 90 % de la production de fourrure mondiale et l’importation de fourrures européennes et internationale est toujours autorisée, y compris en France. C’est grâce à cela que certaines griffes françaises peuvent se fournir en fourrures.
Aujourd’hui, plusieurs maisons de luxe comme Louis-Vuitton, Hermès, Dior ou encore Fendi travaillent avec de la fourrure d’origine animale. Cette dernière étant qualifiée de matière artisanale, naturelle, manuelle et noble par le porte-parole de la filière Fourrure Française, Pierre Philippe Frieh. Récemment, la Maison Louis-Vuitton a rappelé « son attachement aux matières comme la laine, le cuir ou la fourrure » relève le porte-parole. Le président de la maison Hermès, lui, déclarait il y a des années de cela que « Le luxe, c’est ce qui se répare ». Selon le porte-parole de la Fourrure Française, « c’est fondamental. C’est une des raisons pour laquelle il y a un attachement aux fourrures par les Maisons de luxe ».
UN PROGRAMME DE TRAÇABILITÉ POUR LES FOURRURES
Après des années de revendications, des nombreuses pétitions lancées par des associations de protection des animaux tels L 214 ou 30 millions d’amis, la France a choisi de délaisser la production nationale de fourrure. La dernière des quatre fermes d’élevage a été contrainte d’abattre précipitamment son élevage de visons pour cause de suspicion de cas de COVID chez les animaux élevés.
Le Danemark a fait abattre les 15 millions de visons élevés dans le pays pour prévenir la propagation du virus.
La traçabilité et la réglementation de la fourrure animale sont désormais des sujets très suivis et répondant à bon nombre de critères explicitement décrits dans le programme Furmark. En Europe, il se nomme Welfur et conditionne la traçabilité et la certification des peaux. Ce programme compte cinq labels provenant d’Europe et du monde entier. Un système d’encadrement pour assurer des mesures de bien-être animal et développer des modes de production de développement durable. Le porte-parole de la Fourrure Française rappelle ainsi que « les peaux utilisées dans le luxe par des artisans français ne proviennent que de zones très précises. L’Europe, l’Amérique du Nord, la Russie et la Namibie. […] Il n’y a pas de peaux chinoises sur le marché français et européen [pour répondre à cette demande] ».
ÉTHIQUE ET MALTRAITANCE ANIMALE
Les programmes de régulation de la production de fourrure ne suffisent plus pour les militants. Comme l’indique un sondage IFOP réalisé en 2020 pour la fondation 30 Millions d’Amis, 91 % des Français s’opposeraient au commerce de la fourrure animale. L’arrêt des élevages français n’est qu’une infime victoire pour 30 Millions d’Amis. La fondation demande la fermeture de toutes les fermes d’élevage européennes pour des raisons éthiques liées à la vie animale.
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Le marché de la fourrure cause de fait la mort de plusieurs millions d’animaux chaque année à l'échelle mondiale. Environ 100 millions de peaux avaient été produites en 2015. Ce que d'aucuns considèrent comme cruel et inacceptable est assumé par les partisans de la fourrure de provenance animale en France. « Nous assumons le fait qu’élever des animaux n’est pas contraire à l’éthique. Cela fait partie des activités humaines. En l’occurrence, c’est une toute petite filière de production d’élevage qui fournit une matière à très haute valeur ajoutée et qui fait travailler […] et intervenir beaucoup de talents sur la chaîne de production » déclare Pierre Philippe Frieh à National Geographic.
Les scandales internationaux liés aux élevages de fourrure animale sont nombreux. En Chine notamment, plusieurs reportages et caméras cachées ont été réalisés par des associations et fondations de lutte contre la maltraitance animale. Des cages insalubres et exiguës, des conditions d’abattages souvent cruelles, « un enfer » selon 30 Millions d’Amis.
ECOPEL, UNE SOLUTION ALTERNATIVE À LA FOURRURE ANIMALE
Pour répondre au besoin grandissant de production de fourrure alternative, végan et plus écologique, le groupe franco-chinois Ecopel conceptualise des textiles. Le groupe est désormais considéré comme le leader mondial de la fausse fourrure pour le luxe. Progressivement, la fourrure alternative gagne du terrain. « On a une progression d’à peu près 10 % cette année, par rapport à l’année précédente. Mais nous restons une niche. Cela dépend vraiment de plein de choses. La mode, le pays, la saison… » explique Arnaud Brunois, responsable de la communication chez Ecopel.
Ecopel propose une alternative avec une fourrure « Animal friendly », faite de matières respectueuses de l’environnement. « Bien avant ces débats sur l’éthique et l’écologie, les deux clients qui ont donné une certaine aura à la fausse fourrure, c’était Stella McCartney et Armani. […] Désormais et depuis cinq ans, il y a une sorte d’intérêt grandissant pour les matières qui ne tuent pas d'animaux. Depuis 2017, tout a changé avec la déclaration de Gucci, qui est un mastodonte de la mode ». En 2017, la griffe Italienne Gucci rejoignait les partisans anti-fourrure en annonçant son arrêt radical d’utilisation de fourrure d'origine animale. Son stock avait d’ailleurs été mis aux enchères et les fonds reversés à des associations de défense des droits des animaux.
Généralement, la fausse fourrure est créée à base de polyester ou d’acrylique. Ecopel travaille ainsi en développant constamment des innovations textiles pour privilégier les matières recyclées ou bio-fabriquées. Ces matériaux d'origine végétale entrent dans la composition de textiles et permettent de produire de façon plus durable. « On a commencé à travailler avec un bio-fabriqué appelé Koba, qui est à base partielle de résidus de maïs, à 37 %. Nous avons également des matières plus proches de la laine. Le Teddy notamment […] un mélange de chanvre à 40 % et de polyester recyclé ».
Ecopel vise le 100 % végétal d’ici un ou deux ans et en attendant, l’entreprise confectionne déjà des matières à base de plastiques repêchés dans les océans.
« Pour Koba, nous avons collaboré avec Stella McCartney. Nous avons également travaillé avec Vanessa Bruno. Nous travaillons beaucoup avec les marques françaises de qualité. D’une manière générale, nous avons une bonne relation avec l’ensemble du groupe Kering » souligne Arnaud Brunois.