Pourquoi les élans perdent-ils leurs bois ?
Une vidéo virale d’un élan qui perd sa palmure après s’être secoué soulève la question de la nécessité d’une coiffe aussi lourde chez ces animaux.
Cet élan, ici photographié en Alaska, perd son velours, sorte de peau pelucheuse qui apporte des nutriments aux bois lors de leur pousse.
Pourquoi l’élan perd-il ses bois ?
Il ne s’agit pas du début d’une blague, mais d’une question que se posent des internautes du monde entier après qu’en Alaska, une caméra de sonnette d’entrée a filmé le moment précis où un élan, surgissant dans le champ de l’appareil, a perdu sa palmure après s’être secoué, s’enfuyant ensuite à toutes pattes, visiblement effrayé par ce qu’il venait de lui arriver.
Les élans sont la plus grande espèce de cervidé. Les mâles peuvent mesurer jusqu’à 1,80 m au garrot et peser plus de 800 kg. Leur palmure peut, elle, atteindre jusqu’à 36 kg.
« Être en présence d’un élan est généralement un peu délicat, confie Landon Magee, biologiste de la faune à l’université du Montana et membre de la nation Blackfeet. C’est encore plus vrai avec les femelles accompagnées de leur faon. Elles peuvent se montrer très, très agressives ».
Bien que ce phénomène soit rarement observé par des humains, la perte des bois est un processus annuel normal pour l’élan, le cerf, le wapiti et d’autres membres mâles de la famille des Cervidae, plus connus sous le nom de cervidés. Il n’y a que chez les rennes que les femelles développent et perdent également leur ramure.
« Un mâle développe en général ses premiers bois à l’âge d’un an. Ceux-ci évoluent ensuite par leur taille et leur forme chaque année jusqu’à l’âge de 11 ans. Leur croissance devient ensuite minimale », explique Lee Kanter, biologiste spécialiste des élans pour le Department of Inland Fisheries & Wildlife (Département de la pêche intérieure et de la faune) du Maine.
Bien plus que de simples merveilles biologiques, les bois de ces animaux servent à plusieurs fins.
CORNES VS BOIS
La plupart des gens utilisent les mots cornes et bois indistinctement, mais il existe en réalité une grosse différence entre ces deux coiffes animales.
Les cornes, dont sont dotés les béliers, chèvres, vaches et autres mammifères, sont soudées au crâne et ne tombent jamais. Composées de kératine, une protéine présente dans nos cheveux et nos ongles, les cornes sont donc « mortes » et ne font que s’élargir légèrement chaque année à mesure que de la matière supplémentaire s’accumule à la base. Chez certaines espèces à cornes, comme les yaks, les oryx et les duikers, les femelles arborent également ces armes crâniennes.
Contrairement aux cornes, les bois sont eux vivants et même chauds au toucher lorsqu’ils poussent.
« Ce sont des tissus très vascularisés qui se développent rapidement du début du printemps jusqu’à la fin de l’été environ », a écrit Lee Kanter dans un e-mail depuis le Maine, où il attendait la fin d’une tempête de neige pour capturer de jeunes élans.
Pendant la majeure partie de l’année, les bois sont recouverts d’une peau pelucheuse, appelée velours. Sous cette peau se dissimulent des veines gorgées de sang qui acheminent calcium, phosphore et autres nutriments à l’os sous-jacent qui se développe. Cette coiffe ne peut véritablement porter le nom de bois qu’une fois que le velours meurt et que les animaux s’en débarrassent pour dévoiler ainsi des os qui constituent une arme redoutable.
Les bois figurent même au Guinness des records comme étant le tissu à la croissance la plus rapide chez les mammifères. Pendant l’été, lors du pic de croissance ou de genèse de la palmure des élans, celle-ci peut grandir de près de 2,5 cm par jour.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
À QUOI SERVENT LES BOIS ?
Considérés par de nombreuses personnes comme des armes, les bois sont en fait des outils reproductifs.
Un élan doté de bois de petite taille qui se dispute une femelle avec un mâle arborant une large palmure risque de perdre le combat. Lee Kanter précise également qu’un élan coiffé de bois imposants sera considéré comme en meilleure forme physique par une femelle et sera ainsi choisi par cette dernière pour s’accoupler avec elle.
Ce n’est que lorsque deux mâles de taille similaire se rencontrent qu’ils s’affrontent, apposant leurs bois les uns contre les autres avant d’incliner la tête et de pousser pour voir lequel des deux animaux prend le dessus. Les mâles cherchent aussi à encorner la croupe ou les flancs de leur opposant, ce qui résulte parfois en de graves blessures ou affaiblit un animal au point qu’il succombe à un prédateur ou aux éléments.
Ces duels peuvent coûter très cher ; c’est pourquoi ils sont relativement rares.
POURQUOI LES BOIS TOMBENT-ILS ?
En automne, à la fin de la période de rut, les cervidés mâles n’ont plus besoin de leurs bois. Ceux-ci deviennent même un handicap.
Chaque année, des cervidés dont les bois sont restés coincés avec ceux de leur opposant sont signalés aux biologistes et aux gestionnaires de la faune sauvage. Les mâles qui se retrouvent dans cette situation meurent souvent de faim ou succombent à leurs blessures ou aux attaques des prédateurs.
Les bois peuvent également représenter une menace en eux-mêmes, notamment pour les animaux qui vivent à proximité d’habitations. Des cerfs, des élans et des wapitis se retrouvent ainsi fréquemment pris dans des branches ou enchevêtrés dans des clôtures, des poubelles ou des décorations de Noël.
Mais bonne nouvelle pour les cervidés : ces coiffes sont totalement jetables.
Lorsque les jours se mettent à raccourcir, les cervidés mâles produisent moins de testostérone, ce qui entraîne une déminéralisation à la base de chaque bois, appelée pédicelle.
« Les pédicules commencent à se désolidariser et tombent si l’animal saute et retombe lourdement sur ses pattes, s’il secoue la tête ou s’il se bat avec un autre mâle », précise Landon Magee.
« Le processus recommence ensuite à zéro », ajoute-t-il.