399, l’ourse grizzli la plus célèbre des États-Unis, est morte

Âgée de 28 ans, la plus vieille femelle grizzli reproductrice connue était souvent photographiée en compagnie de ses oursons dans le parc national de Grand Teton. Elle a été percutée par une voiture.

De Todd Wilkinson
Publication 29 oct. 2024, 12:54 CET
Grizzly 399 stands to get a better view above the sagebrush during spring in Grand Teton ...

Baptisée 399, cette ourse grizzli a ici été photographiée dans de la sauge dans le parc national de Grand Teton, dans le Wyoming.

PHOTOGRAPHIE DE Thomas D. Mangelsen

Le grizzli prénommé 399, qui était sans doute l’ursidé le plus connu au monde, a été percuté par une voiture la semaine dernière, au sud de Jackson Hole, dans le Wyoming. Une triste fin pour un animal sauvage véritablement remarquable, estiment les spécialistes.

Âgée de vingt-huit ans, 399 était la plus vieille femelle grizzli reproductrice connue, ayant donné naissance à au moins dix-huit oursons. Elle était accompagnée de son petit de l’année, Spirit, lorsqu’elle est morte, a annoncé le service des parcs nationaux, dont on ignore pour l’instant la localisation et les chances de survie.

En plus d’être une mère prolifique, 399 était également bien connue des visiteurs du parc national de Grand Teton ; les photographes étaient nombreux à venir la voir flâner dans le parc en compagnie de son ourson, ou comme en 2024, de ses quadruplets.

Le grizzli baptisé Blondie traverse une prairie avec ses deux petits au pied du mont Moran, ...

Le grizzli baptisé Blondie traverse une prairie avec ses deux petits au pied du mont Moran, dans le parc national de Grand Teton. Environ un millier d’ours vivent dans la région entourant le Wyoming, l’Idaho et le Montana.

PHOTOGRAPHIE DE Thomas D. Mangelsen

« Je n’avais jamais rencontré un animal pareil et cela ne m’arrivera plus jamais. Elle était vraiment unique », confie Thomas D. Mangelsen, photographe naturaliste, depuis le porche de son chalet situé près de Moose, dans le Wyoming, à quelques kilomètres de l’endroit où il a aperçu pour la première fois l’ourse il y a presque vingt ans.

Selon les scientifiques, 399 aurait choisi d’élever ses petits à proximité des axes routiers très fréquentés du parc pour les tenir à l’écart des ours mâles agressifs, bien que cela ne soit pas sans danger pour sa famille. Les collisions avec les véhicules sont fréquentes dans la région ; l’un des oursons de 399 a d’ailleurs été tué par une voiture en 2016, selon le service des parcs nationaux.

Sa proximité avec le public a néanmoins poussé de nombreux visiteurs à se renseigner sur les grizzlis et à militer pour leur conservation, a déclaré Chip Jenkins, chef des rangers du parc national de Grand Teton, dans un communiqué.

« Elle captivait le public, si bien qu’elle a changé la manière dont le gouvernement fédéral et les agences gouvernementales géraient les ours, car ils ont constaté qu’un nombre élevé de personnes se souciaient des ursidés. On n’avait jamais vu ça », rapporte Sue Cedarholm, photographe animalière à Jackson Hole.

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    Accompagnée de ses quadruplets âgés de deux ans, l’ourse 399 arpente le parc national de Grand Teton peu de temps après avoir quitté sa tanière.

    PHOTOGRAPHIE DE Thomas D. Mangelsen

     

    UN SYMBOLE

    Née en 1996, 399 faisait partie d’une vague de recolonisation ursine, des grizzlis ayant quitté le parc voisin de Yellowstone pour s’installer dans des terres en friche d’où ils avaient été en grande partie éradiqués pendant cinquante ans.

    En 2007, 399 a attaqué un randonneur qui s’était approché d’une carcasse d’élan. À sa demande, le chef des rangers du parc de Grand Teton de l’époque, Mary Gibson Scott, et Chris Servheen, ancien coordinateur chargé du rétablissement de la population de grizzlis pour l’U.S. Fish and Wildlife Service, ont décidé de ne pas tuer 399 ni de la capturer avec ses petits pour les placer en captivité.

    Après cet évènement, 399 est devenue une star et les curieux attendaient avec impatience de voir si elle sortait d’hibernation chaque printemps.

    Grizzly 399’s two cubs search for berries during a fall snowstorm in Grand Teton National Park.
    Grizzly 399’s two cubs search for berries during a fall snowstorm in Grand Teton National Park.
    PHOTOGRAPHIE DE Thomas D. Mangelsen

    399 a souvent été observée avec ses oursons dans le centre de Jackson Hole et sa banlieue. La caméra de vidéosurveillance de Cindy Campbell, administratrice en soins de santé et défenseuse des animaux qui vit à Jackson Hole depuis 50 ans, a ainsi filmé l’ourse tandis qu’elle passait devant sa porte en pleine nuit.

    « Même si les gens n’aiment pas les ours, il était difficile de ne pas éprouver de la sympathie pour 399, raconte-t-elle. La plupart des habitants acceptaient la lourde responsabilité qu’impliquait sa proximité avec nous. 399 nous a aussi aidés à comprendre nos faiblesses ».

    Dans les jours qui suivaient sa sortie de la tanière, l’ourse grizzli attirait parfois jusqu’à mille personnes dans des « bear jams », ces embouteillages causés par les touristes s’arrêtant pour observer des ours à proximité de la route, qui présentaient souvent un risque de conflit entre humains et faune ou de mort pour 399 ou d’autres animaux sauvages.

    C’est la raison pour laquelle « 399 était un symbole et un rappel de la nécessité d'être constamment vigilant et de faire preuve de retenue », souligne Chris Servheen, désormais président du conseil de la Montana Wildlife Federation.

    Dans le parc national de Grand Teton, l’ourse grizzli 399 se tient sur des pattes arrière ...

    Dans le parc national de Grand Teton, l’ourse grizzli 399 se tient sur des pattes arrière pour mieux observer les alentours.

    PHOTOGRAPHIE DE Thomas D. Mangelsen

     

    L’ESPOIR D’UN RETOUR À LA TERRE

    Ces dernières années, le grand âge de 399 était devenu une évidence : ces dents, notamment, étaient très abîmées.

    « Personne ne voulait vraiment en parler, mais nous savions que 399 finirait par nous quitter un jour », confie Thomas D. Mangelsen. Le photographe, qui espérait une « fin plus poétique » pour l’ours, a été dévasté d’apprendre qu’elle avait été tuée par un automobiliste.

    « C’est malheureusement toujours une possibilité dans un écosystème sauvage où les pressions humaines sont de plus en plus importantes », constate-t-il.

    Chris Servheen, qui a échangé avec les agents fédéraux de l’U.S. Fish and Wildlife Service, a déclaré que 399 serait peut-être naturalisée et exposée dans un lieu bien connu. Une idée qui ne plaît pas à certains habitants de Jackson Hole.

    « Elle devient en quelque sorte un trophée si elle finit empaillée comme un spécimen de musée », confie Sue Cedarholm.

    « La plupart d’entre nous préfèrent que sa dépouille soit déposée dans la nature, dans un endroit reculé, pour qu’elle puisse retourner à la terre à laquelle elle appartient ».

    Todd Wilkinson et Thomas Mangelsen ont collaboré dans le cadre de deux livres sur l’ourse : Grizzly 399: The World's Most Famous Mother Bear (Grizzli 399 : l’ourse reproductrice la plus célèbre au monde) et Grizzlies of Pilgrim Creek: An Intimate Portrait of 399 (Les grizzlis de Pligrim Creek : portrait intime de 399).

    Cet article a initialement paru en langue anglaise sur le site nationalgeographic.com.

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