Un nouveau type d’orques mangeuses de baleines prospèrerait en haute mer
Un quatrième type d’orque du Pacifique vivrait au large des côtes de la Californie et de l’Oregon : elles s’attaquent aux baleines, aux dauphins et aux tortues de mer.
Un quatrième type d’orque du Pacifique, appelé « orque océanique », vivrait au large de la Californie et de l’Oregon. Ci-dessus, une orque océanique photographiée dans la baie de Monterey, qui s’étend sur environ 1300 kilomètres carrés.
La plupart des orques tendent à rester près des côtes, qu’il s’agisse des orques de l’Antarctique, qui créent de grosses vagues pour faire tomber les phoques de leur banquise, ou des deux orques vivant près de Cape Town, qui extraient le foie de leurs proies. Or, des scientifiques ont découvert ce qui pourrait être une toute nouvelle population d’orques : des animaux qui sillonnent la haute mer et se nourrissent de baleines et d’autres proies de grande taille.
Selon une récente étude parue dans la revue Aquatic Mammals, ces orques vivant en haute mer auraient été repérées à plusieurs endroits au large de l’Oregon et de la Californie, souvent bien au-delà du plateau continental, où le plancher océanique peut descendre jusqu’à 4 500 mètres de profondeur.
« Il n’y a pas eu de véritables études sur les orques en haute mer, du moins dans le Pacifique Nord », explique le responsable de l’étude Josh McInnes, doctorant à l’Institut des océans et des pêches de l’Université de Colombie-Britannique.
« Nous avons été très étonnés de découvrir ces animaux en pleine mer, qui diffèrent par ailleurs grandement des autres écotypes connus. »
Il existe trois écotypes d’orques du Pacifique : les résidentes, qui vivent près des côtes et se nourrissent de saumon et d’autres poissons, les hauturières, qui vivent plus au large et se nourrissent également de poissons, et les transientes, également appelées Bigg’s, que nous croyions être les seules orques à se nourrir de mammifères.
Les scientifiques n’ont pas pu établir de correspondances entre les 49 orques à l’étude et les orques déjà connues et identifiées à l’aide de photos et de descriptions de leurs nageoires dorsales et de leurs taches en forme de selle, ce motif gris ou blanc situé à califourchon derrière leur nageoire dorsale.
Cela signifie que ces orques constituent soit un sous-groupe de l’écotype transient, soit une population distincte, explique McInnes, qui est également chercheur associé à la Pacific Wildlife Foundation.
L’équipe a également pu différencier la population dite océanique des autres orques connues grâce à leurs cicatrices ou aux traces de morsures d’un requin parasite appelé squalelet féroce, qui ne vit que dans les profondeurs de l’océan et laisse des trous béants dans la chair de ses victimes.
Cette infographie met en lumière les différences entre les trois écotypes d’orques qui vivent le long de la Californie et de l’Oregon, et le potentiel nouvel écotype présent en haute mer.
Au-delà des variations propres à chaque individu, les orques océaniques ne ressemblent pas aux autres écotypes connus, comme peuvent en témoigner leur grande tache en forme de selle grise ou, à l’inverse, leur absence de tache de selle.
« On ne trouve pas énormément de grands prédateurs en haute mer (que l’on décrit souvent comme un gigantesque désert), c’est pourquoi nous ne nous attendions pas à y trouver autant d’animaux différents. Nous sommes impatients de poursuivre nos recherches », explique McInnes.
« Pour l’instant, nous ne savons pas ce que font ces orques en haute mer. C’est ce que nous aimerions étudier par la suite. »
SUR LA PISTE DES PRÉDATEURS
Nos connaissances sur les orques vivant en haute mer sont limitées, car il est rare de croiser ces animaux à l’aire de répartition très étendue depuis un bateau.
Pourtant, le récent article, qui mêle littérature scientifique et nouvelles observations, recense neuf cas lors desquels des chercheurs spécialisés dans les mammifères marins, des pêcheurs et des touristes ont indiqué avoir observé des orques dans le nord de l’océan Pacifique entre 1997 et 2021.
Le premier évènement, relaté par des chercheurs, fait mention d’un grand pod d’orques qui aurait attaqué un groupe de neuf cachalots femelles adultes, et aurait réussi à isoler l’une d’entre elles pour ensuite la tuer. D’autres pods auraient également chassé et mangé un éléphant de mer, un cachalot pygmée, un dauphin de Risso et une tortue luth.
Grâce aux rapports détaillés de chaque rencontre, les chercheurs de la nouvelle étude ont relevé des emplacements géoréférencés, déterminé la profondeur de l’eau et comparé des photos dans des bases de données, et, selon leurs observations, les 49 orques observées pourraient constituer un nouvel écotype.
Cette nouvelle population pourrait s'être formée au fur et à mesure que les proies l'attiraient loin du rivage.
Une orque océanique attaque un dauphin de Risso dans la baie de Monterey, en Californie, en 2021.
« Les orques mangeuses de mammifères se portent bien. Leur nombre est en augmentation, car les populations de phoques et de baleines se sont reconstituées depuis que leur chasse est devenue illégale », explique Robert Pitman, écologiste marin à l’Institut des mammifères marins de l’Université d’État de l’Oregon, qui n’a pas participé à l’étude.
Si les proies sont globalement moins nombreuses en eaux profondes, les orques pourraient préférer cet habitat au rivage, où elle se retrouveraient en compétition avec les grandes populations d’orques résidentes, ajoute-t-il.
McInnes et ses collègues espèrent que cette étude incitera les scientifiques à étudier la nouvelle population d’orques par le biais d’un échantillonnage génétique, d’un marquage par satellite, d’un suivi acoustique, d’une identification photographique plus poussée et d’observations supplémentaires sur le terrain.
VIVE LES ORQUES
Le changement climatique affecte certaines populations d’orques, comme celles de l’Antarctique qui dépendent des phoques vivants sur une banquise qui fond à vue d’œil. Sur la côte ouest des États-Unis, le déclin des populations de saumons a réduit la population d’orques vivant au large de Puget Sound, dans l’État de Washington.
À l’échelle planétaire, cependant, l’espèce prospère et entre de plus en plus en contact avec les habitants des zones côtières. Les orques qui ont heurté et même coulé des bateaux au large de l’Espagne ont fait la une des journaux en 2023, et ont amené certaines personnes à soutenir les animaux dans leur prétendue quête de vengeance face à la domination humaine.
« Les orques sont probablement les vertébrés les plus répandus sur la planète. Elles sont partout », explique Pitman.
Considérant les nombreuses croisières touristiques proposées dans le monde entier, il encourage tout le monde à, au moins une fois dans sa vie, aller observer des orques, dont les mâles peuvent atteindre 8 mètres de long.
« Il s’agit actuellement du plus grand super prédateur de la planète. Il n’y a plus rien eu de tel depuis les dinosaures. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.