Pour piéger leurs proies, les baleines à bosse créent des "filets de bulles"

D'après de récentes observations, ces géantes marines ajustent la vitesse et l'espace de leurs émissions de bulles pour piéger plus efficacement leurs proies.

De Bethany Augliere
Publication 5 sept. 2024, 17:07 CEST
On a souvent observé les baleines à bosse, comme celles des eaux côtières de la péninsule ...

On a souvent observé les baleines à bosse, comme celles des eaux côtières de la péninsule Antarctique, en train de créer des cercles de bulles pour réunir leurs proies.

PHOTOGRAPHIE DE Whale Research Solutions

Les chimpanzés utilisent des bâtons pour attraper des termites, les loutres de mer ouvrent les palourdes avec un rocher et les dauphins mettent des éponges sur leurs museaux pour se protéger pendant qu'ils s'alimentent dans les fonds marins. Une nouvelle étude ajoute les baleines à bosse à la liste des espèces non humaines capables d'utiliser des outils. Les baleines à bosse peuvent non seulement utiliser un outil, mais aussi le créer à partir de leur environnement en produisant des bulles.

Les baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) utilisent des filets de bulles pour piéger certaines proies, telles que des krills, des harengs et des jeunes saumons, parfois en groupes coordonnés, parfois seules. Les baleines plongent sous leur proie et nagent en cercle. Leur évent libère des bulles pour créer un rideau ascendant. Le rideau crée une barrière visuelle qui fait croire aux proies qu'il n'y a aucune échappatoire. Une fois les proies cernées, les baleines s'élancent à travers le filet de bulles, la gueule ouverte, pour les avaler. Ce comportement a été observé pendant des décennies, mais les méthodes précises sont difficiles à étudier et sont longtemps restées un mystère.

Lorsque l'on regarde des baleines à bosse se nourrir, « on a l'impression que les bulles sont éparpillées et qu'elles ne sont pas très structurées », explique Andrew Szabo, écologiste marin qui dirige l'Alaska Whale Foundation et co-auteur de l'étude. Mais la perspective change si vous ajoutez des drones et des caméras sous-marines.

Bien qu'il soit parfois difficile de définir l'utilisation d'outils chez les animaux, les scientifiques ont aujourd'hui tendance à considérer que l'utilisation d'outils consiste à utiliser un objet externe qui n'est pas attaché à quelque chose pour modifier la forme, la position ou l'état d'une autre chose. Il a déjà été suggéré que le filet de bulles consiste à utiliser un outil, mais « cette étude renforce cette position », déclare Janet Mann, biologiste spécialiste des mammifères marins à l'université de Georgetown à Washington, qui a beaucoup étudié l'utilisation des outils aquatiques.

 

FRÉNÉSIE ALIMENTAIRE

Pour pouvoir mieux observer ce comportement, Szabo et son équipe ont utilisé des perches de six mètres pour fixer des balises sous-marines spécialisées sur les baleines dans les eaux du nord de l'Alaska du sud-est. Ces balises, équipées de caméras 4K, d'hydrophones et de capteurs permettant d'enregistrer les mouvements en trois dimensions, ainsi que la température et la profondeur, ont recueilli des données pendant vingt-quatre heures avant de se détacher. Les scientifiques ont combiné les données des étiquettes avec des images aériennes capturées par des drones afin de mesurer avec précision le moment, la structure et la taille des filets de bulles créés par les baleines solitaires.

Les baleines à bosse travaillent parfois en équipe pour chasser des proies comme le hareng à l'aide de rideaux de bulles.

PHOTOGRAPHIE DE Brian Skerry

Et il semble que ces géantes marines ajustent la vitesse et l'espace de leurs émissions de bulles pour piéger plus efficacement leurs proies, d'après le rapport scientifique du 21 août publié dans Proceedings of the Royal Society Open Science. En modifiant les anneaux de bulles, les baleines pourraient être en mesure d'attraper sept fois plus de proies en moyenne en une seule bouchée. Les baleines conservent leur énergie, puisqu'elles doivent plonger moins de fois, déclare Szabo, qui est également un explorateur National Geographic. Cette efficacité est cruciale pour les baleines à bosse, car elles migrent sur des milliers de kilomètres et doivent capturer suffisamment de nourriture pendant l'été et l'automne en Alaska pour subvenir à leurs besoins tout au long de l'année.

« Elles ont un tel contrôle sur la manière dont elles procèdent », déclare Lars Bejder, co-directeur de l'étude et biologiste spécialiste des mammifères marins qui dirige le centre de recherche de l'université d'Hawaï sur les mammifères marins au Marine Mammal Research Program. « Elles augmentent la fréquence des impulsions au fur et à mesure que le filet se rétrécit, afin de réduire la taille des mailles qui permettent aux proies de s'échapper. Et c'est vraiment pas mal. »

Pour l'équipe, la capacité des baleines à bosse à utiliser des filets de bulles comme outils témoigne de leur intelligence et de leur complexité, souvent éclipsées par d'autres mammifères marins, comme les dauphins, explique Szabo. « Ce sont des animaux remarquables qui font des choses remarquables. »

 

STOCKAGE CALORIQUE

Curieusement, les baleines n'utilisent pas constamment des filets de bulles. En Alaska, seulement 5 à 10 % des baleines se nourrissent en produisant un filet de bulles. « C'est certainement rare, ce n'est pas une généralité », déclare Bejder. « C'est vrai pour n'importe quelle population. »

Durant les trois jours pendant lesquels l'équipe a déployé ses balises, entre soixante-dix et quatre-vingts baleines se nourrissant en produisant un filet de bulles ont été observées. Cependant, une semaine plus tard, ces mêmes baleines ont arrêté d'utiliser cette tactique. Pourquoi cela ?

L'endroit et le moment où les baleines à bosse utilisent des bulles doit avoir un rapport avec la densité des proies. « Cela prend un moment de déployer ces filets, et si la nourriture est suffisamment dense pour que vous n'ayez pas besoin d'utiliser un filet, il est préférable de ne pas l'utiliser », déclare Szabo. Cependant, si les proies ne sont pas très denses, utiliser un filet de bulles permet aux baleines d'exploiter une ressource autrement indisponible. 

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    Les chercheurs savent à présent que les baleines à bosse, que l'on peut voir ci-dessus dans le Cap Evensen, en Antarctique, peuvent contrôler la taille et la forme des anneaux de bulles qu'elles utilisent pour attraper leurs proies.

    PHOTOGRAPHIE DE Yva Momatiuk and John Eastcott, Minden Pictures

    Bien qu'impressionnants, ces résultats ne sont pas particulièrement surprenants, selon Jan Straley, biologiste et professeure émérite à l'université du sud-est de l'Alaska, qui étudie les baleines à bosse depuis 1979. Les baleines à bosse sont connues pour changer l'endroit où elles déploient les filets de bulles en fonction de la localisation des proies, des conditions environnementales et de la densité. Elle a observé que les jeunes baleines apprennent de leur mère et semblent acquérir de nouvelles techniques auprès de leurs pairs.

    « Je pense que ces baleines sont vraiment, vraiment douées pour connaître leur environnement. Elles connaissent les propriétés physiques de la surface de l'eau et la façon dont le son se propage », explique-t-elle. « Elles sont vraiment intelligentes. »

    Par exemple, dans une région à l'extérieur du parc national de Glacier Bay, en Alaska, les baleines à bosse se nourrissent par groupes coordonnés, mais n'utilisent pas de filets de bulles. À la place, elles utilisent les marées et les courants pour retenir les poissons.

    Dans les années 1980, les baleines à bosse de la Nouvelle-Angleterre ont développé une technique appelée alimentation par queue de homard, qui consiste à taper leurs queues contre la surface de l'eau avant d'utiliser la technique des bulles. Ce comportement pourrait avoir commencé lorsque les baleines ont changé leur régime alimentaire, passant du hareng au ammodytidae, et s'est répandu par apprentissage social.

    La capacité des baleines à bosse à modifier leurs stratégies alimentaires et à utiliser des outils pour accéder à des proies autrement inaccessibles pourrait expliquer pourquoi elles se portent mieux que les autres grandes baleines depuis l'ère de la chasse à la baleine. Cette capacité d'adaptation pourrait également leur donner une meilleure chance de s'adapter au changement climatique, à condition que les proies ne disparaissent pas complètement. « Les proies sont en déclin. Nous le savons », déclare Szabo. « Les baleines sont de plus en plus maigres. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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