Ces femelles peuvent se reproduire sans mâles… ou presque
Dragons de Komodo, requins-marteaux, tatous… Chez de nombreux animaux, une question habituellement sans équivoque se doit d’être posée : qui est le père ?
Archie, le petit fourmilier né d’une mystérieuse gestation, accroché à sa mère.
D’où viens-tu Archie ? Ce fourmilier géant aurait peut-être eu du mal à répondre à cette question. Né en 2012 au LEO Zoological Center de Greenwich, dans le Connecticut, Archie semblait tout à fait normal, à un détail près : les zoologistes n’avaient aucune idée de la façon dont il avait pu être conçu.
Sa mère, Armani, avait déjà donné naissance à une petite femelle nommée Alice après un rendez-vous galant avec Alf, un fourmilier mâle du même zoo. L’heureuse famille ne pouvait cependant cohabiter : comme les fourmiliers mâles sont connus pour tuer et manger leur progéniture, le personnel du zoo avait dû maintenir Alf à l’écart d’Armani et d’Alice pendant plusieurs mois. Pourtant, comme l’a expliqué le Greenwich Time, un journal du Connecticut, Armani était de nouveau pleine avant ses retrouvailles avec Alf.
Cette mystérieuse grossesse a immédiatement fait penser à une « naissance vierge », ou parthénogenèse. Les animaux conçus par parthénogenèse n’ont pas de père : l’embryon grandit et se développe en l’absence de fécondation. Si cela peut sembler inhabituel (certains diraient même miraculeux), ce phénomène est en réalité étonnamment courant dans le règne animal. Selon les chercheurs, il serait motivé par l’absence de mâles disponibles.
Si une grande variété d’animaux se reproduit par parthénogenèse, le phénomène demeure plus fréquent chez les invertébrés (comme les puces d’eau, les guêpes parasitoïdes et les abeilles) et certains types de vertébrés, (comme les poissons, les amphibiens et, parfois, les oiseaux). Bien que les mécanismes exacts de la reproduction parthénogénétique puissent varier d’une espèce à l’autre, toutes les parthénogenèses donnent naissance à une progéniture normale et en bonne santé.
Découvrez ci-dessous certaines des espèces qui peuvent donner naissance sans mâle, ou presque.
LE DRAGON DE KOMODO
Au milieu des années 2000, deux dragons de Komodo du zoo de Londres ont pondu des œufs viables par parthénogenèse. Au cours de leur captivité, aucune des deux femelles n’avait été en contact avec un mâle et les tests génétiques réalisés par la suite ont révélé que les œufs ne contenaient aucun ADN paternel.
LE LÉZARD ASPIDOSCELIS NOEMEXICANA
Comme l’indique son nom scientifique, ce lézard du désert vit au Nouveau-Mexique, dans le sud-ouest des États-Unis. Il semble être le fruit d’une hybridation entre deux autres espèces de sauriens étroitement apparentées : Aspidoscelis inornata et Aspidoscelis tigris. Bien que l’hybridation entre ces deux espèces puisse bel et bien donner naissance à des petits Aspidoscelis neomexicana viables, ces derniers sont nécessairement de sexe féminin. Ainsi, Aspidoscelis neomexicana se reproduit uniquement par parthénogenèse.
LE SERPENT CUIVRÉ
Si la parthénogenèse peut sembler être un choix de reproduction particulièrement judicieux en l’absence de mâle, les serpents cuivrés femelles ont elles recours à la parthénogenèse même quand elles disposent d’un large choix de partenaires. Une étude publiée en 2012 dans Biology Letters a montré que parmi des spécimens de cette espèce en captivité, une femelle en gestation sur vingt-deux se reproduisait par parthénogenèse, un chiffre très supérieur aux prévisions des chercheurs. Comme la plupart des cas de parthénogenèse ont été recensés chez des animaux en captivité, les scientifiques cherchent à déterminer les raisons pour lesquelles les animaux la pratiquent dans la nature.
LE REQUIN-MARTEAU
En 2001, une femelle requin-marteau a mis bas dans un zoo d’Omaha, alors qu’elle n’avait pas de partenaire en captivité. Les gardiens du zoo ont découvert que la femelle avait stocké du sperme après s’être accouplée dans la nature, un phénomène assez courant. Le bébé requin a été tué peu après sa naissance par une raie, mais l’analyse génétique a révélé que le petit requin ne présentait que les informations génétiques de sa mère, et qu’il n’avait donc pas de père.
LE MYSTÈRE D’ARCHIE RÉSOLU ?
Selon les zoologistes du LEO, Archie était probablement le fruit d’une diapause embryonnaire, une stratégie de reproduction qui n’engendre pas de « naissance vierge » à proprement parler puisque la mère maintient un œuf fécondé dans son utérus.
Quand les conditions environnementales ne sont pas favorables, la mère peut, pendant une longue période, empêcher l’œuf fécondé de s’implanter et de se développer. Le processus n’avait jamais été observé chez le fourmilier, mais les chercheurs l’avaient déjà documenté chez son proche parent le tatou.
Si Armani a bel et bien entrepris une diapause embryonnaire, elle a réussi son coup. Un article publié en 2012 dans la revue PLoS ONE a démontré qu’une grande variété de mammifères pouvait avoir recours à la diapause embryonnaire. Ainsi, même s’il semble qu’Armani n’a pas eu besoin de mâle pour concevoir Archie, la réalité est toute autre : les gardiens du zoo n’ont simplement pas pris le couple en flagrant délit.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.