Ce garde-forestier kenyan a mis au point de nouvelles façons de lutter contre le braconnage

Le travail de ce garde-forestier a permis de réduire le taux de braconnage dans le pays et de multiplier les opportunités pour les communautés locales.

De Sam Kemp
Publication 29 juil. 2024, 18:02 CEST
Trailblazer Edward Ndiritu

En tant que chef de l'unité de lutte contre le braconnage du Lewa Wildlife Conservancy, Edward s'efforce d'instaurer une harmonie entre la population et la faune de Lewa.

PHOTOGRAPHIE DE John Kimani

Lorsque Edward Ndiritu a rejoint le Lewa Wildlife Conservancy, dans la province centrale du Kenya, en tant que gardien de rhinocéros en 1996, le braconnage avait déjà réduit la population de rhinocéros noirs du pays de 20 000 individus en 1970 à moins de 300. Motivé par la peur qu'ils puissent un jour disparaître complètement, Edward a gravi les échelons jusqu'à devenir chef de l'unité anti-braconnage de Lewa. En 2015, l'approche communautaire de son équipe en matière de conservation lui a valu le premier prix Wildlife Ranger Award décerné par l'organisation caritative Tusk. Bien qu'aucun rhinocéros n'ait été tué par des braconniers à Lewa depuis 2020, la menace perdure.

 

Qu'est-ce qui vous a encouragé à devenir garde-forestier ?
J'ai grandi dans un village entre le mont Kenya et le parc national d'Aberdare, autrefois un couloir de migration pour les éléphants et les rhinocéros noirs. Au cours de nos promenades quotidiennes vers l'école, mes amis et moi les avons vus lentement disparaître du paysage. Nous avons rapidement découvert que les disparitions étaient imputables au braconnage et aux nuisances de la communauté dans son ensemble.

 

Pourquoi les rhinocéros sont-ils la cible des braconniers ?
À cause de la demande en cornes de rhinocéros qui valent plus que son poids en or en Asie. Mon équipe n'a pas affaire à des individus qui chassent le gibier, mais à un vaste et riche réseau criminel. Derrière les braconniers et les intermédiaires qui les paient se trouvent ceux qui leur fournissent des lunettes de vision nocturne et des silencieux. Pourquoi derrière chaque braconnage de rhinocéros, on retrouve un lien plus ou moins direct avec une personne de la communauté ? L'argent : il est très tentant de donner des informations aux braconniers. En 2011 et 2012, nous avons fait face à de nombreux défis, à Lewa et partout en Afrique. Je me souviens avoir perdu quatre rhinocéros en deux semaines. C'est horrible : ces animaux pèsent trois tonnes et sont chassés seulement pour leur corne. Le reste est laissé à l'abandon.

Les incidents survenus à cette période ont été un véritable signal d'alarme pour le gouvernement, car les responsables du braconnage étaient également impliqués dans d'autres activités illégales, comme le trafic d'êtres humains. En 2016, on a trouvé un homme en possession de défenses d'éléphants non déclarées. Un peu plus tard, quelqu'un a découvert qu'on transportait des Éthiopiens vers l'Europe en passant par le Kenya. Puis, il y a eu un autre cas où quelqu'un a recruté des écoliers pour combattre pour le groupe armé Al Shabab. Il s'agissait du même homme.

 

Comment la situation a-t-elle évolué ?
Lorsque j'ai commencé à travailler à Lewa, des gens venaient dans le parc, campaient pour la nuit et passaient la journée à braconner. Aujourd'hui, ils se sont perfectionnés : ils disposent de réseaux et recueillent des informations auprès de la communauté locale. Il savent où braconner sans se faire repérer par un garde-forestier. Il y a aussi l'aspect technologique. Par le passé, aucune de ces personnes n'avait de téléphone. De nos jours, ils ont des téléphones et des motos.

 

Comment vos unités se sont-elles adaptées ?
On utilise des caméras, des détecteurs, des traqueurs et la collecte d'un grand nombre d'informations, qui nous indiquent quand et où un braconnage risque de se produire. Nous travaillons aussi beaucoup plus étroitement avec la communauté locale, qui est désormais notre première ligne de défense. Pendant des années, un manque d'avantages tangibles a fait que les populations locales ne voyaient pas l'intérêt de la conservation. Aujourd'hui, Lewa propose des formations agricoles, des complexes médicaux et un soutien commercial aux femmes de la ruralité. Les populations locales sont maintenant plus susceptibles de signaler un braconnage avant qu'il ne se produise.

 

Quel genre de compétences faut-il pour devenir un bon garde-forestier ?
Il faut être honnête et vaillant, les animaux sauvages ne prennent pas de vacances. Mais il faut aussi être motivé : un garde-forestier heureux est un bon garde-forestier, et c'est pourquoi nous mettons les moyens pour bien les former et bien les équiper et l'on s'assure qu'ils ont du temps pour leurs familles. Mon travail aujourd'hui, c'est de m'assurer de leur bonheur et de leur bien-être. Quand j'ai été promu pour la première fois, personne ne comprenait que garantir le bien-être des garde-forestiers était la première étape pour minimiser le braconnage. La conservation dépend principalement de ses acteurs.

 

Êtes-vous optimiste quant à l'avenir de la conservation de la nature à Lewa ?
Oui, j'ai de l'espoir. Dans le domaine de la conservation, notre plus grand défi, c'est le financement, parce que protéger la nature coûte très cher. Heureusement, nous avons des organisations comme Tusk, qui contribuent à la collecte de fonds. Lewa étend son réseau et trouve d'autres personnes qui peuvent contribuer à soutenir nos projets communautaires. En réalité, il ne suffit pas de s'occuper de la vie sauvage à l'intérieur de la réserve : il faut penser aux personnes qui se trouvent de l'autre côté du mur. Ce n'est que lorsque ces communautés seront en mesure de vivre en harmonie avec les animaux qu'elles voient tous les jours qu'il y aura un avenir pérenne pour la faune sauvage ici.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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