Cet animal peut vivre plus de 500 ans
La vie dans les profondeurs peut être longue, elle peut même durer des centaines d’années.
Les animaux qui vivent dans les eaux profondes et qui se déplacent très peu sont susceptibles de vivre plus longtemps.
Si vous étiez un corail rouge (Corallium rubrum), vous auriez le temps de réaliser plusieurs listes de choses à faire avant de mourir. À tel point qu’il pourrait devenir complexe de savoir quoi y inscrire.
Le corail rouge, qui peut vivre cinq cents ans, est l’une des nombreuses espèces marines dont la durée de vie fait passer celle des Hommes pour un simple battement de paupières. Dans une nouvelle étude, des scientifiques ont mis en évidence ce qui permettait à certaines d’entre elles de vivre plusieurs centaines d’années.
DANS LES PROFONDEURS
L’équipe qui a réalisé l’étude a passé au peigne fin des dizaines d’autres travaux qui estimaient la durée de vie « de plus de deux cents espèces présentes dans le monde entier », explique l’auteur principal, Ignasi Montero Serra, chercheur postdoctorant au Marine Spatial Ecology Lab de l’université du Queensland, qui mène, entre autres, des recherches sur les écosystèmes coralliens et la pêche.
En examinant les caractéristiques des espèces sessiles, ou immobiles, telles que les coraux, les macroalgues, les éponges et les gorgones, un type de corail, l’équipe a constaté que les animaux demeurant dans des eaux profondes étaient susceptibles de vivre plus longtemps.
Le corail rouge de Méditerranée, qui peut vivre plus de cinq cents ans, réside à plus de 800 mètres de profondeur.
Selon Ignasi Montero Serra, l’espèce marine connue ayant vécu le plus longtemps est une éponge, Monorhaphis chuni, dont l’âge a été estimé à onze mille ans et qui vivait à 300 mètres sous le niveau de la mer.
Le corail rouge de Méditerranée, photographié ici en mer Adriatique, au large de la Croatie, peut vivre cinq cents ans.
STABILITÉ ET PÉRENNITÉ
La stabilité de l’environnement des profondeurs marines permet probablement aux espèces y demeurant de vivre plus longtemps.
À de grandes profondeurs, les animaux sont protégés des problèmes affectant les espèces vivant dans des eaux moins profondes, tels que les changements de température et les tempêtes violentes, indique Daniel Doak, co-auteur de l’étude et professeur dans le département d’études environnementales de l’université du Colorado à Boulder.
Être immobile présente aussi ses avantages.
« Le fait d’être sessile semble être au moins corrélé à une possible longévité chez les animaux marins et les plantes terrestres », poursuit-il.
La sélection naturelle favorise les longues durées de vie dans les environnements stables « où les événements fortuits ne vous tuent pas », comme c’est le cas dans les profondeurs marines. Les espèces vivant dans des eaux moins profondes présentent beaucoup plus de chances de mourir jeunes à cause de dangers tels que les prédateurs. Cela signifie qu’il n’y a pas d’avantage évolutif particulier à ce que ces créatures soient capables de réparer leur corps et de rester résistantes jusqu’à un âge avancé, précise le professeur.
Un autre facteur favorisant cette longévité, fait remarquer Ignasi Monterro Serra, est que ces espèces sessiles sont clonales. Elles « forment une colonie de plusieurs individus génétiquement identiques, appelés polypes dans le cas des coraux et des gorgones ». Les organismes clonaux peuvent échapper à la détérioration liée à l’âge « en reproduisant ses individus de manière asexuée », de sorte que, même si certains meurent, « l’ensemble de la colonie peut rester pleinement fonctionnel au fil du temps ».
Grâce à la clonalité, « une colonie est toujours constituée de jeunes individus », affirme Dan Doak, de façon à ce que ces derniers remplacent constamment les anciens au lieu qu’il soit question, comme pour les Hommes, d’un être unique qui vieillit simplement.
PERTURBATIONS DANS LES PROFONDEURS
Ces espèces présentant une longue durée de vie pourraient toutefois être en difficulté. Les eaux profondes étaient autrefois épargnées par l’activité humaine, explique Cristina Linares, mais « des menaces croissantes pèsent [aujourd’hui] sur les espèces et les habitats [qui y sont] présents ».
Il a été démontré que le changement climatique, par exemple, affectait les écosystèmes des profondeurs.
Parmi les autres menaces se trouve « la pollution, notamment plastique, dont il a été montré qu’elle pénétrait même dans les eaux profondes », déplore Dan Doak.
Les animaux vivant à ces profondeurs et qui disposent d’une longue durée de vie se développent et se reproduisent lentement, de telle façon que, s’ils venaient à rencontrer une perturbation à laquelle ils n’étaient pas adaptés, il leur serait très difficile de s’en remettre, ajoute-t-il.
Les engins de pêche abandonnés, connus sous le nom de filets fantômes, peuvent nuire à ces communautés fragiles, avertit Ignasi Montero Serra, et les techniques de pêche comme les chaluts qui atteignent ces habitats « peuvent rapidement décimer [celles-ci] et les populations sessiles qui peuvent mettre des centaines d’années à se rétablir ».
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.