Comment ces animaux produisent-ils de l'électricité ?
Des anguilles électriques aux échidnés, de nombreux animaux utilisent le courant électrique pour communiquer, débusquer des proies et se défendre.
Les anguilles électriques (qui n’en sont pas vraiment) peuvent générer plus de 800 volts pour étourdir leur proie.
Force invisible de la nature, l’électricité nous entoure. Nous générons par exemple de faibles champs électriques chaque fois que nous bougeons nos muscles. Mais des animaux étonnants ont fait de ce pouvoir une nature et ont développé la capacité de communiquer, de se défendre et de trouver de la nourriture grâce à l’électricité.
La majorité de ces créatures vivent en eau douce et utilisent l’électricité pour compenser leur vision médiocre ou leur incapacité à voir en eaux troubles. Environ 350 espèces de poissons, dont la fameuse anguille électrique, possèdent des structures anatomiques capables de générer jusqu’à 860 volts de puissance. Par comparaison, un coup de jus de votre prise à la maison vous enverra 120 volts.
Les créatures d’eau de mer comme les requins, les raies, et même certains dauphins, dépendent aussi d’organes sensoriels particuliers dédiés à la chasse sous-marine. Bien que ce soit moins fréquent chez les espèces terrestres, les bourdons, les ornithorynques, et les échidnés exploitent aussi le pouvoir de l’électricité pour fureter à la recherche de denrées et communiquer.
ÉLECTROGÉNÈSE ET ÉLECTROPERCEPTION
Les animaux ont deux manières d’utiliser l’électricité : l’électrogenèse (la génération d’impulsions électriques) et l’électroperception (la détection de ces mêmes impulsions).
« Les animaux électrogéniques génèrent de l’électricité et l’expulsent de leur corps », explique Jack Cover, conservateur principal des expositions du vivant à l’aquarium national de Baltimore, dans l’état du Maryland.
Parmi ces espèces on retrouve notamment les anguilles électriques, les raies torpilles et les poissons-chats des eaux douces d’Afrique, toutes capables d’envoyer de fortes décharges pour immobiliser leur proie.
Les animaux électropercepteurs sont pour leur part capables de détecter les champs électriques générés par les proies. Lorsqu’un champ électrique touche un être vivant, cela créé une distorsion qu’ils peuvent ressentir.
« Cela peut leur indiquer où se trouvent les obstacles ou les proies [ou bien les prédateurs], et même leur taille », explique George Parsons, conservateur et spécialiste de la plongée à l’aquarium Shedd de Chicago.
Les requins sont électropercepteurs et repèrent leurs proies grâce à leurs ampoules de Lorenzini, des organes sensoriels situés autour de leur tête. (À lire : Les requins s’orientent grâce au champ magnétique terrestre.)
« Ils peuvent repérer les mouvements musculaires car ils génèrent des champs électriques, surtout les mouvements brusques », explique George Parsons. Donc si un poisson malade s’agite dans sa détresse, un requin ne va pas tarder à le découvrir.
Certains animaux électrogéniques comme les anguilles électriques et les poissons-éléphants peuvent aussi être doués d’électroperception, et allouent ainsi une petite partie de leur capacité électrique à la détection d’autres espèces quand ils chassent. Les espèces électroperceptrices qui ne sont pas électrogéniques sont toutefois nombreuses.
EN EAUX TROUBLES
Les courants chargés en électricité sont aussi importants pour les espèces qui évoluent dans l’environnement trouble des eaux douces que le sont les couleurs ou les sons pour les êtres humains.
Par exemple, l’habitat naturel de l’anguille électrique (le fleuve Amazone et le bassin de l’Orénoque) abonde en sédiments provenant d’un paysage en mutation constante.
Pour cette raison, cette créature mesurant plus de deux mètres (qui ressemble à une anguille mais appartient en fait à l’ordre des Apteronotidae) est à la fois électrogénique et électroperceptrice. L’espèce possède trois organes sensoriels situés le long du corps qui lui permettent d’envoyer des décharges de 860 volts ; assez pour étourdir un prédateur ou une proie.
Chacun de ces trois organes (l’organe principal, l’organe de Hunter et l’organe de Sach) sont constitués d’électrocytes, des cellules en forme de disque qui ont un côté positif et un côté négatif, comme sur une pile.
« Quand un signal du cerveau leur parvient, elles se déchargent ensemble et peuvent se comporter comme des millions de petites piles mises en séries qui formeraient un électrochoc énorme », explique George Parsons
Ce type de mécanisme de défense est très utile pendant la saison sèche, quand les eaux sont basses et que de gros mammifères s’y aventurent pour chasser. Si le poisson détecte un prédateur en approche, il lui arrive même de bondir hors de l’eau pour lui administrer une surprise désagréable.
Le poisson-chat électrique, qui évolue dans les eaux douces des tropiques africains, peut générer jusqu’à 350 volts pour trouver de quoi se nourrir. Le poisson-éléphant, espèce indigène d’Afrique de l’Ouest, utilise l’électricité de sa queue pour se déplacer dans les eaux sombres. (En savoir plus sur les espèces d’eau douce en voie d’extinction.)
Aussi, certains poissons courtisent leur partenaire lors d’une parade électrique. Les Apteronotus albifrons, qui vivent en Amérique du Sud, génèrent de légères impulsions avec leur queue quand ils se reproduisent, qu’ils soient mâles ou femelles.
Ces électrochocs aident à « coordonner et à synchroniser la ponte de la femelle, puis l’éjaculation du mâle sur les œufs », détaille Jack Cover.
ÉLECTROCUTER LES MAMMIFÈRES ET LES INSECTES
Tout le monde sait que les dauphins utilisent l’écholocalisation (la capacité à localiser des objets par ricochet sonore), mais le dauphin de Guyane, qui peut vivre en eau de mer comme en eau douce, a mis au point une toute autre stratégie : il détecte ses proies en se mettant à l’affût de leur champ électrique. C’est à notre connaissance le seul mammifère marin qui fasse cela.
Dans une étude réalisée en 2011 sur des dauphins de Guyane vivant en captivité, des chercheurs ont découvert que ceux-ci possèdent des électrorécepteurs similaires à ceux présents chez de nombreuses espèces de poisson mais aussi chez les ornithorynques.
« Il est logique que ces espèces aient développé cette capacité, car elles vivent dans les eaux troubles et sombres de la côte Atlantique d’Amérique du Sud et d’Amérique Centrale », explique Tracy Fanara, ingénieure et chercheuse à l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) de Gainesville, en Floride.
L’ornithorynque, espèce originaire d’Australie, est un mammifère semi-aquatique capable de détecter une proie grâce aux 40 000 électrorécepteurs de son bec. Il utilise ce bec extra sensible comme détecteur de métal pour balayer les eaux lorsqu’il nage et révéler la présence d’écrevisses et de vers de terre qui se cachent dans l’eau.
L’échidné, qui comme l’ornithorynque fait partie de l’ordre des monotrèmes et qu’on trouve en Nouvelle-Guinée et en Australie, est sans doute le seul animal terrestre à avoir des récepteurs électriques pour localiser ses proies. Le système électroperceptif logé dans son museau est semblable à celui de l’ornithorynque, mais il est bien moins complexe et contient moins de 2 000 récepteurs. (À lire : Le déclin discret des ornithorynques.)
Chez les insectes, on sait que les bourdons agissent sur l’électricité statique des fleurs pour communiquer avec les membres de leur ruche.
« Leurs ailes battent si vite que lorsqu’ils butinent, ils créent un champ magnétique », indique Tracy Fanara. Cela peut modifier la charge électrique qui entoure une fleur pendant environ 100 secondes, et ça permet d’indiquer aux autres bourdons que les réserves de pollen d’une fleur sont épuisées. »
Et on se dit que nous aussi, on aimerait bien savoir à l’avance quand il n’y a plus de gâteau dans la salle de repos.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.