COVID-19 : la Chine déploie une armée d'oies pour combattre la propagation du virus
À travers l’Histoire, des oies domestiques ont été chargées de garder toutes sortes de choses, du whisky écossais à des installations militaires. Aujourd’hui, la Chine compte sur ces oiseaux pour limiter la propagation du coronavirus.
Une oie de Chine domestique photographiée dans la réserve naturelle Golden Acre Park à Leeds, en Angleterre. Cette race d'oie descend de l'oie cygnoïde sauvage, une espèce originaire de Chine.
À la frontière entre la Chine et le Vietnam, un groupe d’environ 500 oies montent la garde, prêtes à criailler ou à attaquer toute personne entrant illégalement dans le pays.
Depuis octobre 2021, le gouvernement chinois a déployé cette « armée d’oies » sur presque 500 kilomètres dans la ville de Chongzuo, et ce afin d’empêcher le COVID-19 d’entrer sur le territoire chinois par le biais de l’immigration clandestine. Les oies domestiques n’ont pas besoin d’être entraînées à monter la garde : une fois que ces oiseaux ont établi leur territoire, ils le défendent avec férocité.
Cette garnison à plumes est renforcée par près de 400 chiens de garde qui accompagnent la police des frontières lors de ses patrouilles, tandis que les oiseaux assurent une surveillance permanente. Cette équipe inter-espèces joue un rôle essentiel dans le maintien de la politique « zéro COVID » de la Chine, qui vise à éliminer le virus à l’intérieur du pays. Les infections au COVID-19 sont en augmentation dans toute la Chine continentale et Shanghai, qui compte plus de 25 millions d’habitants, est actuellement confinée pour ralentir la propagation du virus. (À lire : Deux ans après le début de la pandémie, le coronavirus continue de surprendre les experts.)
Les oies de garde pourraient bien aider à atteindre cet objectif : en décembre 2021, une oie aurait d’aider grâce à leur cri d’alerte à attraper deux personnes traversant illégalement la frontière, selon le site d’information The Paper financé par l’État. Le gouvernement de la préfecture de Chongzuo n’a pas répondu à la demande de National Geographic de confirmer si cet événement avait réellement eu lieu.
Bien que l’utilisation d’oies pour faire respecter la politique de lutte contre la pandémie soit inédite, la pratique est ancienne.
Les oies domestiques sont apparues il y a au moins 5 000, voire 16 000 ans, ce qui en ferait le deuxième animal domestiqué le plus ancien après le chien, selon une étude récente.
Les documents historiques sont riches en récits de bataillons d’oies : un groupe aurait notamment donné l’alerte et ainsi permis de sauver Rome d’une invasion secrète de la Gaule en 390 avant J.-C. « Les oies aussi ont de la vigilance, vigilance attestée par la défense du Capitole, dans un moment où le silence des chiens trahissait la chose publique », écrivait à l’époque l’auteur romain Pline l’Ancien.
De 1959 à 2012, un autre groupe, connu sous le nom de « Scotch Watch », a patrouillé sur près de 6 hectares d’entrepôts pour protéger l’équivalent de 300 millions de livres de whisky écossais à Dumbuck, en Écosse. Et en 1986, l’armée américaine a mis à l’essai dix-huit oies pour protéger des installations radar et antiaériennes en Allemagne de l’Ouest. Les oies ont été si efficaces que l’armée en a recruté 900 de plus pour servir dans la région.
En effet, l’oie pourrait avoir un avantage sur le meilleur ami de l’homme, notamment parce que les oiseaux sont plus sélectifs lorsqu’il s’agit de donner l’alerte, explique Petr Glazov, président du groupe de spécialistes des oies de l’Union internationale pour la conservation de la nature.
« Les chiens peuvent parfois donner l’alarme juste pour s’amuser ou pour parler ensemble entre chiens. Mais les oies ne le font que si un intrus pénètre dans leur zone spéciale », explique Glazov.
DES OISEAUX AUTORITAIRES
Avant d’enrôler les oies, probablement élevées dans des fermes voisines, le gouvernement chinois a d’abord effectué un essai avec un petit groupe en juin 2021.
Au cours de cette expérience, les oies se sont révélées encore plus sensibles aux étrangers et au bruit que les chiens, a rapporté l’organisme de presse South Country Morning News financé par l’État. Quelques mois plus tard, le gouvernement local a décidé de déployer des oies le long de 300 postes de contrôle frontaliers.
La capacité des oies n’est pas vraiment une surprise pour Lauren Thielen, docteure en médecine vétérinaire qui a travaillé avec des oies domestiques au Texas Avian and Exotics Hospital, près de Dallas.
« Si vous pénétrez sur le territoire d’une oie, elle pourra presque vous charger, elle criaillera et utilisera des tactiques d’intimidation, plutôt que de s’enfuir comme la plupart des oiseaux », nous explique Thielen dans un e-mail.
« J’ai vu cela aussi bien chez les bernaches du Canada sauvages qui protègent leurs petits, que chez les oies de Chine domestiques qui protègent leur environnement. Je les vois toujours comme des oiseaux autoritaires », ajoute-t-elle.
DES SENS TRÈS DÉVELOPPÉS
Une trentaine d’espèces d’oies sauvages vivent sur tous les continents du monde, à l’exception de l’Antarctique. Ces oiseaux, qui nichent principalement au sol, sont dotés d’une excellente vue qui a évolué avec le temps pour repérer les prédateurs qui s’approchent à une certaine distance. Ils peuvent également utiliser et contrôler chaque œil de façon indépendante, ce qui leur offre un champ de vision plus large.
Lorsqu’elles dorment, les oies peuvent également garder un côté de leur cerveau éveillé et l’œil qui lui est relié ouvert afin de détecter les menaces : un phénomène rare connu sous le nom de sommeil unihémisphérique. « Elles ont toujours le contrôle de la situation », explique-t-il.
Les oies sauvages, comme les bernaches nonnettes en Europe du Nord et en Russie, ont généralement recours à des « oies de sécurité » placées en bordure des groupes pour donner l’alerte en cas de menace. Selon Glazov, les oies sont si douées pour détecter le danger que les canards et les grues se nourrissent parfois parmi elles oies par mesure de sécurité.
De plus, les oies de garde sont moins chères : elles s’occupent d’elles-mêmes, se nourrissent d’herbe et ne nécessitent pas de soins vétérinaires.
QU’EN EST-IL DES CHIENS ?
Les chiens ont un avantage sur les oies car ils peuvent être dressés pour jouer de multiples rôles, explique Ambrose Contreras, dresseur canin au sein du 341e escadron d’entraînement de l’armée de l’air américaine, groupe spécialisé dans le dressage des chiens de détection et de patrouille.
« Pourrions-nous dresser une oie ? Probablement, mais ce serait très difficile », explique-t-il. Selon Contreras, en général, les chiens sont aussi plus intimidants : « Je serais moins enclin à essayer de faire quelque chose de mal intentionné en voyant un chien et son maître qu’un type avec une oie ».
Et en ce qui concerne l’odorat, « le système olfactif des chiens est à une échelle qui leur est bien propre », dit-il.
Les chiens de patrouille du 341e escadron doivent être capables de détecter l’odeur d’une personne située à au moins 45 mètres et d’entendre à au moins 30 mètres de distance avant de suivre une formation plus avancée et spécialisée.
Bien que l’oie de garde chargée d’alerter les autorités sur la présence d’intrus à la frontière en 2021 ait été fortement célébrée dans les journaux d’État de Chongzuo, un chien aurait également intercepté un immigrant clandestin en août 2021.
Pour l’instant en tout cas, c’est donc deux points pour l’oie, et un point pour le chien de garde.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.