Des lions quittent les parcs et s’égarent en ville

Au Kenya, les résidents se retrouvent face à la faune qui les a précédés. Et cela ne se termine pas toujours bien.

De Jacob Kushner

NAIROBI, KENYA—Cela commence par une lionne qui s’aventure dans la ville, agissant comme un leurre pour détourner l’attention des agents, alors que ses petits se sont hasardés dans l’une des casernes de l’armée.

Puis, quelques semaines plus tard, une horde de six lions franchit la clôture d’un pâturage, et tue plus de 120 chèvres et moutons. Un lion égaré, qui se retrouve sur une grande autoroute, blesse un homme avant de regagner le Parc National de Nairobi, situé à proximité la capitale du Kenya. 

Le 30 mars 2016, un célèbre lion baptisé Mohawk, qui se retrouve pris au piège et se fait persécuter par des badauds alors qu’il s’est aventuré à 32 kilomètres au sud de ce parc. Après qu’il s’est attaqué à l’un d’entre eux en réponse au harcèlement dont il est la cible,  l’animal trouve la mort, abattu par des rangers du parc.

Alors la question est la suivante : pourquoi tant de lions quittent le parc national de Nairobi ? Selon certains experts, le bruit et l’activité causés par la construction d’un nouveau chemin de fer et d’une autoroute en bordure du parc seraient en cause.

D’autres émettent l'hypothèse que les lions sont à court de proies, les poussant à chercher de la nourriture ailleurs.

Mais il s’agit vraisemblablement d’une combinaison de deux facteurs : en effet, la population de lions du parc a augmenté, de même que celle de la ville dynamique de trois millions d’habitants qui l’entoure.

Il y a désormais 35 lions vivant dans le parc, soit plus qu’il y en aurait eu dans le passé, indique Paul Gathitu, un porte-parole du Kenya Wildlife Service basé sur le parc. 

Alors que les lions sont connus pour évoluer dans un territoire d’une superficie supérieure ou égale à 400 kilomètres carrés, le parc national de Nairobi ne compte que 138 kilomètres carrés.

Et quand la faune et les humains s’affrontent, presque toujours, « la faune se retrouve perdante, » indique Luke Dollar, un biologiste de la conservation qui aide à gérer le projet Big Cat de National Geographic.

 

LE PÉRIPLE DE MOHAWK

« Dans le cas de Mohawk, le problème était avec la communauté, » explique Gathitu. 

Près d’Isinya, ville située à 20 kilomètres au sud du parc et à 57 kilomètres de Nairobi, alors que les habitants ont aperçu Mohawk rôder autour de la ville, ce sont plus de 400 personnes qui se sont réunies pour assister au spectacle. 

Un ranger abat un lion. En l’espace de deux mois, c’est le troisième accident impliquant des lions s’étant échappés de parcs nationaux situés à proximité de communautés.
PHOTOGRAPHIE DE Epa

Les rangers du parc ont stationné leurs véhicules en formant une ligne, de sorte à boucler la zone, tout en priant aux gens de rester en arrière. Mais selon Gathitu, certains ont continué à jeter des pierres à l’animal, à klaxonner et à lui crier dessus.

« C’était digne d’un film d’horreur, » se souvient Gathitu. « L’un d’entre eux a essayé de le poursuivre en moto, alors il s’en est pris à cette personne en moto et l’a mordu au dos. »

Alors que le lion se dirigeait vers d’autres individus, les rangers, qui n’avaient pas de fléchettes tranquillisantes sur eux, ont dû lui tirer dessus pour l’empêcher de blesser plus de personnes.

Il n’y avait rien d’anormal quant à l’endroit où se trouvait Mohawk ce jour-là. Il a été découvert se promenant le long d’une route migratoire, utilisée depuis des décennies par les lions et d’autres animaux.

Ce qui était anormal en revanche, c’était que quelques semaines auparavant, les lions avaient été vus en train de se disputer le territoire, dit Gathitu. À 13 ans, Mohawk n’était plus tout jeune. « Il s’est fait évincé par un mâle plus jeune. Dans le royaume des lions, quand vous êtes vaincu et que votre famille est prise en charge par un autre, vous partez. »

Dans les années 1950, les chercheurs ont établi que lorsque le nombre de lions du parc monte à environ 40, « ils commencent à se battre pour leur territoire, pénétrant dans le territoire des uns et des autres. »

 

DES LIONS QUI ONT LA BOUGEOTTE 

Qui plus est, les lions du parc national de Nairobi sont à l’aise avec les humains—et les routes.

« Il est plus facile de marcher sur les routes. On voit les animaux les emprunter constamment, » affirme Dollar.

Et il est tout à fait compréhensible que les lions du parc national de Nairobi ne soient pas effrayés par les véhicules ; chaque jour, les touristes se penchent par les fenêtres de leurs voitures pour prendre des photos des lions qui paressent, et souvent à seulement quelques mètres des animaux. 

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    Dans certains rapports de médias, les récentes rencontres avec les lions de Nairobi sont décrites comme des « évasions. » Cependant, il est bon de rappeler que le parc national de Nairobi n’est pas un zoo : tout le côté méridional du parc, celui situé à l’opposé de la ville proprement dite, n’est pas clôturé. 

    « Le mot « évasion » n’est définitivement pas approprié à la situation, » explique Anne Kent Taylor, conservatrice de la Réserve nationale sud du Masai Mara au Kenya, et boursière chez National Geographic. « Ils ne font que traîner dans le coin. Ils ne sont pas au fait de l’existence de frontières. »

    Les animaux ne voient pas les barrières de la même façon que les humains. « Les Lions ne vont pas à l’école primaire pour apprendre ce qu’est une clôture et qu’ils ne doivent pas la franchir, » dit Dollar.

    « Il y a un grand danger à anthropomorphiser et à s’insurger lorsque les lions ne se comportent pas de la même manière que les humains. D’ailleurs, pourquoi le devraient-ils ? »

     

    UN CONFLIT HUMAIN ET FÉLIN

    Après l’incident tragique avec Mohawk, les habitants de Nairobi se sont demandé si la vie du lion n’aurait pas pu être épargnée si les agents avaient été en possession de fléchettes tranquillisantes. Mais pour Kent Taylor, il ne s’agit pas de former les agents à mieux maîtriser les lions, mais plutôt de les former à traiter avec les gens.

    « Peut-être qu’il faudrait mettre l’accent sur le contrôle des foules, » explique-t-elle.

    Afin de prévenir de futures rencontres inopinées avec les lions, les rangers examinent des portions de la clôture du parc, là où il y en a une, à la recherche d’éventuelles brèches, et bloquent l’accès des conduits d’évacuation des eaux, comme celui qu’une lionne avait traversé dans les casernes de l’armée. 

    Mais alors que les lions du parc rôdent de façon systématique dans les rues encombrées de Nairobi, dit Dollar, « il est important que nous réalisions que les lions étaient là les premiers. »

    « Nous, en tant qu’humains, sommes les intrus. »
     

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