En ville, l’Homme communique son stress aux oiseaux

En milieu urbain, la raréfaction des oiseaux inquiète les scientifiques qui cherchent à comprendre l’impact des nuisances que la ville pourrait avoir sur les oiseaux.

De Margot Hinry
Publication 4 nov. 2021, 16:49 CET
Une fois par an, des dizaines de propriétaires de pigeons les lâchent depuis Barcelone. Grâce à ...
Une fois par an, des dizaines de propriétaires de pigeons les lâchent depuis Barcelone. Grâce à leur sens prodigieux de l'orientation, il retourne chez eux, en Belgique, en 24 h.

Dans une enquête du CNRS, des chercheurs.euses du centre d’étude de Chizé cherchent à comprendre les effets des nuisances urbaines sur les oiseaux. On y apprend notamment que certaines espèces ont pratiquement disparu de la ville de Paris, comme par exemple le Moineau domestique (Passer domesticus).

Cette enquête permet de pointer du doigt un phénomène actuel qualifié « d’hécatombe » par les scientifiques. Frédéric Anglier, biologiste et directeur de recherche au CNRS, insiste sur la pollution sonore qui perturbe la communication entre oiseaux, source de stress permanent. Les oiseaux sont en alerte et passent plus de temps à guetter le danger plutôt qu’à s’occuper correctement de leurs oisillons.

Laurent Godet, directeur de recherche au CNRS, explique à National Geographic comment la ville modifie le quotidien des oiseaux. « En ville, les oiseaux tendent à chanter à des fréquences plus élevées, plus fort et la structure de leur chant peut même être modifiée » ce qui a un effet sur leurs rythmes de vie. « Il est plus difficile pour un individu de trouver un partenaire, délimiter son territoire, détecter un prédateur ou encore de se faire entendre de ses parents pour les poussins ».

Le trafic routier, les nuisances sonores, la lumière, les composés chimiques relâchés dans l’atmosphère, toutes ces nuisances se combinent et viennent déranger les oiseaux de ville. Coraline Bichet, chercheuse au centre d’étude de Chizé, souligne que même si une ou plusieurs de ces perturbations disparaissait, elle pourrait toujours perturber les êtres vivants qui partagent notre environnement urbain. « Par exemple, la substitution totale des carburants au plomb est en vigueur en France depuis 2000. Et pourtant, on mesure toujours ce métal à des taux parfois très élevés chez les oiseaux des villes ».

Nuée d'oiseaux.

Nuée d'oiseaux.

PHOTOGRAPHIE DE Daniel Biber

OÙ SE CACHENT LES OISEAUX DE VILLE ?

Beaucoup d’oiseaux se sont adaptés à la ville, comme le Merle noir (Turdus merula) « qui était historiquement une espèce très forestière » ou le faucon pèlerin (Falco peregrinus) « qui utilise aujourd’hui de grands édifices pour nidifier » explique Laurent Godet. D’ailleurs, certaines espèces de pigeons prospèrent en ville et deviennent même encore plus nombreuses chaque année. Coraline Bichet l’explique, « il est possible que ces espèces soient plus tolérantes, plus flexibles et opportunistes et donc capables de s’adapter plus facilement aux contraintes et aux changements du milieu urbain ».

Mais qu’en est-il des oiseaux qui ne réussissent pas à s’adapter au milieu urbain ? Progressivement, les jeunes oiseaux vont choisir d’élargir leurs lieux de colonisation. « À terme, il peut ainsi y avoir, pour une même espèce, des populations urbaines et des populations rurales. De génération en génération, les populations urbaines et rurales pourront même se différencier par de nombreux critères. Il a par exemple été montré chez la Mésange charbonnière (Parus major) mais aussi d’autres espèces, que les populations urbaines ne chantaient pas à la même fréquence en ville et à la campagne ».

Dans d’autres cas, certains oiseaux périssent, à cause de l’activité humaine. Laurent Godet cite notamment les « collisions contre les immeubles vitrés ou les voitures, prédation par les animaux domestiques comme les chats » mais également une baisse de la reproduction. Les pesticides qui contaminent les insectes de villes sont ensuite ingérés par les oiseaux et peuvent agir, petit à petit, comme des perturbateurs endocriniens. « Sans un bon dosage des hormones de reproduction, les oiseaux ne sont plus capables de se reproduire et donc d’assurer la pérennité de la population » indiquent Coraline Bichet et Frédéric Anglier.

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    « L’enjeu pour l’Homme est avant tout sociétal : veut-on et peut-on vivre dans une ville privée de toute nature, sans végétation et sans animaux sauvages ? » demande la chercheuse du CNRS. Plusieurs études réalisées ces dernières années démontrent le bien-être qu’apportent les espaces naturels aux êtres humains. Une réduction du stress, un bien-être physique, une réduction de la fatigue…

    Selon les chercheurs du CNRS une des solutions serait de verdir nos villes, repenser les espaces pour s’adapter à tous les êtres vivants qui y vivent. « Laissons cette nature « déborder » partout où cela est possible » propose Laurent Godet. Le chercheur est persuadé que la solution serait de laisser la nature se développer en diminuant les facteurs connus d’érosion de la biodiversité, tout en acceptant les « nouveaux venus », sans « chercher à vivre dans des univers de plus en plus aseptisés ». « Certaines espèces se sont réfugiées en ville, car on a détruit leurs milieux ». 

    Pour préserver la biodiversité citadine, la ville doit continuer de développer ses espaces verts comme des vrais lieux de vie favorables aux espèces sauvages « en leur offrant […] le gîte et le couvert » conclut Coraline Bichet, rejointe par Frédéric Anglier. Pour être efficace, l’Homme doit planter des espèces variées et locales, opter pour « des coupes et fauchages résonnés, en dehors des périodes de reproduction pour ne pas détruire les nids des oiseaux » et également installer plus de nichoirs adaptés aux besoins des espèces.

    « En plus de cette connectivité, il faudrait privilégier la diversité des habitats : forêts, prairies, zones sèches et zones humides connectées avec des cours d’eau ».

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