Naissance rare d’un bisonneau blanc dans le parc national de Yellowstone

Extrêmement rares, les bisonneaux blancs sont au centre de nombreuses prophéties dans la culture amérindienne, leur naissance étant associée à une période de grands bouleversements.

De Jason Bittel
Publication 18 juin 2024, 12:13 CEST
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Ce bison femelle a donné naissance à un juvénile au pelage blanc en juin 2024, dans la vallée de Lamar, au sein du parc national de Yellowstone. Considérés « à la fois comme une bénédiction et un avertissement », les bisons blancs sont sacrés pour les peuples amérindiens.

PHOTOGRAPHIE DE Erin Braaten, Dancing Aspens Photography

Rares sont les naissances d’animaux sauvages à faire autant sensation, auprès d’un large public, que celle d’un bisonneau blanc d’Amérique photographié dans le Wyoming.

« Nous sommes à Yellowstone cette semaine et nous avons manqué la naissance d’un jeune bison blanc de quelques minutes ! », s’est exclamée la photographe Erin Braaten dans une publication Facebook le 4 juin dernier. La nouvelle a ensuite rapidement fait le tour du monde.

Les clichés montrant des animaux albinos, sable ou blonds, tels que des girafes, des tapirs, des singes, des pumas, des blaireaux, des grenouilles ou encore des serpents, fascinent souvent le public. Mais la naissance de ce jeune bison d’Amérique au pelage clair revêt une signification particulière pour les Amérindiens.

« Selon certaines prophéties, la naissance d’un bisonneau blanc est associée à une période de grands bouleversements », indique Jason Baldes, membre de la tribu des Shoshones de l’Est et directeur exécutif de la Wind River Tribal Buffalo Initiative. « Les histoires du peuple des Shoshones de l’Est chassant et pourchassant des bisons blancs sont vieilles de plus d’un siècle ».

Entre 30 et 60 millions de bisons peuplaient autrefois un territoire s’étendant de l’Alaska au Mexique. Au bord de l’extinction en 1884 avec seulement 325 individus, l’espèce a depuis été sauvée par les scientifiques et les conservationnistes. Pourtant, la majorité des 30 000 bisons qui arpentent aujourd’hui les États-Unis ne sont pas aussi libres et sauvages qu’il n’y paraît.

« Je pense que l’impulsion donnée à la restauration de la population de bisons d’Amérique et à leur conservation contribuera à la fois à faire prendre conscience de l’importance, non seulement du caractère sacré de ce bisonneau blanc, mais aussi de la question de l’existence [des bisons] en tant qu’animaux sauvages », souligne Jason Baldes, qui est également explorateur National Geographic.

 

UN BISONNEAU EXTRÊMEMENT RARE

Contrairement à des animaux comme les manchots, les bisons blancs n’ont pas fait l’objet d’études portant sur la fréquence de l’albinisme ou du leucisme chez l’espèce.

Un chiffre circule cependant en ligne, attribué à tort à la National Bison Association, selon lequel la naissance d’un bisonneau blanc concernerait une naissance sur 10 millions.

« À ma connaissance, il n’existe aucun registre digne de ce nom des naissances de bisons blancs », observe Jim Matheson, directeur exécutif de la National Bison Association. « Difficile donc d’en estimer l’occurrence ».

Mais pour la petite histoire, rares sont les bisons blancs à être nés au cours des dernières décennies, précise Robert Pickering, auteur du livre intitulé Seeing the White Buffalo (Le bison blanc). Et la plupart sont le résultat d’un croisement entre des bisons et des bovins de la race charolaise.

« L’attention que suscitent les bisonneaux blancs n’a pas échappé aux éleveurs de bisons », explique Jason Baldes. « Et ce n’est pas une bonne nouvelle en termes de conservation de l’espèce ».

Un constat que partagent Jim Matheson et la National Bison Association : « Notre code déontologique interdirait ce type de croisement », souligne le premier.

Il arrive aussi, plus rarement, qu’un bison soit blanc parce qu’atteint d’albinisme ou de leucisme, deux anomalies génétiques qui affectent la pigmentation. Les bisons albinos présentent des naseaux, des sabots ainsi que des contours des yeux roses. Les animaux atteints de leucisme ne sont blancs qu’en certaines zones de leur corps.

Dans son livre, Robert Pickering mentionne un bisonneau atteint d’un autre type de leucisme et observé dans le Wisconsin en 1994. Baptisé Miracle, l’animal est né avec une fourrure blanche, mais des yeux, des sabots et des naseaux noirs. Ce sont les individus présentant ces caractéristiques leucistiques qui sont évoqués dans les récits de nombreuses cultures amérindiennes, des Sioux aux Cherokees.

Selon Robert Pickering, le bisonneau né en juin 2024 semble présenter ces mêmes caractéristiques.

« Peut-être en sera-t-il de même avec ce jeune bison, mais ce qui était intéressant avec Miracle, c’est qu’elle est née avec un pelage blanc qui est devenu presque noir l’hiver venu ».

Encore plus étonnant, sa fourrure est passée du roux au blond au fil des saisons.

« Le rouge, le jaune, le noir et le blanc correspondent aux quatre couleurs sacrées des Lakotas », poursuit l’auteur. « C’était donc la preuve, dans un sens, que Miracle était un être spirituel ».

 

« UNE BÉNÉDICTION ET UN AVERTISSEMENT »

« La naissance de ce veau est à la fois une bénédiction et un avertissement », a confié Arvol Looking Horse, le chef spirituel des oyate (peuples) lakota, dakota et nakota du Dakota du Sud, à nos confrères de l’agence de presse Associated Press.

« Nous devons faire davantage », a déclaré Looking Horse, qui est le 19e gardien de la pipe de la femme au bisonneau blanc, un objet sacré pour son peuple.

Responsable du projet Bisons du programme de partenariats tribaux de la National Wildlife Federation et vice-président de l’InterTribal Buffalo Council, Jason Baldes œuvre pour le retour du bison dans les tribus qui le souhaitent.

« Nous, les Shoshones de l’Est, nous sommes proclamés les Gweechoondeka (Mangeurs de bisons), alors que cela fait plus de 130 ans que ces animaux ne font plus partie de notre régime alimentaire », explique-t-il.

« Aujourd’hui, la plupart des bisons vivent dans des ranchs et des troupeaux privés », dénonce-t-il. « D’un point de vue écologique, l’espèce a disparu ».

Pour y remédier, l’InterTribal Buffalo Council souhaite acheter des terres pour y relâcher des bisons. Pour l’heure, le conseil est parvenu à acquérir 25 000 bisons sauvages provenant de 65 troupeaux vivant sur des terres amérindiennes. Dans la réserve indienne de Wind River, Jason Baldes a récemment obtenu l’autorisation de transformer près de 7 000 hectares de pâturages en un habitat pour les bisons.

« Pour les tribus, la limite, c’est le plus souvent les terres », souligne-t-il.

Selon lui, relâcher des bisons dans la nature est essentiel, en raison de l’importance écoculturelle ancienne de cette espèce pour les tribus amérindiennes, mais pas uniquement.

« Les bisons favorisent la biodiversité végétale et animale. Ce devrait être une raison suffisante en soi », conclut-il.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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