Eugénie Clark : portrait de la plus célèbre biologiste marine

Pionnière dans la conservation du milieu marin et dans l’étude du comportement des requins, Eugenie Clark a permis au grand public de comprendre et d’apprécier une des espèces les plus incomprises du monde marin.

De Andrea Stone
Eugenie Clark examine les requins d’eau profonde de la baie de Suruga, au Japon.
Eugenie Clark examine les requins d’eau profonde de la baie de Suruga, au Japon.
PHOTOGRAPHIE DE David Doubilet

Née le 4 Mai 1922 à New York, Eugenie Clark était une ichtyologiste américaine mondialement connue pour ses travaux sur les organismes marins animaux —notamment les premiers « bébés-éprouvettes »— et plus particulièrement pour ses travaux sur les requins, grandement dépréciés et toujours peu connus du grand public. 

Passionnée par la faune marine depuis son plus jeune âge, Clark poursuit son rêve d’explorer les fonds marins en obtenant une licence en zoologie au Hunter College en 1942, un master puis un doctorat à l’université de New York.  

Pionnière dans l’utilisation du scaphandre autonome qui lui permet de réaliser des études scientifiques sous-marines, Clark est une plongeuse émérite avec plus de 70 plongées en eaux profondes à son actif.

« Elle n’a jamais dépassé cette fascination absolue d’observer ce qu’il se passe sous l’eau, » assure Doubilet, un photographe sous-marin qui a nagé aux côtés de Clark pour la majorité des douze articles qu’elle a écrit pour National Geographic. « Même quand j’étais plus jeune, je ne pouvais pas la suivre. Sous l’eau, elle se déplaçait à toute vitesse avec une fluidité impressionnante. »

Au Japon, Clark examine le ptérygopode d’un requin pélerin mâle.
Au Japon, Clark examine le ptérygopode d’un requin pélerin mâle.
PHOTOGRAPHIE DE David Doubilet

Avant que Clark ne commence ses recherches sur les requins dans les années 50, ces animaux étaient considérés comme étant à la fois sots et meurtriers. « Après quelques études, » dit-elle, « je commence à réaliser que ces "gangsters des profondeurs" ont souffert d’une mauvaise publicité. »

Si elle a fait avancer la recherche sur d’autres espèces marines — elle a notamment découvert plusieurs espèces qui pour certaines ont été nommées en son honneur— la plupart de ses travaux sont axés sur les requins et sur la dissipation de la peur à leur égard, tout particulièrement après la sortie du film Les Dents de la mer en 1975. Un de ses articles pour National Geographic a pour titre « Les Requins : des créatures magnifiques et incomprises. »

Clark a notamment découvert le premier répulsif anti-requin efficace : un poisson plat appelé Sole de Moïse qui vit dans la Mer rouge. C’est au Mexique, en se risquant dans les grottes sous-marines de la Péninsule du Yucatán qu’elle repère des requins dormeurs suspendus dans l’eau, une découverte bouleversante pour les scientifiques qui jusqu’alors pensaient que les requins devaient rester en mouvement pour respirer. 

« Sa contribution a été exceptionnelle, » assure Doubilet. 

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    En 1981, Clark est en mission pour National Geographic, à Isla Mujeres, au Mexique.
    En 1981, Clark est en mission pour National Geographic, à Isla Mujeres, au Mexique.
    PHOTOGRAPHIE DE David Doubilet

    Eugenie Clark est aussi un modèle de persévérance et de réussite pour la gente féminine. Après la Seconde Guerre Mondiale, alors qu’elle débute ses recherches, Clark est confrontée au sexisme institutionnel, la biologie marine étant, à l’époque, un domaine à prédominance masculine. Dans son autobiographie intitulée Lady With a Spear (1953), Clark raconte que c’est en entrant à l’Institut Océanographique Scripps à La Jolla, en Californie, qu’elle en a le plus souffert. Bien que cette misogynie limite drastiquement son champ d’implication dans certains travaux —comme quand elle se voit refusée les excursions nocturnes aux îles Galapagos— cela ne l’empêche pas, avec Sylvia Earle (une autre ichtyologiste) de devenir un modèle et un mentor pour toute une génération de biologistes marines. 

    Après un cours passage à la Wildlife conservation Society (La Société pour la Conservation de la Vie sauvage) et au Musée d’Histoire Naturelle de New York, Clark s’intalle en Floride pour y fonder le Laboratoire maritime de Cape Haze à Sarasota en 1955. Rebaptisée Laboratoire Maritime de Mote un peu plus tard, ce laboratoire qui étudie principalement les requins élargit son projet initial en intégrant d’autres préoccupations telles que la pêche sauvage, la restauration des récifs coralliens, la recherche biomédicale.

    En 1984, Clark nage aux côtés d’un crabe géant du Japon.
    En 1984, Clark nage aux côtés d’un crabe géant du Japon.
    PHOTOGRAPHIE DE David Doubilet

    « À cette époque-là, c’était très courageux de la part d’une jeune femme de se rendre dans un tel endroit et d’endosser de telles responsabilités, » raconte Kumar Mahadevan, ancien président du laboratoire de Mote qui reconnaît sa « capacité à communiquer avec le grand public et d’expliquer l’importance de l’exploration et de la préservation des océans et des espèces ».

    En 1968, Clark rejoint la faculté de l’Université du Maryland où elle enseigne la biologie marine jusqu’à sa retraite. 

    La « Shark Lady » est décédée le 25 février 2015 en Floride, à l’âge de 92 ans. 

    Doubilet, qui accompagnait Clark dans la Mer de Cortez alors qu’elle chevauchait un requin de de 15 mètres de long —le plus grand poisson des mers— se souvient qu’il pensait ne plus jamais la revoir. Si certains considèrent qu’il s’agissait de courage, selon elle, c’était une question de curiosité.

    Clark a reçu plus d’une douzaine de subventions de la part de la société National Geographic, lui permettant de faire plusieurs émissions spéciales, notamment pour la National Geographic Society. 

    Clark examine un bébé requin-baleine dans son laboratoire.
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    PHOTOGRAPHIE DE David Doubilet

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