Pourquoi les lucioles brillent-elles ?

La bioluminescence de ces insectes reste mystérieuse, mais une découverte génétique récente révèle de nouveaux éléments qui expliqueraient ce phénomène.

De Jason Bittel
Publication 11 mars 2024, 10:11 CET
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Des scientifiques ont étudié des mâles de l’espèce Aquatica leii, une luciole qui vit dans des rizières chinoises.

PHOTOGRAPHIE DE Xinhua Fu

Chaque été, on peut voir le ciel vespéral s’emplir de lucioles qui offrent un spectacle bioluminescent éthéré tout en nuances électriques de vert, de jaune, d’orange, voire même de bleu. La communauté scientifique répertorie plus de 2 000 espèces de lucioles, chacune pourvue d’un motif lumineux qui lui est propre et d’un organe luminescent de forme différente.

Comment ne pas se demander comment ces insectes luminescents font ce qu’ils font ? Les scientifiques se posent assurément la question… et ont désormais découvert deux gènes clés qui permettent ce phénomène. 

« Dans l’étude des lucioles, il y a deux joyaux », nous indique par e-mail Xinhua Fu, biologiste de l’Université agricole de Huazhong, en Chine.

Le premier est la vitesse à laquelle les larves des lucioles, qu’on appelle aussi vers luisants, transforment leurs organes luminescents en structures physiques complètement différentes lorsqu’elles atteignent l’âge adulte. L’autre est la précision avec laquelle les adultes contrôlent ces organes (surnommés lanternes) ; ils parviennent par exemple à les faire clignoter selon des motifs semblables à ceux de l’alphabet Morse lorsqu’un partenaire attirant se trouve dans les parages. 

Dans le cadre d’une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Communications, Xinhua Fu et son co-auteur Xinlei Zhu ont décodé le génome de la luciole aquatique (Aquatica leii), qui vit dans des rizières en Chine.

Ce faisant, leurs recherches se sont portées vers deux gènes clés responsables de la formation, de l’activation et du positionnement de l’organe luminescent de cette luciole : Alabd-B et AlUnc-4. Cela s’est avéré une surprise, car ces gènes, déjà connus pour leur rôle dans la croissance d’une luciole, n’avaient jamais été associés à la bioluminescence.

Selon Xinhua Fu, grâce à cette découverte, les scientifiques pourraient enfin comprendre comment ces coléoptères ont pu évoluer de sorte à acquérir la capacité à briller de mille feux.

Selon lui, il s’agit également d’un travail de recherche crucial, car les populations de lucioles s’effondrent à toute vitesse, et ce sur l’ensemble du globe. Dix-huit espèces sont désormais menacées d’extinction aux États-Unis, et bien plus encore dans le reste du monde, à cause de la combinaison de la pollution lumineuse, de l’usage de pesticides, de la destruction des habitats et d’autres facteurs.

 

LE SECRET DU SCINTILLEMENT DE LA LUCIOLE

Il s’avère que la luciole au centre de cette étude est chère à Xinhua Fu : c’est lui qui a découvert l’espèce en 2000 et il l’étudie depuis. Il en élève même une colonie en captivité dans son laboratoire, qui donne jusqu’à 600 000 lucioles par an. Cette population lui a permis d’étudier d’autant mieux la fenêtre de vingt-quatre heures qui suit la formation de la nymphe, moment où l’organe luminescent adulte se développe.

Lors de leur récente expérience, Xinhua Fu et Xinlei Zhu ont commencé à modifier le génome de ces insectes afin de voir quels effets produisaient l’inhibition ou l’élimination de certains gènes. Ils ont découvert que durant la pupaison, les gènes Alabd-B et AlUnc-4 de la luciole s’activent, ce qui a pour effet de déclencher le développement de la lanterne adulte à l’endroit prévu dans l’abdomen.

Syncronous Fireflies (Photinus carolinus) illuminate the lush forests Smoky Mountains National Park Tennesse USA July

Les lucioles Photinus carolinus illuminent les forêts du parc national de Great Smoky Mountains.

PHOTOGRAPHIE DE Nature Picture Library, Alamy Stock Photo

Jing Ke-Weng, biochimiste et directeur de l’Institut de l’interface plantes-humains de l’Université Northeastern de Boston, dit de cette étude qu’elle est « impressionnante » de par l’utilisation qu’elle fait d’outils et d’analyses génomiques avancés.

En outre, selon ce scientifique qui n’est pas impliqué dans les présentes recherches, cela pose des jalons qui permettront de comprendre comment l’ancêtre commun des lucioles a coopté ces deux gènes afin de produire de la lumière. 

Malgré tout, il reste de nombreuses difficultés à surmonter pour élargir ce champ de la recherche évolutive. Tout d’abord, il est bien plus compliqué d’élever des lucioles que des souris, des drosophiles et d’autres animaux communément étudiés, notamment à cause de leurs parades nuptiales complexes.

Ensuite, l’étude ne se limite pour l’instant qu’aux mâles d’une seule espèce, A. leii, ce qui signifie que le chemin évolutif dont il est question demeure encore relativement inexploré en ce qui concerne la moitié de la population : les femelles. Xinhua Fu a bien l’intention de remédier à cela en réalisant une étude de suivi.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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