Hippopotames, hyènes et fauves : la COVID-19 n’épargne pas les animaux
De nombreuses espèces sont susceptibles de contracter le coronavirus. La plupart des cas ont été détectés dans des parcs zoologiques.
En septembre dernier, six lions (certains individus photographiés ici en mai 2021) et trois tigres du parc zoologique national de Washington ont été testés positifs à la COVID-19. Les fauves figurent parmi les 15 espèces ayant contracté la maladie aux États-Unis.
Toux, léthargie et écoulement nasal : voici les symptômes plutôt ordinaires que présentaient Ngozi et Kibo, respectivement âgés de 22 et 23 ans, en novembre dernier. La cause en fut rapidement déterminée : ces pensionnaires du zoo de Denver, dans le Colorado (États-Unis), étaient les premières hyènes au monde testées positives à la COVID-19.
Cet événement, survenu près de 20 mois après le début de la pandémie, s’inscrit dans une tendance récente. Le 6 octobre dernier, un binturong (aussi connu sous le nom de « chat-ours ») et un chat viverrin ont été testés positifs au zoo de Chicago. La semaine suivante, c’est un coati qui a contracté le virus. Le 5 décembre, deux hippopotames d’un zoo belge sont également tombés malades. Tous ces animaux étaient les premiers individus connus de leur espèce à contracter le virus.
Les États-Unis comptabilisent désormais 315 animaux, appartenant à 15 espèces différentes, qui ont été infectés par le SARS-CoV-2, le virus responsable de la COVID-19. Outre les animaux cités ci-dessus, la liste comprend également des chats, des chiens, des tigres, des lions, des panthères des neiges, des gorilles, des loutres, un puma, un furet et des cerfs de Virginie. (Sont exclus du total les visons infectés, qui vivent presque exclusivement dans des élevages pour leur fourrure.)
Quels sont les animaux susceptibles d’attraper le virus ? Quel impact la maladie a-t-elle sur eux (et sur nous) ?
DES ANIMAUX PLUS VULNÉRABLES QUE D’AUTRES
Les cas de COVID-19 chez les animaux ont principalement été enregistrés chez des Carnivores. Les Carnivores appartiennent à un ordre de mammifères qui inclut les félins sauvages et domestiques, les chiens et les loups, les ours et d’autres espèces. Le terme générique « carnivore » désigne tout animal qui se nourrit principalement de viande. Par exemple, les requins sont carnivores, mais n’appartiennent pas à l’ordre des Carnivores.
La hyène, le binturong, le coati et le chat viverrin sont tous des Carnivores. C’est également le cas des chats domestiques et des fauves, qui ont été testés positifs à la COVID-19 depuis le début de la pandémie.
Pour Elizabeth Lennon, vétérinaire à l’école de médecine vétérinaire de l’université de Pennsylvanie, cela ne veut pas forcément dire que les Carnivores sont plus susceptibles de contracter le virus ; les données sont, pour l’heure, insuffisantes pour l’affirmer.
C’est néanmoins une tout autre histoire pour les fauves. Selon le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA), 90 ont été testés positifs rien qu'aux États-Unis. « Si vous regardez la situation dans tous les zoos, vous pouvez dire avec assurance que les fauves sont plus susceptibles de contracter la maladie », souligne la vétérinaire.
L’IMPACT DES VARIANTS
Prenons le cas des souris : bien qu’elles ne soient pas infectées par le virus SARS-CoV-2 sous sa forme originelle, nous savons qu’elles peuvent l’être par le variant Beta.
Avec l’émergence de variants chez l’Homme, le virus pourrait élargir son éventail d’hôtes, en mutant pour infecter davantage d’espèces et en circulant « silencieusement » parmi eux, ce qui créerait un nouveau réservoir, explique Diego Diel, maître de conférence et directeur du laboratoire de virologie à l’école de médecine vétérinaire de l’université Cornell.
L’inverse est également vrai. Selon Diego Diel, les nouveaux variants pourraient être sans danger pour certaines espèces. « En se transmettant plus efficacement parmi les humains, le virus pourrait avoir plus de mal à infecter les animaux ».
Pour l’heure, rien ne prouve, à l’exception des visons, que des espèces, et notamment les animaux de compagnie, peuvent transmettre le virus à l’Homme, ou que des variants ont émergé suite à une mutation survenue chez une autre espèce.
DES FORMES GÉNÉRALEMENT PEU GRAVES
La plupart des animaux aux États-Unis, notamment les hyènes Ngozi et Kibo, ne présentaient que de légers symptômes et se sont complètement remis.
Les cas les plus graves ont été enregistrés chez les panthères des neiges et les visons. Au zoo Lincoln pour enfants, dans le Nebraska, trois panthères des neiges sont mortes en novembre dernier des suites de complications liées à la COVID-19. Nous ignorons si elles souffraient de pathologies sous-jacentes. Plusieurs milliers de visons sont également morts dans 17 élevages pour leur fourrure dans l’Utah et d’autres États américains. Des millions d’autres ont dû être euthanasiés dans des élevages situés au Danemark et aux Pays-Bas.
Buddy, le premier chien testé positif à la COVID-19 aux États-Unis, est mort en juillet. Il avait probablement un lymphome, qui aurait pu jouer un rôle dans son décès.
ÉTUDIER LA COVID-19 CHEZ LES ANIMAUX EST IMPORTANT
« À partir du moment où plusieurs espèces peuvent contracter et transmettre le virus, les répercussions en matière de stratégies de contrôle et de prévention sont importantes », remarque Diego Diel. C’est pourquoi il est essentiel d’identifier quelles espèces sont susceptibles de devenir un réservoir pour le virus.
« Les animaux posent des risques différents et inconnus », déclare Elizabeth Lennon, avant d’ajouter : « Il est primordial de maintenir cette surveillance chez de nombreuses espèces différentes, car le virus est largement répandu », ce qui augmente l’exposition et la transmissibilité.
LE RISQUE DE PROPAGATEURS « SILENCIEUX »
Pour Diego Diel, le nombre d’animaux ayant contracté la COVID-19 aux États-Unis dépasse sans doute les 315 cas enregistrés. En l’absence de symptômes, les animaux sont rarement testés et cela peut compliquer l’identification d’éventuels propagateurs silencieux, ces animaux qui peuvent contracter le virus et le transmettre sans jamais présenter le moindre symptôme.
Le cerf de Virginie est l’une des espèces que les scientifiques surveillent de près. Cette année, une étude basée sur des analyses sanguines de plus de 600 cerfs vivant dans quatre États américains a révélé la présence d’anticorps dirigés contre le coronavirus dans près de 40 % des prélèvements. Le mois dernier, trois cerfs ont été testés positifs à la COVID-19 au Québec. Aucun animal ne semblait malade.
Rien ne prouve que les cerfs peuvent transmettre le virus à l’Homme ou à d’autres espèces. Cependant, le spectre d’un réservoir silencieux donne matière à réflexion chez les scientifiques. « C’est pour cela que tout le monde a été très inquiet au sujet de ces études sur les cerfs », reconnaît Elizabeth Lennon. Lorsqu’un virus se propage sans que l’on s’en aperçoive, voire mute au sein d’une importante population animale, « le contrôler et l’éradiquer devient beaucoup plus difficile », ajoute-t-elle.
LES ANIMAUX DES PARCS ZOOLOGIQUES LES PLUS TOUCHÉS
Le zoo du Bronx, où les premiers tigres et lions ont été testés positifs en avril 2020 ; le Zoo Safari Park de San Diego, où le premier gorille a contracté la COVID-19 en janvier 2021 ; et le zoo Lincoln pour enfants où les trois panthères des neiges sont mortes, sont tous membres de l’Association des zoos et aquariums (AZA), une organisation américaine à but non lucratif qui établit les normes en matière de soins et de sécurité des animaux.
Grâce aux protocoles vétérinaires particulièrement rigoureux de l’AZA, les soigneurs sont plus à même de déceler des maladies chez les animaux et de procéder à des tests, souligne Dan Ashe, président de l’ONG. « Ils surveillent en permanence les animaux. Si quelque chose cloche, ils se posent des questions », indique-t-il.
Les vétérinaires de plusieurs zoos agréés par l’AZA dont certains animaux ont été testés positifs confient que le personnel doit porter des équipements de protection individuelle et minimiser les contacts rapprochés avec les animaux. « Nos membres ont pris de nombreuses mesures de protection, mais il y a encore des cas », remarque Dan Ashe. « Il est donc difficile à croire que cela ne se produit pas dans d’autres établissements où les contacts sont beaucoup plus nombreux ».
LA SITUATION DANS LES PETITS ZOOS, LA GRANDE INCONNUE
De nombreux petits zoos, à l’image de ceux mis en avant dans la série Netflix Tiger King, proposent de caresser des animaux, notamment des lionceaux et des tigreaux, des espèces reconnues comme susceptibles de contracter le coronavirus. Ces zoos doivent être autorisés par l’USDA pour montrer les animaux ; ils ne sont cependant pas agréés par l’AZA, qui interdit tout contact entre les fauves et le public.
Outre les normes de soins fixées par l’USDA bien moins rigoureuses que celles de l’AZA, ces zoos sont connus pour leurs soins vétérinaires et leurs protocoles de sécurité laxistes. Combien de fauves vivant dans ces petits zoos ou établissements où l’on paie pour caresser des jeunes ont-ils été testés positifs au virus ou en sont-ils morts ? Nous l’ignorons.
« Je pense que le risque est élevé » dans les petits zoos, estime Diego Diel. « Pour transmettre le virus, il faut un contact rapproché. Dès qu’un grand nombre de personnes est en contact avec les animaux, le risque augmente », conclut-il.
CONTINUER DE SURVEILLER ET D’APPRENDRE
La COVID-19 est une maladie qui touche principalement l’Homme. Mais pour Elizabeth Lennon, le nombre grandissant d’espèces susceptibles de contracter le virus pourrait constituer un appel à l’action. « Nous devons surveiller différentes espèces et les nouveaux variants » comme Omicron, souligne-t-elle. « Depuis le début, ce virus nous surprend tous à chaque instant… Nous ne pouvons pas baisser la garde, nous devons continuer d’apprendre ».
COMMENT PROTÉGER LES ANIMAUX ?
1. Si vous êtes positif à la COVID-19, isolez-vous de vos animaux de compagnie, comme vous le feriez avec d’autres personnes. Si votre animal semble malade, contactez votre vétérinaire.
2. Ne touchez pas et ne vous approchez pas trop près des fauves dans les zoos où l’on peut caresser les animaux pour éviter de transmettre le virus. Nous savons que les tigres et les lions sont susceptibles de contracter la COVID-19. (Les établissements qui proposent de caresser de jeunes tigres et lions posent également d’autres risques pour les animaux.)
3. Faites-vous vacciner si ce n’est pas encore le cas. La vaccination réduit la propagation de la COVID-19 en protégeant les humains et les animaux.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.