Ces fourmis utilisent la lumière de la lune pour retrouver leur chemin

Contrairement à beaucoup d'autres espèces de fourmis, les fourmis bouledogues du genre Myrmecia midas ne semblent pas communiquer par signaux chimiques. Chaque fourmi trace son propre chemin.

De Jason Bittel
Publication 1 août 2024, 09:18 CEST
Les fourmis bouledogues australiennes (Myrmecia midas, ci-dessus) collectent de la sève à la nuit tombée. De ...

Les fourmis bouledogues australiennes (Myrmecia midas, ci-dessus) collectent de la sève à la nuit tombée. De nouvelles recherches suggèrent qu'elles utilisent la lumière polarisée de la Lune pour retrouver leur chemin.

PHOTOGRAPHIE DE Ajay Narendra

Au coucher du soleil, près de l'agglomération de Sydney, en Australie, des fourmis bouledogues sortent de leur nid et se dirigent vers les arbres.

Une fois arrivées, les fourmis attaquent les autres insectes et arthropodes, tout en collectant de la sève et d'autres ressources, avant de retourner à leur nid avant l'aube, rapportant fièrement leur butin.

Mais contrairement à beaucoup d'autres espèces de fourmis, qui suivent simplement les odeurs laissées par leurs sœurs, les fourmis bouledogues du genre Myrmecia midas ne semblent pas communiquer par signaux chimiques. À la place, chaque fourmi trace son propre chemin.

Et cela soulève une question intéressante : comment les fourmis bouledogues nocturnes retrouvent-elles le chemin vers leur nid dans le noir ?

« Cela a toujours été un mystère », reconnaît Cody Freas, neuroéthologue à l'université Macquarie, en Australie.

Une nouvelle étude semble enfin faire la lumière sur cette énigme : les fourmis bouledogues utilisent la lumière polarisée de la Lune comme un compas nocturne.

 

LE PHÉNOMÈNE DE LA POLARISATION

Alors que l'œil humain est sensible à certaines longueurs d'onde de la lumière émise par le Soleil et les étoiles ou réfléchie par la Lune, la partie supérieure des yeux de la fourmi bouledogue peut voir un phénomène dans le ciel qui est invisible pour nous : la lumière polarisée. Ce phénomène est visible même lorsque les corps célestes sont cachés par les nuages.

En manipulant la lumière à l'aide d'un filtre placé sur les fourmis lorsqu'elles retournent à leur nid dans la nature, les scientifiques ont pu montrer que les insectes suivaient ce signal et effectuaient des corrections de trajectoire en temps réel, au lieu de se déplacer sur la base d'un souvenir de leur position.

Le filtre « modifie pratiquement tout le ciel au-dessus d'eux », explique Freas, qui est l'auteur principal de l'étude, récemment publiée dans la revue eLife.

Les fourmis ont démontré qu'elles étaient capables de se déplacer avec l'aide de la lumière polarisée de la Lune même pendant un croissant de lune, alors que le signal lumineux atteint à peine 20 % de l'intensité d'une pleine lune, qui elle-même produit une lumière un million de fois moins intense que la lumière du Soleil.

Alors que les scarabées bousiers sont connus pour utiliser la lumière polarisée de la Lune et même des étoiles pour faire rouler leurs boules en ligne droite, c'est la première fois qu'un animal ou un insecte est vu en train de se déplacer grâce à la lumière polarisée de la Lune pour aller vers un endroit spécifique, leur fourmilière.

 

LE DÉFILÉ DES FOURMIS BOULEDOGUES

Si l'étude est la première à documenter l'utilisation par les fourmis de la lumière polarisée pour les déplacements nocturnes, les scientifiques avaient depuis longtemps l'intuition que la Lune était une de leurs adjuvantes.

« Le fait que l'on observe une augmentation de 20 % du nombre de fourmis lorsque la Lune est pleine, par rapport à la nouvelle lune, lorsque le ciel est beaucoup plus sombre, constitue un indice important », explique Freas, en se référant à une étude antérieure portant sur des fourmis M. pyriformis étroitement apparentées.

Cela suggère que les fourmis bouledogues voient mieux lorsque la lumière de la Lune est plus forte.

Il est intéressant de noter qu'en dépit d'un déplacement de vingt-trois mètres sur le sol dans l'obscurité, presque toutes les fourmis parviennent à regagner leur nid. En fait, dans toutes ses observations de fourmis bouledogues, il n'a remarqué qu'une seule fourmi manquant à l'appel.

« Elles vivent une année, et elles vont généralement au même arbre chaque nuit. Alors le chemin ne change pas d'une nuit à l'autre », pointe Freas. « Cela suggère, du moins à mes yeux, qu'elles sont très doués pour rentrer chez elles. Il y a très peu de chances de se perdre ou de rencontrer un prédateur nocturne. »

Les fourmis bouledogues sont considérées comme assez fougueuses, surtout lorsqu'elles sont dérangées par des humains, ce qui peut également dissuader d'autres prédateurs. Cody Freas explique que les plus grosses fourmis bouledogues peuvent mesurer plus de deux centimètres de long et qu'elles sont capables de piquer les scientifiques un peu trop curieux à travers leurs gants - et il parle d'expérience.

« Si vous vous déplacez alors que vous êtes à proximité du nid, elles se concentreront sur vos mouvements et continueront à vous poursuivre sur plusieurs mètres », explique-t-il.

 

"CHASSER DES FOURMIS DANS LE NOIR"

Les chercheurs ayant déjà découvert que les bousiers s'orientent la nuit grâce à la lumière polarisée, il n'est pas très surprenant de trouver la même capacité chez un autre insecte. En fait, il est probable qu'un nombre encore plus important d'insectes s'oriente ainsi sans que nous le sachions.

Le problème, c'est qu'il faut un bon comportement qui permette de le tester, explique James Foster, neuroéthologue à l'université de Constance, en Allemagne, qui étudie les bousiers.

Par exemple, lorsque les bousiers collectent leur petite boule d'excrément, ils essaient de les faire rouler à l'écart de leurs concurrents aussi rapidement et efficacement que possible. En général, cela signifie une ligne droite.

De même, les fourmis bouledogues qui rentrent chez elles après une nuit de recherche de nourriture ont un comportement reproductible qui a permis aux scientifiques de tester leur théorie. Mais il y a une grande différence entre les deux insectes.

Les bousiers « n'ont pas besoin de trouver un endroit précis », explique James Foster, qui a examiné l'étude pendant le processus de publication. « En revanche, ces fourmis doivent trouver leur chemin avec une grande précision ». L'exploit des fourmis bouledogues est donc encore plus impressionnant.

L'autre grande différence ? Les bousiers ne mordent pas.

« Je n'ose imaginer à quel point ces expériences étaient difficiles à réaliser, en chassant les fourmis dans l'obscurité », déclare James Foster.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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