Ce rongeur peut survivre 18 minutes sans oxygène

Ce curieux animal peut supporter de passer plusieurs heures dans un environnement au taux d’oxygène très bas et peut survivre jusqu’à dix-huit minutes en anoxie, c’est-à-dire en étant totalement privé d’oxygène.

De Rachel Brown
Publication 24 déc. 2024, 10:40 CET
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La peau flasque du rat-taupe nu l’aide à creuser des terriers (ici, un spécimen photographié en Afrique du Sud).

De l’araignée paon (Maratus volans), qui arbore les couleurs de l’arc-en-ciel, au guépard et ses célèbres taches, les merveilles de l’évolution ont produit des animaux à la beauté extraordinaire.

Peu oseraient dire que le rat-taupe nu (Heterocephalus glaber), dépourvu de pelage, doté de de dents proéminentes et d’yeux plissées, est l’un d’eux.

Apparence mise à part, ce rongeur africain ridé a d’autres raisons d’impressionner, notamment par sa capacité à résister au cancer et par son incapacité à éprouver la douleur. 

Une étude publiée en 2017 a montré que ce mammifère, qui vit dans des terriers très densément peuplés, peut supporter de passer plusieurs heures dans un environnement au taux d’oxygène très bas et peut survivre jusqu’à dix-huit minutes en anoxie, c’est-à-dire en étant totalement privé d’oxygène.

Ces recherches montrent que le rat-taupe nu possède un mécanisme tout à fait inhabituel qui lui permet de suspendre sa respiration aérobie et de commencer à métaboliser du fructose, un sucre présent dans les plantes, quand ils est privé d’oxygène.

Cela fait de lui le seul mammifère connu à entrer dans un état d’animation suspendue pour pouvoir survivre lorsqu’il est privé d’oxygène.

 

UN PROBLÈME PRESSANT

Vivant dans des tunnels mal ventilés avec des centaines d’autres animaux, le rat-taupe nu doit souvent composer avec des taux de dioxyde de carbone élevés pouvant atteindre 10 %, un taux létal pour les humains.

Quand cela se produit, le rat-taupe nu perd conscience, voit son rythme cardiaque décélérer et sa respiration s’arrêter. Mais quand l’oxygène revient, l’animal recommence à respirer en l’espace de quelques instants et ne tarde pas à reprendre ses activités sans avoir subi aucun effet néfaste.

Le rat-taupe nu, spécialiste de la survie

Pour en savoir plus sur la façon dont les rongeurs accomplissent cette mini-hibernation, des scientifiques comme Thomas Park de l’Université de l’Illinois à Chicago a soumis des rats-taupes nus à des conditions de faible oxygénation en laboratoire. Après avoir euthanasié les animaux, l’équipe a examiné leur cœur et leur cerveau et a découvert que du fructose s’était propagé en grandes quantités dans leur sang de ces derniers, qui était ensuite envoyé vers le cerveau au moyen de minuscules « pompes » à fructoses, puis métabolisé.

Normalement, l’anoxie entraîne une accumulation de fructose qui endommage les tissus, mais le rat-taupe nu est capable de convertir cet excès en carburant utilisable.

Plus surprenant encore est le fait que les chemins génétiques nécessaires pour que le cœur et le cerveau brûlent du fructose sont présents dans toutes les cellules mammifères, y compris les nôtres.

Bien que le fructose soit généralement toxique, nous en métabolisons dans nos reins et dans notre foie. Les rats-taupes nus possèdent quant à eux les enzymes qui leur permettent d’assimiler le fructose partout dans leur corps, y compris dans le cœur et dans le cerveau. 

« Le métabolisme est relativement plastique », observe Gary Lewin, du Centre Max-Delbrück de médecine moléculaire à Berlin, auteur de l’étude et neurobiologiste. « Donc il est peut-être possible de trouver des moyens – en introduisant génétiquement un véhicule ou en utilisant un médicament pour entraîner des cellules – de pousser les cellules humaines dans la direction qui leur fera métaboliser du fructose. »

 

UNE SOLUTION ÉLÉGANTE ?

Le recours au fructose pour continuer de faire fonctionner les cellules en l’absence d’oxygène pourrait aider les personnes qui souffrent de cardiopathies et d’AVC, des pathologies qui privent le cerveau d’oxygène.

« Nous pourrions apprendre à activer ces enzymes dans le cœur et dans le cerveau de patients à risque en ce qui concerne les cardiopathies ou les AVC et leur donner un peu de fructose au cas où cela se produirait [afin de prévenir les dégâts faits aux tissus] », explique Jane Reznick, co-autrice de l’étude et biologiste moléculaire au Centre Max-Delbrück. « C’est possible, car tous les chemins sont là, ils sont seulement inhibés. » Toutefois, le chemin est encore long.

Les chercheurs ne savent toujours pas d’où provient le fructose qui alimente ce mécanisme. Les rats-taupes le produisent-ils durant l’anoxie ou est-il stocké ailleurs. De plus, la capacité des humains à se servir de ce mécanisme demeure largement incertaine.

Mais Jane Reznick est optimiste. « Vous êtes complètement déconcertée, tout semble si contradictoire, déclare-t-elle. Mais ensuite, on arrive petit à petit à cette solution très surprenante mais assez élégante. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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