L’hoazin, ce drôle d’oiseau qui rumine comme une vache

Il pourrait tout aussi bien venir d’une autre planète. L’hoazin, un oiseau coloré qui peuple les forêts d’Amérique du Sud, se nourrit de feuilles, rumine comme une vache et, lorsqu’il est poussin, marche à quatre pattes comme une salamandre.

De Manon Meyer-Hilfiger
Photographies de Anick Abourachid, MNHN
Publication 27 sept. 2023, 16:27 CEST
L’hoazin, un oiseau coloré qui peuple les forêts d’Amérique du Sud, dans leur milieu naturel au ...

L’hoazin, un oiseau coloré qui peuple les forêts d’Amérique du Sud, dans leur milieu naturel au Venezuela. 

 

PHOTOGRAPHIE DE Anick Abourachid, MNHN

En Amérique du Sud, il est tout à fait possible d’entendre parler de « vaches volantes » en dehors des contes pour enfants : c’est le surnom de l’hoazin, un drôle de volatile bariolé, aux yeux rouges cernés de bleus. Il doit ce curieux sobriquet à une caractéristique unique :  cet oiseau rumine comme un bovidé. Perché dans les branches, il cueille des feuilles, les roule en boule dans son bec, puis les avale. 

Dans un jabot surdimensionné, une poche de l’œsophage qui représente près de 10 % de son poids, les feuilles fermentent, parfois pendant près de 48h, grâce à des colonies microbiennes. Cela vaut d’ailleurs à cet oiseau d’autres surnoms : « dinde pestilentielle » ; « oiseau puant »…  car sa longue digestion provoque gaz et mauvaises odeurs. L’hoazin sent le fumier. Pas de quoi, pourtant, refroidir la volonté des scientifiques. Ces derniers ont observé ces volatiles aux plumes marrons, noires et blanches au Venezuela, au Pérou mais aussi en Guyane et en Équateur. « Dans certains endroits, ils sont aussi courants que des pigeons à Paris ! 

Les hoazins restent au-dessus de fleuves, perchés sur des épineux. De quoi compliquer le travail des chercheurs, mais c’est une manière pour eux de se protéger des agressions extérieures » relève Anick Abourachid, professeure au Muséum d’histoire naturelle de Paris, et autrice d’une étude sur ces oiseaux, parue dans la revue Sciences Advances

Car les hoazins, au contraire des autres oiseaux, peuvent moins facilement compter sur la fuite à tire d’aile face à un prédateur. Parce que les feuilles sont peu nourrissantes, que leur estomac occupe de l’espace et réduit la place disponible pour les muscles, l’hoazin vole peu et maladroitement. Il passe plutôt son temps à « brouter », et à digérer, perché sur sa branche...

L’hoazin, un oiseau coloré qui peuple les forêts d’Amérique du Sud, dans leur milieu naturel au Venezuela. 

PHOTOGRAPHIE DE Anick Abourachid, MNHN

Ce n’est pas sa seule excentricité. Leurs petits, nourris d'une bouillie de feuilles prédigérée par les adultes, ressemblent à l’image que l’on se fait des dinosaures. « Les poussins ont des griffes sur leurs ailes, qui leur permettent de grimper aux troncs des arbres » ajoute Anick Abourachid. 

En cas d’attaque de prédateur, le petit hoazin se jette dans le fleuve en dessous du nid, nage jusqu’à trouver un abri, puis regagne finalement son nid grâce à ses griffes. À ce moment-là, l’oisillon se met à marcher à quatre « pattes », de façon coordonnée : patte droite, aile gauche, patte gauche, aile droite. Comme une salamandre. Un fait étonnant puisque « les oiseaux battent toujours des deux ailes en même temps pour se déplacer, sauf les bébés hoazins ». Cette capacité est éphémère : à l’âge adulte, les griffes des petits tombent, et l’hoazin utilise alors ses ailes comme tous les oiseaux, avec des battements synchrones des deux ailes.

Comment expliquer cette bizarrerie de la nature ? Pourquoi l’hoazin a-t-il évolué de la sorte, à savoir marcher comme un quadrupède quand il est oisillon, et ruminer comme un bovidé ? Son histoire est pleine de mystères. 

« Sa lignée est différente de tous les autres oiseaux depuis très longtemps » souligne la scientifique - sans doute depuis la disparition des dinosaures il y a plus de 60 millions d’années. L’hoazin est le seul oiseau qui ne possède aucune espèce cousine encore vivante. Et les quelques fossiles connus ne permettent pas d’expliquer ces mystères. Les chercheurs n’ont par exemple pas retrouvé de fossiles qui permettraient de savoir depuis quand les oisillons savent marcher à quatre pattes. 

Est-ce une capacité qui descend directement, sans discontinuité, des dinosaures ? Est-elle réapparue plus tard ?  Des questions pour l’instant sans réponse. Ainsi, tant qu’il restera assez de forêt à peupler (avec la déforestation galopante, l’habitat des hoazins ne cesse de se restreindre), l’oiseau à l’allure préhistorique, seul sur sa branche évolutive, continuera de défier notre curiosité, tranquille comme une vache dans son pré.

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