La vipère heurtante, un serpent plus rapide que dangereux ?
Ce serpent souffre d’une image de dangereux prédateur alors qu’il est en fait relativement placide et craintif, sauf quand il se sent en danger.
Vipère heurtante.
« Les vipères heurtantes sont magnifiques ! Comme les autres Bitis, dommage que leur venin soit presque le seul intérêt qu’elles suscitent » regrette Xavier Bonnet, directeur de recherche au CNRS.
La vipère heurtante (Bitis arietans) est une espèce de serpent de la famille des Viperidae qui se développe dans près de l’entièreté de l’Afrique subsaharienne, dans les savanes arborées ou les grandes prairies. Elle est venimeuse et s’attaque très rapidement à ses proies qui peuvent être des mammifères tels que des rongeurs, de petits oiseaux ou encore des amphibiens.
Parmi environ 4 000 espèces identifiées, la vipère heurtante se dénote par sa rapidité de frappe : 2,6 m/sec, c’est le temps qu’il faut à ce serpent pour attaquer sa proie. La vipère mesure 1,50 mètres de long en moyenne, même si les mâles peuvent atteindre jusqu’à deux mètres, et elle possède deux crochets de 5 à 6 centimètres environ.
« Les vipères sont des animaux qui ont une mauvaise réputation, alors qu’elles sont généralement assez placides. Vous pouvez marcher sur des vipères heurtante à l’affût ou qui se reposent, elles ne mordront pas facilement, ce qui est assez surprenant ! Elles soufflent pour avertir qu’elles sont présentes » explique Xavier Glaudas, chercheur associé à l'Université de Witwatersrand, Johannesburg en Afrique du Sud.
« Elle a une posture de défense assez spectaculaire. Elle met sa tête en U et souffle, ce qui fait beaucoup de bruit. Le signal est particulièrement clair. C’est un pur mécanisme de défense, elle avertit qu’elle est dangereuse, pour qu’il n’y ait pas de méprise face à un prédateur, pour signaler [de la laisser tranquille] » ajoute Xavier Bonnet.
Les experts s'accordent à dire que la vipère heurtante reste dangereuse et que sa morsure peut être mortelle, même si c'est dans une moindre mesure en comparaison avec d’autres serpents nettement plus dangereux. « Ce n’est pas du tout le serpent le plus dangereux dans le monde. Les risques de se faire mordre sont faibles. Il faut la chercher ou alors ne vraiment pas avoir de chance. Si l’on marche sur une vipère heurtante que l’on n’a pas vu, logiquement, elle ne mord pas, mais ça peut arriver. La plupart des morsures arrivent quand les gens leur tapent dessus, elles se défendent pour survivre. »
DIFFÉRENTES TECHNIQUES D’ATTAQUES FURTIVES
Les vipères heurtantes chassent le plus souvent de nuit, à partir du moment où le soleil commence à se coucher. « Lorsque le soleil se couche, la vipère va sortir de son repère pour se mettre à certains endroits assez exposés » précise Xavier Glaudas.
Elles se camouflent sous de la litière, dans des feuilles mortes, des herbes sèches. Lorsqu’elles cherchent une proie, elles se déplacent « dans l’habitat en reniflant avec leur langue ». Grâce à leur langue bifide « elles sont capables de récupérer des molécules laissées par des proies potentielles. Les rongeurs par exemples, ils utilisent souvent les mêmes voies pour se déplacer » explique le chercheur. Elles captent ces fameuses données et après analyse, décident du meilleur endroit pour s’installer, à l’affût de leur proie.
L’attaque est rapide, mais la technique peut varier selon la taille de la proie. Soit la vipère décide d’attaquer, de mordre et de relâcher la proie pour la laisser mourir puis l’ingérer, soit elle attaque et tient la proie jusqu’à ce qu’elle meure dans sa mâchoire.
Quant à son venin, « des études ont prouvé que les serpents prennent des décisions sur la quantité de venin à injecter en fonction des proies » révèle l’herpétologiste. Les serpents venimeux prendraient cette décision pour économiser leur énergie au mieux. « D’un point de vue énergétique, le serpent va l’injecter avec parcimonie ».
Enfin, il existe la technique du « leurre de la langue », analysée par Xavier Glaudas et une équipe de chercheurs dans le cadre d’une étude financée par National Geographic, il y a plusieurs années de cela. « On s’est rendu compte grâce à la bande-vidéo qu’elle mangeait aussi beaucoup de crapauds. Une des façons de chasser les crapauds était de sortir la langue, sans faire d’autres mouvements. Lorsque le crapaud aperçoit la langue de la vipère heurtante, il la prend pour une sorte de proie potentielle. Donc ça l’intrigue, il se rapproche de la vipère et puis il se fait prendre ! » témoigne le chercheur.
La langue est un appât pour que le crapaud soit à moins de « 30-40 centimètres maximum de la vipère, qui elle, est bien camouflée. C’est une stratégie pour s’assurer que le crapaud vienne bien à elle ».
« Tous les serpents qui ont été testés sont tous très rapides. Mais très peu d’espèces ont été étudiées. Il y a pratiquement 4 000 espèces de serpents dans le monde, il y en a peut-être une dizaine qui ont été étudiées. La plupart des serpents sont relativement rapides quand ils déclenchent une attaque, la vipère heurtante est peut-être juste un peu plus rapide que les autres » précise Xavier Glaudas.
L'espèce n’est pas considérée comme en danger d'extinction, bien que d’après Xavier Bonnet, « toutes les espèces de serpents à peu de choses près, sont en danger. C’est mal compté parce qu’il n’y a pas de suivi de populations précis. Mais nos collègues qui travaillent en Afrique constatent des baisses de populations. La principale cause de la disparition de la biodiversité dans le monde, de loin, c’est la destruction des habitats, avant le réchauffement climatique qui ne fait qu’aggraver les choses. »