Les baleines pourraient nous sauver du réchauffement climatique
Dans une baie au large des Vava‘u, aux Tonga, une baleine à bosse et son petit passent au-dessus d’un récif. Ils ont rejoint quelques milliers de baleines à bosse adultes pour faire le plein de krill dans l’Antarctique. En chemin, les baleineaux ont commencé à imiter les comportements des adultes.
« Les baleines sont de véritables alliées, plus qu’on ne le pense » assure Lyne Morissette, écologiste spécialiste des mammifères marins. En juillet 2014, cette chercheuse québécoise co-signait une étude selon laquelle ces mammifères marins assuraient une influence puissante et positive sur le fonctionnement des océans. Les baleines seraient de véritables pompes à carbone, capable de stocker jusqu’à 33 tonnes de dioxyde de carbone. À titre de comparaison, un arbre absorbe jusqu’à 48 kilos de CO2 par an. Ces géants des mers pourraient donc jouer un rôle important dans la lutte contre le réchauffement climatique.
« Les baleines vont en quelque sorte fertiliser le dessus de la couche d’eau » explique Lyne Morissette. De fait, les matières fécales des baleines améliorent la croissance du zooplancton, véritable pompe à carbone biologique.
Après s’être nourris en profondeur, ces géants des mers remontent en surface pour respirer et déféquer. Ces animaux migrateurs, en parcourant les océans du globe laissent derrière eux la matière fécale riche en fer et en azote. « Il y a une zone qui est limitante pour la production de photosynthèse, les baleines permettent d’approvisionner cette zone-là ».
Ces mammifères marins vont donc en quelque sorte favoriser le brassage entre les différentes couches d’eau, offrant de meilleures conditions de vie à tout l’écosystème. « Leur présence dans un écosystème est une preuve d’un milieu de vie en bonne santé » assure Lyne, avant de poursuivre, « si on observe des baleines dans un endroit donné, cela veut dire que tout le reste va bien ».
« Une baleine, même morte, c’est la vie » ironise Lyne Morissette. Même lorsqu’elles meurent, les baleines continuent de jouer un rôle écologique important. D’une part, elles peuvent stocker des quantités remarquables de CO2 pendant des siècles dans les eaux profondes. D’autre part, leurs carcasses fournissent un habitat et de la nourriture à de nombreuses espèces qui ne vivent que de la décomposition de matières organiques.
Malheureusement, tous les bienfaits que pourraient offrir les baleines dans la lutte contre le réchauffement climatique ne restent qu’hypothétiques. « Pour que tout ça ait un impact, par rapport à la quantité démesurée de carbone émise, il faudrait que les baleines reviennent à des niveaux de population à l’état vierge » déplore l’écologiste. Or, la plupart des populations de baleines perdent de l’ampleur chaque année.
Pour la baleine noire de l’Atlantique Nord, l’espèce sur laquelle Lyne Morissette travaille, il y a deux grandes causes de mortalité, toutes deux anthropiques : les collisions avec les navires et les empêtrements dans les engins de pêche.
Les installations de pêche, dans lesquelles les baleines se retrouvent régulièrement bloquées blessent ou du moins fatiguent de façon importante ces géants des mers, conduisant parfois à des retards de croissance, quand elles ne les tuent pas.
« Il y a sûrement d’autres enjeux dus aux maladies, à la vieillesse... mais en grande majorité c’est à cause des activités humaines » conclut Lyne Morissette.