Les lions blancs, porteurs d’un gène mutant très rare
Présentés comme des créatures mythiques, les lions blancs existent bel et bien. Porteurs d’une mutation génétique rare, ils sont aussi vénérés que menacés.
Le personnage de Kiros est un lion blanc dans le film Mufasa, revenant sur l'enfance du Roi Lion et père de Simba.
Avant de régner sur la Terre des lions, Mufasa a dû se battre, survivre, se lier à un clan qui n’était pas le sien. C’est l’histoire d’un lionceau orphelin sauvé par l’héritier mâle d’un clan de lions, Taka, qui deviendra son frère adoptif avant d’être son ennemi. Devenus adultes, Mufasa et Taka sont contraints de fuir leur terre, briguée par des lions blancs.
Dans la nature, les lions blancs sont trop rares pour former des clans mais « les jeunes mâles quittent leur clan et forment souvent des coalitions avec d'autres jeunes mâles pour tenter de prendre le contrôle d’un clan. Les lions blancs ne sont pas différents en cela des autres » explique Géraldine Véron, enseignante-chercheuse et chargée de conservation de collections de mammifères au Museum National d’Histoire Naturelle.
POURQUOI CERTAINS LIONS SONT-ILS BLANCS ?
Un lionceau naît blanc si ses deux parents sont porteurs d’une mutation génétique. « Il s'agit d'une mutation qui provoque la couleur blanche du pelage. Les études montrent que cette mutation serait située sur le gène codant pour la Tyrosinase. C'est une mutation rare. Ces formes blanches ou claires - dites leucistiques - existent aussi chez d'autres espèces en affectant le même gène » explique Géraldine Véron.
Les lions blancs ne sont pas albinos, puisque des parties de leur corps peuvent être colorées, notamment leurs yeux – bleus, bruns ou verts – ou leur crinière. « L'albinisme est l’absence de mélanine, alors que le leucisme provoque une fourrure blanche ou claire mais des pigments restent présents sur la peau et les yeux » précise Géraldine Véron.
Les lions blancs ne constituent pas une sous-espèce différente des lions d’Afrique et ne bénéficient donc pas d’un statut de conservation distinct. On sait toutefois que le nombre de lions blancs à l’état sauvage a considérablement baissé, particulièrement en Afrique du Sud où les lions blancs ont surtout été observés.
LES LIONS BLANCS À L’ÉTAT SAUVAGE
« En raison de leur rareté, les lions blancs ont été retirés de force de leur milieu naturel et leur nombre a considérablement diminué. Avec la chasse aux trophées des lions blancs et des enlèvements de lionceaux dans la région de Timbavati pour satisfaire les demandes des zoos et des cirques, on n’observait plus de lions blancs [à l’état sauvage] dans les années 1990 » se souvient Linda Tucker, fondatrice de l’ONG Global White Lion Protect Trust (GWLPT), qui œuvre pour la protection des lions en Afrique du Sud et a mis en place un programme de réintroduction de ces majestueux animaux sur leurs terres d’origine en achetant de vastes étendues de terres sauvages pour en faire des aires protégées. En 2004, White Lions a commencé à réintroduire des lions blancs et fauves à l’état sauvage, leur permettant de retrouver leur place dans l’écosystème de la région.
« La rareté [de cette couleur de fourrure] suggère qu'elle n'est pas très positive d'un point de vue évolutif » relève Géraldine Véron. « Pour la prédation, la couleur fauve permet un bon camouflage dans la savane pour l'approche des proies donc la forme claire n'est pas peut-être pas un avantage adaptatif. Toutefois, l'étude de lions blancs réintroduits dans un parc n'ont pas montré de différences en termes de succès de survie et de succès de prédation, donc peut-être que cela a finalement peu d'impact ». De récentes études comportementales sur la prédation des lions lors d’épisodes de pleine lune montrent même un avantage pour les lions blancs, abonde Linda Tucker.
Blancs ou fauves, la survie des lionceaux est un enjeu majeur durant les premiers mois, comme on peut le voir dans Mufasa. La survie des jeunes lions dépend de très multiples facteurs, notamment du nombre de femelles dans un clan donné, de la compétition entre clans et entre mâles au sein d’un même groupe, qui peut donner lieu à des infanticides. La quantité de proies disponibles peut aussi être un critère sélectif.
Selon Linda Tucker, cette fourrure blanche ne serait pas un motif d’exclusion à l’état sauvage. Les lions blancs « peuvent être menacés par les lions fauves. Mais il y a des exemples de solidarité. Il y a un lion blanc dans le grand parc national Kruger [en Afrique du Sud]. Avec ses quatre frères, tous fauves, ils forment une sorte de coalition. Ses frères le protègent, ils l’adorent ! Mais dès que des touristes l’aperçoivent, il y a des mouvements de foule au milieu des étendues sauvages. C’est cet intérêt qui les met en danger », insiste-elle.
DE LA FASCINATION À LA CAPTIVITÉ
À l’état sauvage, les lions blancs sont des merveilles de la nature. Mais leur présence en captivité peut être synonyme de drame.
Il est prouvé que lorsque les éleveurs sélectionnent des lions blancs - une pratique qui induit presque toujours une consanguinité - les individus finissent par présenter des anomalies génétiques.
Une étude a montré que sur dix-neuf lionceaux blancs élevés dans un jardin zoologique en Italie, quatre étaient mort-nés et treize autres n'avaient pas survécu plus d’un mois. Six des lions présentaient également des anomalies au niveau du crâne. Un seul des lionceaux a survécu pendant une longue période, mais il présentait des handicaps physiques et neurologiques.
Pour cette raison entre autres, l'Association des zoos et aquariums interdit aux institutions membres de pratiquer l’élevage sélectif des lions blancs ou d’animaux porteurs d'anomalies génétiques.
On estime aujourd’hui à trois cents le nombre de lions blancs en captivité, contre une vingtaine d’individus à l’état sauvage. « D'un point de vue écologique, les lions blancs, en tant qu'animaux supérieurs de cet écosystème, rétablissent l'équilibre trophique entre toutes les espèces de cette zone sensible en termes de biodiversité » indique Linda Tucker, fondatrice de Global White Lion Protect Trust. En termes écologiques, on peut parler d'une cascade trophique : de la présence de lions découle des interactions prédateurs-proies qui affectent l'abondance, la biomasse ou la productivité de tout un réseau trophique. L'ensemble d’un écosystème peut s’en trouver rééquilibré.
« Si vous plongez un jour vos yeux dans ceux d'un lion blanc, votre vie changera. Ils ont une présence solaire ; une lumière semble émaner d’eux. Ils regardent directement votre âme, votre cœur » souligne Linda Tucker, rappelant la place importante qu’occupent les lions blancs dans les récits culturels et mythologiques, en particulier dans les cultures indigènes d'Afrique. Ces créatures considérées comme sacrées incarnent la pureté, le lien avec le divin, et sont vues comme des messagers de paix et les gardiens d’une sagesse ancestrale.