Quand les insectes se liguent avec les arbres
Dans le sud de la Chine, un figuier est le théâtre d’une étrange coopération inter-espèces visant à protéger l'écosystème.
Dans la nature, l’entraide l’emporte parfois sur la loi du plus fort. Par exemple, certains écosystèmes se maintiennent grâce à un réseau de coopération complexe entre les plantes et différentes espèces d’insectes. Un phénomène que les scientifiques nomment le « mutualisme ».
Ces relations bénéfiques ont été étudiées de près dans un figuier du sud de la Chine (Ficus racemosa) par une équipe de chercheurs sino-australiens (lire leur étude publiée dans la revue Nature). Pour être pollinisé, l’arbre, qui peut atteindre quarante mètres de haut, a besoin de Ceratosolen fusciceps. Cette minuscule guêpe s’introduit dans le sycone (la fleur donnant les figues) pour y pondre ses œufs, ce qui permet la pollinisation.
Mais les fourmis tisserandes (O.smaragdina), qui vivent également sur l’arbre, sèment la terreur parmi les populations d’insectes, et peuvent être particulièrement agressives envers les guêpes pollinisatrices. Bien que leur présence assure une protection des larves des guêpes contre certains parasites, leur agressivité doit être contrôlée pour que l’écosystème se maintienne.
Pour défendre son précieux partenaire, le figuier sécrète, au niveau de ses inflorescences, un produit qui apaise les fourmis. Un troisième insecte appartenant aux membracidés, Tricentrus sp., vient également à sa rescousse. Cette famille d’insectes minuscules est connue pour sa grande maîtrise du camouflage chimique, des molécules qui brouillent les pistes face aux prédateurs, ainsi que pour son aptitude à produire du miellat, un liquide sucré sécrété à partir de la sève des plantes, dont certains insectes se nourrissent (lire notre reportage).
Tricentrus sp. échange donc cette dernière substance avec les fourmis, afin de ne pas se faire attaquer. Mais quand les ressources alimentaires viennent à manquer, l’offrande en miellat ne suffit plus pour calmer la colonie vorace. L’insecte membracidé sécrète donc, en plus, un camouflage chimique, dont la composition est très proche de la molécule apaisante produite par le figuier. Résultat : les fourmis sont calmées, ce qui permet aux guêpes pollinisatrices, qui régénèrent le figuier, de rester majoritaires parmi les populations d’insectes de l’arbre. Un bon exemple de coopération inter-espèces qui profite à l’ensemble de l’écosystème.