Cette chenille colorée pourrait prédire la rudesse de l'hiver

Selon la légende, les couleurs arborées par les chenilles d'isies isabelles permettraient de prédire la rigueur de l'hiver à venir. Des scientifiques se sont donc penchés sur la question.

De Jason Bittel
Publication 12 nov. 2024, 21:38 CET
Les poils noirs de cette chenille d'isie isabelle peuvent-ils vraiment indiquer si l'hiver sera doux ou ...

Les poils noirs de cette chenille d'isie isabelle peuvent-ils vraiment indiquer si l'hiver sera doux ou rude ? Selon les experts, il est peu probable que cette légende vieille de plusieurs siècles soit fondée.

PHOTOGRAPHIE DE RUNK, SCHOENBERGER, Grant Heilman Photography, Alamy

Lorsque les saisons changent et les températures chutent, la plupart des chenilles des États-Unis et du Canada ont déjà fini leur transition vers leur forme adulte… mais pas l’isie isabelle. Cette créature fascinante compte parmi les rares espèces d’insectes à braver l’hiver alors qu’elles sont encore au stade larvaire.

Bien que de nombreuses personnes soient probablement bien incapables d’identifier les larves de nombreuses autres espèces de papillons, les isies isabelles, très présentes durant l’automne en Amérique du Nord et connues pour avancer à une vitesse plutôt impressionnante sur les trottoirs et les chaussées du continent, sont relativement reconnaissables.

Depuis la période coloniale de l’Amérique, la culture populaire raconte que les isies isabelles peuvent prédire les conditions météorologiques, les marques sur leur corps indiquant, selon la croyance, si les températures de l’hiver à venir seront plutôt douces ou rudes.

Cette légende, qui connaît bien des variations, est toutefois entièrement fausse.

« Je déteste jouer les trouble-fêtes, mais aucune donnée n’a jamais clairement permis d’affirmer que c’est réellement le cas », révèle Katie Marshall, spécialiste de physiologie comparée à l’Université de Colombie-Britannique, qui étudie les différentes adaptations des animaux face au froid.

Les chenilles d’isies isabelles disposent cependant d’un superpouvoir bien réel pour affronter l’hiver : la congélation.

 

UNE LÉGENDE INFONDÉE

S’il existe des centaines d’espèces à l’apparence similaire dans la famille des Erebidae, la chenille d’isie isabelle la plus commune et la plus connue est celle de l’espèce Pyrrharctia isabella, explique Marshall.

Selon la légende, plus le corps d’une chenille présente de bandes de longs poils noirs et piquants, plus l’hiver à venir sera rude et, à l’inverse, des bandes rouges ou brunes plus larges sur la partie centrale du corps annonceraient un hiver plus chaud et plus doux.

Certains scientifiques se sont penchés sur cette hypothèse pour tenter d’en confirmer la véracité et ne sont jamais parvenus à établir un lien entre les motifs de la chenille d’isie isabelle et la rigueur des conditions météorologiques à venir, même si, selon Marshall, la plupart de ces travaux ont été menés de manière plus ironique que sérieuse.

Les couleurs de l’isie isabelle peuvent toutefois donner d’autres indications. Par exemple, ces chenilles se débarrasser généralement de leur exosquelette à six reprises avant de se transformer dans leur forme finale de papillon de nuit, un processus connu sous le nom de « mue », et à chaque fois, leur couleur devient de plus en plus brune, et de moins en moins noire. Les chenilles les plus jeunes sont donc généralement toutes noires, tandis que les plus colorées tendent à être les aînées de leur population.

Des liens ont également été identifiés entre l’apparence d’une isie isabelle et le climat. Selon Marshall, les motifs de couleur pourraient en effet indiquer révéler à quel moment de l’année la dernière mue a eu lieu, ce qui pourrait ainsi refléter des tendances en matière de météo et de température. Par ailleurs, les chenilles plus noires absorberaient théoriquement davantage de soleil.

« Il y a donc toutes sortes de quasi-mécanismes plausibles qui pourraient potentiellement montrer qu’il y a une part de réalité dans cette histoire », tempère-t-elle.

Même si les pouvoirs de prédiction météorologique de la chenille d’isie isabelle semblent exagérés, ils lui ont tout de même permis d’acquérir une plutôt bonne réputation auprès des populations humaines de ses aires de répartition. Dans certaines régions, des festivals sont même organisés en son honneur.

 

SE CONGELER POUR SURVIVRE À L’HIVER

La plupart des insectes ne peuvent plus être actifs après le début de l’hiver. Certains, comme le papillon monarque, se lancent donc dans des migrations, tandis que d’autres s’enfoncent dans le sol ou dans les arbres pour se protéger du froid.

Les chenilles d’isies isabelles, quant à elles, ont un comportement bien différent : elles supportent le froid, révèle Marshall. Elles peuvent survivre au gel et au dégel, et ce à plusieurs reprises au cours d’un même hiver.

« Peu d’espèces en sont capables », précise la spécialiste. « Tous les liquides contenus dans leur corps se transforment en glaçons. »

En revanche, il est intéressant de noter que les chenilles ne gèlent pas au point de devenir solides, ce qui leur serait fatal. Au contraire, leur corps favorise la formation de cristaux de glace entre leurs cellules, et une substance similaire à l’antigel, le glycérol, permet de protéger le contenu de ces dernières.

Lorsque les températures remontent, les chenilles s’entourent d’un cocon et prennent leur forme adulte : des papillons isies isabelles, qui arborent une magnifique couleur orange citrouille avec des taches noires sur le haut de l’abdomen. Une fois sorti de son cocon, le papillon Pyrrharctia isabella sera actif pendant la nuit, et ce tout au long de l’été.

L’espèce est considérée comme commune, et n’est pas en danger d’extinction.

Cependant, les papillons de nuit étant généralement attirés par la lumière, vous pouvez les aider en réduisant la pollution lumineuse émise par votre maison ou votre quartier. En effet, le cycle du jour et de la nuit est un élément essentiel de la nature. Il indique aux animaux quand ils doivent sortir pour chasser, se nourrir, migrer et s’accoupler. Lorsque la lumière artificielle perturbe ces signaux lumineux naturels, la faune, mais aussi la flore, en subissent donc les conséquences.

« Nous pensons que ce ne sont que de petits insectes, et que par conséquent, ils ne peuvent pas être bien complexes », reprend Marshall. « En réalité, ils peuvent au contraire être extrêmement complexes. Ils ont énormément de choses à faire au cours de leur vie, et ils sont capables d’exploits que nous, les humains, ne pourrions jamais faire avec nos corps. »

« C’est pour cette raison que je les trouve toujours absolument fascinants », conclut-elle.

Time-lapse : La métamorphose d'une chenille en papillon

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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