Un manchot et des otaries anormalement pâles ont été photographiés en Géorgie du Sud

Un manchot royal et des otaries à fourrure aperçus en Géorgie du Sud présentent des mutations qui affectent la production de pigments au sein de leur organisme.

De Douglas Main
Publication 24 juin 2021, 10:04 CEST
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Un manchot royal à la robe singulière se dresse sur cette photographie prise dans la baie de St Andrews, en Géorgie du Sud, au mois de mars 2019.

PHOTOGRAPHIE DE Jeff Mauritzen

Située à près de 2 000 km à l'est de la pointe sud de l'Amérique du Sud, la lointaine île de Géorgie du Sud n'accueille de façon saisonnière que quelques dizaines d'habitants humains, mais plusieurs milliers de phoques, manchots et autres créatures y ont élu domicile.

Lors d'une récente expédition National Geographic sur l'île, le photographe Jeff Mauritzen est tombé sur une poignée d'animaux qui avaient tout de drôles d'oiseaux : un manchot royal et quelques otaries à fourrure présentant des mutations génétiques distinctes, mais rares, qui leur donnaient un teint plus pâle que leurs congénères.

C'est par une matinée pluvieuse que le photographe a surpris l'étonnant manchot et, par chance, le ciel s'est éclairci pendant une dizaine de minutes, juste assez pour prendre quelques clichés.

Comme d'autres oiseaux, le manchot royal peut avoir différentes mutations qui affectent la façon dont son organisme produit des pigments. La plus extrême d'entre elles, l'albinisme, se traduit par une absence totale de pigments, un corps complètement blanc et une mauvaise vue.

 

ÉTRANGES CRÉATURES

Cela dit, dans la plupart des cas, les mutations restent modérées. Ici, il est fort probable que le manchot soit atteint de l'aberration dite « brune », causée par la mutation d'un gène récessif impliqué dans la production d'eumélanine, le pigment responsable des couleurs noires, grises et brunes dans les plumes, explique Hein van Grouw, ornithologue au Natural History Museum at Tring, en Angleterre.

La mutation provoque une oxydation incomplète du pigment et le rend sensible à la lumière du soleil qui blanchit les plumes au fil du temps jusqu'à prendre une teinte blanc cassé.

Cela explique également pourquoi les autres couleurs de ce manchot royal n'ont en rien perdu de leur superbe. « On peut voir que les plumes jaunes n'ont pas été affectées, car cette couleur ne provient pas de la mélanine mais des caroténoïdes, insensibles à la mutation brune, » indique Júlia Finger, biologiste à l'université de la vallée du Rio dos Sinos, au Brésil.

La mutation brune est l'une des mutations de couleur les plus fréquentes chez les manchots et a déjà été détectée chez plusieurs espèces, comme le manchot papou, le manchot de Magellan et le manchot Adélie, mais elle reste plutôt rare.

Cette mutation affecte le gène Tyrp1, situé sur le chromosome Z, l'équivalent du chromosome X chez l'Homme. Ainsi, les mâles peuvent être porteurs de la mutation sans l'exprimer, explique van Grouw. « La moitié de leur descendance femelle sera brune, mais la moitié de leurs descendants mâles seront également porteurs silencieux, » précise-t-il par e-mail.

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Une jeune otarie à fourrure à la robe pâle se repose sur une plage de Right Whale Bay, sur l'île de Géorgie du Sud. Il est presque certain que cette otarie est atteinte de leucisme, une pathologie qui affecte la capacité de l'organisme à produire des pigments comme la mélanine.

PHOTOGRAPHIE DE Jeff Mauritzen

 

UNE OTARIE BIEN PÂLE

Les deux otaries à fourrure sont quant à elles probablement atteintes d'une pathologie appelée leucisme, ou leucistisme, qui freine la production d'un pigment noir appelé mélanine et parfois celle d'autres pigments.

Bien que cette mutation soit extrêmement inhabituelle chez les otaries à fourrure en dehors de la Géorgie du Sud, elle n'est pas si rare sur l'île avec une prévalence située entre 1 pour 400 et 1 pour 1 500 d'après une étude publiée en 2005 dans la revue Polar Biology.

Cela s'explique probablement par le fait que ces mammifères marins ont fait l'objet d'une chasse à grande échelle jusqu'au début du 20e siècle. Depuis, leurs populations se sont largement rétablies, mais il est probable qu'un ou deux individus atteints de leucisme aient contribué à la prévalence de cette caractéristique après avoir survécu à la période de chasse intensive, un phénomène appelé effet fondateur.

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    CHANCES DE SURVIE

    D'après les chercheurs, ces mutations de couleur n'ont généralement pas d'impact mesurable sur la survie ou le comportement de l'individu touché.

    Comme en témoigne Mauritzen, le manchot et les phoques qu'il a photographiés ne semblaient pas avoir un comportement inhabituel et rien ne laissait entendre qu'ils soient traités différemment par leurs congénères.

    « Je pense que la plupart des mutations de couleur n'affectent pas tellement les chances de survie d'un individu. De nombreux spécimens présentant des aberrations de couleur vivent longtemps à l'état sauvage, ils s'accouplent avec des partenaires aux couleurs normales et n'ont aucun problème de reproduction, » explique van Grouw.

    Júlia Finger rejoint l'ornithologue sur ce point, mais elle ajoute toutefois que si les mutations de couleur affectent les capacités de mimétisme d'un animal et son aptitude à se fondre dans la masse, utile pour attraper des proies ou éviter d'en devenir une, alors les chances de survie diminuent fortement.

    « Cela dit, » conclut-elle, « je constate que la plupart des oiseaux vivent très bien leurs mutations de couleur et sont acceptés sans problème par leurs pairs. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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