Un nouveau dispositif d'alerte freine la progression des braconniers
Installé dans une réserve d'Afrique du Sud, un système à la pointe de la technologie a permis de réduire à zéro le nombre de rhinocéros braconnés.
Lorsque le coup est parti, il est souvent trop tard. Le rhinocéros est très probablement déjà mort et, dans le meilleur des cas, nous devons nous satisfaire de l'arrestation du ou des braconniers.
Une nouvelle arme de pointe vient d'être ajoutée à l'arsenal anti-braconnage, permettant ainsi aux gardes-forestiers d'anticiper de tels massacres. Ce système intégré appelé Connected Conservation (pour « Préservation connectée ») a recours à un ensemble de technologies (du wifi aux caméras thermiques, en passant par des scanners, un système de télévisions en circuit fermé et de capteurs) qui visent à prévenir toute activité suspecte. Les gardes-forestiers peuvent alors se déployer dès que le périmètre d'une zone protégée est enfreint et ainsi intercepter plus rapidement les intrus sans risquer leur vie.
Cet outil est le fruit d'une collaboration entre deux entreprises internationales spécialisées dans les nouvelles technologies : Dimension Data, dont le siège social se situe à Johannesburg, en Afrique du Sud, et Cisco, basée à San Jose, en Californie.
En d'autres termes, il s'agit d'un système d'alarme antivol amélioré qui couvre une immense superficie, à l'épreuve de conditions météorologiques extrêmes telles que la foudre, les fortes précipitations ou la canicule.
Le prototype de ce dispositif a été testé au sein d'une réserve privée de 55 000 hectares située à proximité du parc national Kruger, en Afrique du Sud. De 2013 à 2015, les trois années qui ont précédé l'installation du système, environ 70 rhinocéros ont été massacrés pour leurs cornes. Pour des raisons de sécurité, il a été demandé à Wildlife Watch de ne pas divulguer le nom de la réserve.
D'après Bruce Watson de Dimension Data, élément moteur à l'origine du dispositif, aucun rhinocéros n'a été abattu par des braconniers en 2017, ni en ce début d'année.
« Nous ne faisons plus de gestion de crise », s'enthousiasme David Powrie, garde en chef du parc.
La réserve, dont le périmètre est à la fois clôturé et ouvert afin de permettre aux animaux de se déplacer dans le parc national Kruger, abrite de nombreuses espèces sauvages : près de 150 espèces de mammifères — dont des éléphants, des buffles, des lions, des léopards et des rhinocéros —, plus d'une centaine d'espèces de reptiles et 500 espèces d'oiseaux.
La première phase du dispositif, qui a débuté en novembre 2015, s'est accompagnée de l'installation d'un réseau sans fil afin de permettre aux gardes-forestiers de s'échanger des informations instantanément. De même, des caméras ont été mises en place pour surveiller 24h/24 le périmètre et les entrées de la réserve ainsi que des scanners destinés à enregistrer les empreintes digitales et à numériser passeports et immatriculations de véhicules pour toute personne entrant ou sortant de la réserve. Des responsables des opérations et des techniciens situés dans une salle d'opérations à proximité passent au crible les informations qui leur permettent, si besoin, de coordonner et de guider les équipes anti-braconnage.
Bien souvent, la technologie et la savane africaine ne font pas bon ménage, reconnaît le garde en chef de la réserve. « Entre la topographie, la foudre et bien d'autres dangers, la communication est un véritable défi. » Être capable de résister aux humeurs de la nature est une chose, mais le système doit également savoir distinguer les animaux des hommes qui se déplacent au sein de la réserve.
Les intrusions de braconniers qui escaladent ou sectionnent la clôture ont chuté de manière spectaculaire. Avant la mise en place du dispositif, « il y avait une intrusion une nuit sur deux », raconte Dave Varty, un membre de l'équipe de sécurité de la réserve. Aujourd'hui, il n'y en a presque plus. « La réserve est perçue, et c'est une réalité, comme un endroit difficile d'accès qui doit être évité. Le message est passé : tout le monde sait désormais qu'il s'agit d'un refuge intouchable. »
ALERTE RAPIDE, RÉPONSE TACTIQUE
Dès qu'une partie de la clôture qui entoure la réserve est sectionnée ou franchie, une alarme retentit. Selon Watson, le créateur du dispositif, « les gardes-forestiers ont ainsi plus de temps et de chances de capturer les braconniers avant qu'ils ne fassent le moindre dégât ». Grâce à ces alertes, le temps de réaction est passé de 30 à 7 minutes.
Au cours des opérations anti-braconnage, les gardes-forestiers se font plus agiles et plus stratégiques. Les nouvelles informations qui parviennent au poste de contrôle sont relayées aux agents présents sur le terrain, qui peuvent alors s'adapter à l'évolution de la situation.
Connaître les conditions sur le terrain offre également aux gardes-forestiers davantage de sécurité. Le système, qui suit la position des gardes dans l'obscurité, permet d'éviter les « tirs fratricides », lorsque les membres d'une même équipe se tirent les uns sur les autres par erreur.
« Les gardes savent qu'ils peuvent être secourus s'ils sont blessés ou en cas de difficulté », ajoute David Powrie. Une bonne nouvelle, à la fois en matière de sécurité et pour le moral. « Si l'un d'entre eux se fait tirer dessus ou est attaqué par un animal, ils ne sont pas bloqués au milieu de la brousse. »
Mais ce n'est pas tout. Grâce à la surveillance permanente et approfondie de la réserve, les risques que des malfaiteurs soudoient des membres de l'équipe afin d'obtenir des informations relatives aux opérations sont moindres.
« De nombreux dispositifs placés dans la savane rassemblent des informations en permanence et permettent d'identifier toute personne malintentionnée », explique le garde en chef de la réserve. « Des hélicoptères, des pièges photographiques, autant d'outils qui empêchent aux braconniers et aux collaborateurs de s'échapper. »
LA PROCHAINE ÉTAPE ?
Selon Watson, la seconde phase du dispositif s'achèvera d'ici la fin du mois de juin. Cette étape prévoit l'expansion du système sans fil afin d'établir des communications à longue distance et de franchir certaines limitations ; l'enfouissement de capteurs magnétiques qui détectent les mouvements au sein de la réserve ; l'équipement des véhicules de capteurs qui les géolocalisent ; la pose de fibres insonorisantes autour du périmètre qui déclenchent les alarmes lorsqu'elles sont franchies.
Le concepteur insiste sur le fait que la réussite du système repose non pas sur chaque composant mais sur le fonctionnement intégré de l'ensemble de ses éléments. « C'est l'association de tous ces dispositifs qui font sa réussite. »
L'objectif serait désormais de reproduire le modèle : « Nous avons eu plusieurs demandes. De nombreux parcs nationaux et réserves privées aimeraient utiliser ce système. »
Une déclinaison du dispositif Connected Conservation a d'ores et déjà été mis en place au sein d'un parc national situé au centre de la Zambie. Il contribue à protéger les éléphants et à empêcher le massacre d'animaux tels que l'antilope ainsi que la mort ou la mutilation de cibles accidentelles comme les lions qui se retrouvent pris au piège. « Notre objectif est d'étendre notre dispositif sur l'ensemble du parc national en plusieurs étapes », déclare Bruce Watson.
Des réserves situées au Kenya et au Mozambique sont les prochaines sur la liste, ainsi que des régions d'Inde et d'Asie qui abritent des tigres. Ces félins majestueux ont cruellement besoin d'être protégés contre le trafic de leurs membres, surtout en Chine où ils sont utilisés dans la médecine traditionnelle afin de soigner les moindres maux, du paludisme à l'acné.
À terme, l'objectif serait d'adapter ce système terrestre pour une utilisation en mer afin de protéger les raies, les requins et les baleines, entre autres nombreuses espèces.
« Notre objectif, pour le moins ambitieux, est d'éradiquer toutes formes de braconnage, que ce soit en Afrique, en Inde, en Asie et dans les océans. »
Wildlife Watch rassemble plusieurs reportages d'investigation menés par la National Geographic Society et National Geographic Partners axés sur le trafic d'espèces sauvages. Retrouvez d'autres reportages Wildlife Watch et découvrez les missions de la National Geographic Society sur nationalgeographic.org.