Les flamants roses des stations balnéaires dominicaines vont retourner à l'état sauvage

Des associations de conservation s'efforcent de récupérer et de libérer les flamants des Caraïbes capturés dans la nature pour des complexes hôteliers de Punta Cana, où ces oiseaux sont utilisés pour des... selfies.

De Jessica Taylor Price
Photographies de Fernando Faciole
Publication 8 mars 2024, 11:23 CET
Une population de flamants roses sauvages se rassemble sur la plage de Los Corbanitos à Sabana Buey, une ...

Une population de flamants roses sauvages se rassemble sur la plage de Los Corbanitos à Sabana Buey, une ville de République dominicaine. Bien que ces oiseaux emblématiques ne soient pas considérés comme menacés, des preuves anecdotiques suggèrent que leur nombre est en déclin dans le pays.

PHOTOGRAPHIE DE Fernando Faciole

Dans plusieurs complexes hôteliers de Punta Cana, en République dominicaine, des flamants roses se promènent, pataugent dans des étangs artificiels et se nourrissent des morceaux de nourriture laissés par les touristes.

Ces derniers, attirés par l’exotisme de ces oiseaux emblématiques et par le décor relaxant de la plage tropicale, publient des photos et des vidéos les montrant en train de s’approcher des animaux sur les réseaux sociaux.

Dans les coulisses de ces charmantes publications virtuelles, la vie est cependant moins rose qu’elle ne le paraît pour ces flamants.

Dans la ville de Monte Cristi, cette peinture murale, réalisée par l'artiste Kilia Llano, met en lumière le problème de la capture des flamants roses dans la nature.

PHOTOGRAPHIE DE Fernando Faciole

Trois flamants roses se promènent dans un complexe hôtelier de la région de Bávaro. Les touristes donnent souvent de la nourriture aux oiseaux et prennent des photos avec eux, tout particulièrement autour de la piscine.

PHOTOGRAPHIE DE Fernando Faciole

L’Union internationale pour la conservation de la nature considère aujourd’hui que le statut du flamant des Caraïbes est de « préoccupation mineure ». Pourtant, certains éléments semblent suggérer que leur population est en déclin sur cette île des Caraïbes, nous révèle Maria Milagros Paulino, directrice de l’organisation dominicaine à but non lucratif Grupo Accion Ecologica.

« Lorsque nous voyons des flamants roses, ils sont en groupes, ce qui donne l’impression qu’ils sont nombreux », explique-t-elle par l’intermédiaire d’un traducteur.

Le nombre de flamants roses vivant dans des complexes hôteliers, en particulier dans la zone de Bávaro, à Punta Cana, est en constante augmentation depuis des années, indique Eladio Fernandez, photographe et défenseur de l’environnement dominicain. En 2020, ce dernier a effectué un recensement informel du nombre d’oiseaux vivant dans ce type d’établissement à Bávaro en se basant sur les photographies publiées sur le site de TripAdvisor. Nous ne savons pas exactement comment les flamants roses sont arrivés dans ces lieux, ni qui les y a amenés.

Selon Fernandez, même les membres du personnel des hôtels concernés ne savent pas comment ils sont arrivés là. Le personnel est en effet régulièrement renouvelé, et certains oiseaux sont installés depuis longtemps.

En 2020, Fernandez a identifié un total de 163 flamants dans 41 hôtels. Entre 1 000 et 3 000 flamants des Caraïbes vivent en République dominicaine. Ces oiseaux ne se reproduisant pas, ils ne renouvellent pas la population, explique le photographe.

En collaboration avec le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles, le parc zoologique national de Saint-Domingue et le Grupo Accion Ecologica, Fernandez a donc passé trois ans à collecter des fonds afin de lancer une organisation à but non lucratif appelée Rescate Rosado, qui signifie « sauvetage rose » en espagnol.

Dans le cadre de ce projet de conservation, les employés du ministère récupèrent les flamants roses dans les complexes hôteliers, puis les transfèrent à Rescate Rosado et aux employés du zoo, qui les réhabilitent et les relâchent dans la nature, explique Fernandez. Jusqu’à présent, l’association a récupéré soixante-six oiseaux dans les établissements touristiques de la République dominicaine afin de les réintégrer dans la nature, et ce n’est qu’un début. 

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    Nelson García Marcano, directeur du département de la Biodiversité et de la Faune sauvage du ministère de l'Environnement de la République dominicaine, récupère un flamant rose dans un complexe hôtelier de Bávaro. Cet animal a été récupéré dans le cadre du tout premier sauvetage réalisé par Rescate Rosado.

    PHOTOGRAPHIE DE Fernando Faciole

    Grâce à ces efforts, il devrait rester moins d’une centaine de flamants roses dans les complexes hôteliers de Bávaro, même si, comme le précise Fernandez, il est difficile d’en être sûr.

     

    DES PIÈGES MORTELS

    De l’autre côté du pays, dans le parc national de Monte Cristi, l’environnement est exempt de complexes hôteliers. Le paysage est recouvert de lagunes salées et de mangroves boueuses, qui ne sont accessibles aux humains qu’en moto.

    Cet environnement constitue l’habitat naturel des flamants des Caraïbes, mais aussi un lieu très prisé par ceux qui se spécialisent dans leur capture. Paulino, qui travaille aux côtés de Rescate Rosado, s’efforce de retirer les pièges installés ici, fabriqués à partir de piquets de bois attachés à deux lassos de fil de pêche.

    Le groupe de Paulino a remarqué ces pièges pour la première fois en 2009 ; malgré les nombreux signalements transmis aux autorités depuis lors, cette pratique n’a jamais cessé et, selon Fernandez, devrait reprendre de plus belle durant l’hiver et le printemps. Paulino se souvient avoir vu un trappeur transporter neuf flamants roses dans un sac. Lors d’une excursion réalisée au début de l’année 2023, le Grupo Ecologico a retiré pas moins de 706 pièges répartis sur 3 sites.

    Cette méthode de capture peut également blesser, voire tuer les flamants roses. Un individu peut être en train de se promener quand, « tout à coup, il pose sa patte dans le lasso et, lorsqu’il tire, il se retrouve piégé », décrit Fernandez. Les oiseaux essaient souvent de se débattre pour se libérer, ce qui les épuise, tout particulièrement quand l’eau commence à immobiliser leurs ailes.

    Gauche: Supérieur:

    Ce flamant rose, qui compte parmi les nombreux individus dont les plumes ont été coupées pour éviter qu'ils ne s'échappent des hôtels et autres complexes touristiques, commence son programme de réhabilitation au sein du parc zoologique national de la République dominicaine.

    Droite: Fond:

    Les trappeurs utilisent un système rudimentaire de piquets en bois attachés à du fil de pêche pour piéger les flamants roses.

    Photographies de Fernando Faciole

    Parfois, les trappeurs ne reviennent pas avant plusieurs jours ; l’animal piégé se retrouve donc dans une situation particulièrement dangereuse. « Si les flamants roses ne sont pas retirés rapidement, ce piège peut s’avérer mortel. »

    La première fois que Fernandez s’est rendu dans le parc national de Monte Cristi à la recherche de pièges avec Paulino, le groupe a trouvé un flamant rose mort, encore pris dans un piège. Il était probablement là depuis plusieurs mois.

     

    DE MAUVAIS TRAITEMENTS

    « Certains [des flamants roses des complexes hôteliers] sont bien traités, d’autres non », reprend Fernandez.

    Leurs plumes secondaires sont parfois coupées, ce qui les empêche de voler. D’autres se voient retirer chirurgicalement un os de leurs ailes ; l’oiseau se retrouve alors cloué au sol pour le restant de ses jours, ce qui peut durer jusqu’à soixante ans, explique Fernandez. Nous ne savons pas qui est responsable de ces mutilations.

    Des flamants roses attendent d'être relâchés dans le parc national de Monte Cristi.

    PHOTOGRAPHIE DE Fernando Faciole

    Plusieurs des complexes hôteliers qui détiennent des flamants roses ont décliné nos demandes d’interviews dans le cadre de la rédaction de cet article.

    Par ailleurs, selon Fernandez, les flamants sont parfois nourris à base de nourriture industrielle pour animaux, ce qui finit par estomper leur couleur rose caractéristique due à leur régime alimentaire naturel composé de crevettes et d’autres petits crustacés. Leur comportement peut également changer ; ils s’habituent aux humains et peuvent même leur demander de la nourriture.

    Ils semblent toutefois avoir conservé au moins une caractéristique : Fernandez a pu voir des flamants, connus pour former des liens sociaux étroits, choisir de rester aux côtés d’un compagnon captif à qui on avait retiré la capacité de voler.

    Deux anciens chasseurs de flamants ont rejoint le projet de sauvetage en partageant leurs connaissances en matière de capture. Sur les réseaux sociaux, certains internautes interpellent également les influenceurs qui publient des photographies des oiseaux détenus dans des stations touristiques.

    À plus grande échelle, Fernandez participera à un recensement officiel des flamants roses en 2024, ce qui, il l’espère, pourrait conduire à l’inscription de l’espèce sur la liste des espèces menacées en République dominicaine.

    « C’est un problème que nous pouvons réparer. Nous avons la possibilité d’améliorer les choses », affirme Fernandez.

    Cette photographie aérienne montre la lagune du parc national de Monte Cristi où les flamants seront relâchés.

    PHOTOGRAPHIE DE Fernando Faciole

    Un membre du zoo national tient délicatement un flamant rose. Les pattes de tous ces animaux doivent être massées afin d'assurer la bonne circulation du sang.

    PHOTOGRAPHIE DE Fernando Faciole

     

    RETOUR DANS LA NATURE

    En février 2023, des visiteurs ont pu assister à la récupération de huit flamants roses dans un complexe hôtelier de Bávaro qui avait accepté de coopérer avec l’équipe de sauvetage. Les oiseaux ont été enveloppés dans des collants afin d’être immobilisés, puis ont été installés dans une camionnette qui les a transportés jusqu’au zoo national, où ils ont été examinés.

    Selon Tatiana Carreño Pinto, vétérinaire au zoo, l’état des oiseaux était variable selon les individus. Certains présentaient un poids insuffisant tandis que d’autres étaient trop lourds pour voler, mais dans l’ensemble, tous étaient en bonne santé.

    Une fois examinés par les vétérinaires, les oiseaux ont été placés dans un corral isolé pendant deux à trois mois et, dans cet environnement contrôlé, le personnel du zoo leur a fait volontairement peur afin qu’ils retrouvent leur crainte naturelle des humains.

    Un matin du même mois, les scientifiques ont installé douze individus dans un camion et les ont conduits jusqu’au parc national de Monte Cristi. Une fois sur place, les vétérinaires ont massé leurs pattes afin de favoriser la circulation sanguine.

    Un bateau les a ensuite transportés jusqu’à la lagune, où un autre corral installé sous des palétuviers noirs les attendait. Les flamants ont étendu leurs ailes et commencé à marcher dans cet espace confiné destiné à leur apprendre à s’adapter à leur nouvel environnement.

    Les oiseaux fraîchement relâchés explorent leur nouvel habitat.

    PHOTOGRAPHIE DE Fernando Faciole

    Le lendemain matin, le moment était venu. Les douze flamants, dont sept avaient été récupérés dans des complexes hôteliers, se sont envolés ou sont partis en marchant dans la lagune sous les yeux de l’équipe de sauvetage, se souvient Fernandez.

    « C’était très émouvant », confie Pinto. « Il était impossible de ne pas pleurer. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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