Ces chasseurs préhistoriques étaient des femmes
L’HISTOIRE DES FEMMES PEUT-ELLE ÊTRE RÉÉCRITE GRÂCE À LA SCIENCE ?
TEXTES DE MARGOT HINRY, ILLUSTRATIONS DE PIERRE-LOUIS BOUVIER
À l'occasion de la diffusion du documentaire événement “Les Femmes préhistoriques”, accompagnez-nous dans un voyage dans le temps pour revisiter l’histoire des femmes.
Et si ce que nous pensions connaître de l’histoire de nos ancêtres était faux ? Non, les femmes préhistoriques n’étaient pas frêles et sans défense, elles n’étaient pas uniquement occupées à materner et à attendre le retour des chasseurs, recluses dans une grotte.
Une étude datant de 2018 a bouleversé les écrits, jusqu’ici très binaires. Entre 30 et 50 % des chasseurs « de gros gibiers » auraient été des femmes.
NG_prehistoric_woman
Loin des préjugés, la science s’exprime et délie les pensées préconçues. Les femmes de la préhistoire auraient été très actives et musclées, elles se seraient attelées à la chasse, au rabattage des animaux, à la cueillette des fruits et des œufs. Des hypothèses nouvelles invitent à penser que la société préhistorique était une société plutôt matriarcale.
Au moment des premières fouilles, les archéologues n’auraient pas questionné le sexe des restes humains mis au jour dans des sépultures de chasseurs-cueilleurs préhistoriques, actant qu’il ne pouvait s’agir là que d’hommes, puisque des attributs de chasse avaient été enterrés avec eux. Des analyses récentes ont permis de prouver que des squelettes féminins portaient des marques de lutte, de chasse, et avaient été ensevelis entourés d’armes.
Le documentaire inédit “Les Femmes préhistoriques” sera diffusé le 22 mai à 21.00 sur la chaîne National Geographic.
Prehistoric women 2
Femme de, fille de, femme esclave : les femmes de l’Antiquité romaine étaient rarement dépeintes comme des femmes libres. Pourtant, certaines réussirent à s’émanciper, en se jouant des codes et des règles sociales. Parfois épouses d’empereur puis mères d’héritier, les femmes exerçaient un rôle de pouvoir dans l’ombre. L’histoire de Cornélia, mère des Gracques et de douze enfants en est le parfait exemple. « Romaine idéale », elle sut comment pousser ses fils sur le devant de la scène politique. Bien souvent considérées comme des mineures dénuées de réflexion et d’intelligence, certaines femmes faisaient ainsi exception. Entre les femmes esclaves et les affranchies, se tenaient « les ingénues ». Ces femmes au statut plus privilégié, bien que sous la tutelle d’un homme, pouvaient jouir de biens et de fortune. Quant aux vestales, chargées de maintenir le feu sacré de la ville de Rome, qui avaient le pouvoir de gracier des condamnés à mort, elles pouvaient rédiger leur propre testament, être émancipées de toute forme patriarcale et posséder des biens.
Prehistoric 3
Si les reines de l’antiquité égyptienne n’ont pas réussi à renverser le patriarcat, elles ont tout de même laissé une preuve de force indéniable, de calme face aux crises. L’histoire nous le rappelle, les reines Merneith, Néférousobek, Hatchepsout, Néfertiti ou encore Cléopâtre, au cours de dynasties différentes, réussirent à guider le pays dans des périodes très instables. Bien que, le plus souvent, elles aient assuré le rôle de reine-mère ou régente en attendant qu’un homme soit en capacité de reprendre le pouvoir, certaines d’entre elles ont été à la tête de l’Égypte pendant près de vingt ans. Quant aux femmes du commun, elles étaient traitées comme les hommes aux yeux de la loi, elles étaient libres de s’exprimer et d’être indépendantes financièrement. Les Égyptiennes recevaient les mêmes salaires que les hommes, elles pratiquaient les mathématiques, les sciences, la médecine et la physique. Elles participaient aux récoltes, mais pouvaient également occuper des postes de « hauts fonctionnaires ».
Prehistoric 4
L’Antiquité tardive rime avec grands mouvements de révolte, dont plusieurs ont été menés par des femmes. Au sud de la Syrie, Rome est attaquée sous le commandement d’une femme guerrière, la reine Mavia. Cette grande stratège s’inscrivait dans le sillage d’une combattante qui avait conquis la Syrie, l’Égypte et l’Asie mineur un siècle plus tôt : Zénobie, la reine de Palmyre. Ces guerrières et reines rebelles se sont confrontées aux hommes, commandant des armées composées quasi-exclusivement d’hommes. La reine Mavia a mené ses troupes jusqu’à la Palestine en se jouant des Romains qui finirent par se plier à ses conditions. Ces guerrières, même si elles n’étaient pas légion, sont aujourd’hui encore des figures de puissance et de résistance à l’oppression.
Prehistoric 5
Les hommes et les femmes du Moyen-Âge étaient égaux face à Dieu, mais différents aux yeux de la loi. Considérées comme inférieures, les « filles d’Eve » vivaient sans droits, comme en témoignent les écrits et les tableaux de l’époque médiévale, sans plus d’informations précises. La raison de cette Histoire en pointillés ? Il n’était pas jugé convenable de conserver les écrits qui concernaient l’histoire des femmes. Les historiens médiévistes ont longtemps fermé les yeux sur les questions liées au « deuxième sexe ». De récentes études ont pourtant prouvé l’existence de femmes scribes au 11e siècle. Plusieurs femmes sont parvenues à se frayer un chemin au-delà du mariage et de la maternité. De la ville à la campagne, du nord au sud de l’Europe, les coutumes variaient. Christine de Pizan, une fois veuve, fit le choix de ne pas se remarier et de se concentrer sur l’écriture, la philosophie et la poésie. Les médecins femmes, les universitaires et les poétesses existaient déjà l’époque médiévale. La quasi-absence de littérature scientifique sur leur histoire invite à la repenser et à l’écrire.
Prehistoric 6
La femme scandinave n’était pas l’égale de l’homme aux yeux de la loi, mais elle jouissait tout de même de certains droits comme le divorce. Tout comme à la préhistoire, les femmes vikings s’attelaient à de nombreuses tâches agricoles. Pendant les raids guerriers, elles tenaient les lieux de vie, les terres agricoles et défendaient les terres des invasions. La confiance qui leur était ainsi accordée permettait à ces femmes d’être profondément respectées et légitimes au sein de la société patriarcale dans laquelle elles évoluaient. Les femmes scandinaves n’en étaient pas moins guerrières et stratèges. Le squelette d’un guerrier viking suédois longtemps considéré comme un homme a récemment été réétudié. L’analyse ADN a révélé qu’il s’agissait d’une femme d’une trentaine d’années, officier et dirigeante de troupes de combats. La guerrière de Birka représente à elle-seule un pan de l’histoire de ces femmes combattantes, musclées et prêtes à défendre leurs peuples. Les analyses de squelettes révèlent d’ailleurs qu’elles étaient bien plus musclées que la moyenne des femmes modernes.
Prehistoric 7
« L’intelligence n’a pas de sexe » et pourtant, les génies féminins sont souvent les grands oubliés de l’Histoire, cachés derrière le nom d’un homme ou les travaux d’un autre. Qui se souvient par exemple des travaux scientifiques de Marie-Anne Pierrette Paulze, épouse de Lavoisier ? Pourtant, l’époque des Lumières doit ses avancées scientifiques à bien des savantes. Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, appelée la marquise du Châtelet, était l’une d’elles. Cette scientifique fut la première à avoir traduit en langue française l’une des œuvres phare de la physique newtonienne. Pourtant, on ne se souvient que du nom de son amant, Voltaire. Les temps modernes ont vu surgir les salons, lieux à la mode où les conversations et les idées s’entremêlaient. Si les débats étaient généralement lancés par des philosophes hommes, les salons étaient tenus par des bourgeoises cultivées, comme Madame Necker qui fonda l’hôpital parisien du même nom ou encore Madame Lambert, grande autrice et féministe des Lumières.
Prehistoric 8
La Révolution française sonne le changement radical des mœurs et inégalités de traitements entre les hommes et les femmes. C’était la révolte d’un peuple tout entier. Bien que le siècle des Lumières ait permis à certaines grandes savantes d’exprimer et de mettre en pratique leurs idées et leurs connaissances, la plupart des femmes non-issues de la bourgeoisie restaient peu considérées. C’est en 1790 que de nouveaux droits furent accordés aux femmes : elles étaient désormais libres à 21 ans, les déclarations de grossesse n’étaient plus obligatoires, la mise sous tutelle n’était plus qu’un souvenir. Les femmes françaises prirent peu à peu leurs marques. Certaines se frayèrent un chemin dans le monde politique. Selon les historiens, les femmes étaient souvent à la tête de lancement de pétitions, de mobilisations ou de protestations, comme celle du printemps 1795. D’après les chercheurs, plus d’une trentaine de manifestations de Parisiennes se sont déclarées entre août et septembre 1789. Les femmes n’avaient plus peur de s’exprimer, de manifester leur mécontentement et de se battre pour leurs droits, bien au-delà de l’acquisition du statut de citoyennes. Ces acquis ne durèrent cependant pas longtemps. Avec le code civil napoléonien, qui réunit toutes les lois qui régissent les relations sociales en France, le statut des femmes connaît un net recul. Les jeunes mariées passent désormais de la tutelle de leur père à celle de leur époux, à qui elles doivent obéissance et cède leurs biens. Les femmes ne peuvent plus travailler sans l’accord de leur mari, et n’ont plus le droit d’être candidates ou élues à une fonction politique. Les femmes perdent également le droit d’étudier au lycée et à l’université.
Prehistoric 9
Les deux guerres mondiales ont permis aux femmes de sortir de l'ombre. Décodeuses, cryptographes, dans les années 1940 de nombreuses femmes se sont formées pour défier l’ennemi. Après 1945, tout avait changé. Les femmes avaient été soignantes, mécaniciennes, ouvrières, résistantes. Les guerres avaient imposé aux femmes de remplacer les hommes dans tous les domaines. On assista aux premières conférences menées par des femmes, on vit la création de postes pour des femmes au sein de musées. En France, elles obtinrent le droit de vote en 1944.
Outre-Atlantique, au début des années 1950 et alors que la ségrégation raciale était toujours en vigueur aux États-Unis, Mary Jackson devint l’une des premières femmes ingénieures noires à travailler pour la NASA, aux côtés de Katherine Johnson et Dorothy Vaughan. Ces femmes permirent à la NASA de calculer les trajectoires des programmes Mercury et Apollo 11. Grâce à elles, les opportunités se sont ouvertes aux femmes, notamment afro-américaines, dans le monde de l’ingénierie et de la technologie.
Prehistoric 10
S’il reste aujourd’hui quelques sociétés matriarcales et matrilinéaires, comme les Moso en Chine, les Khasi en Inde, les Akans au Ghana, les Bijagos en Guinée Bissau ou encore les Lao en Thaïlande, la plupart des structures sociales, dont certaines profondément conservatrices, portent le sceau du patriarcat. Partout dans le monde, les droits des femmes sont encore l’objet de nombreuses luttes. Sur les 195 États indépendants reconnus par l’ONU, on compte aujourd’hui vingt femmes occupant la fonction suprême dans leur pays, dont dix en Europe.
Grâce aux progrès technologiques, les historiens et archéologues réécrivent une histoire laissant leur juste place aux femmes. Une place acquise et perdue de nombreuses fois au gré des crises politiques, religieuses et sociales, que la science leur permet aujourd’hui de reconquérir.