La pollution de l’air est deux fois plus meurtrière que ce que l'on pensait
L’Agence européenne pour l’environnement vient de dresser un bilan alarmant de la pollution de l’air. Les gaz et particules qui le composent tuent deux fois plus de monde que ce qui était déclaré jusqu’à aujourd’hui.
On estimait le nombre de morts prématurées par an liées à la mauvaise qualité de l’air à 48 000 en France. Selon de récentes études réalisées par l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), le nombre réel a été sous-évalué et atteint en réalité 67 000 par an, la faute à certains gaz particulièrement nocifs pour l’Homme présents dans l’air que l’on respire, le Dioxyde d’azote (NO2) et l’Ozone troposphérique (O3), ainsi que des particules fines en suspension appelées les PM. Selon Jean-Baptiste Renard, chercheur au Laboratoire de physique et chimie de l'environnement et de l'espace (LPC2E), le problème est d’autant plus complexe que les sources d’émission de ces gaz et particules sont multiples, mais aussi parce que l’on ne parle pas d’une exposition à des pics ponctuels, mais bien d’une « exposition longue durée et répétée ».
« ON PEUT ÉVITER DE FUMER, PAS DE RESPIRER UN AIR POLLUÉ »
Si en France, le nombre de décès liés à la mauvaise qualité de l’air est d'environ 67 000 par an, à l’échelle mondiale il atteint les 8,8 millions, devançant ainsi le tabac comme cause de décès prématurés puisqu’il ne provoque « que » 7,2 millions de morts par an. La mauvaise qualité de l’air résulte de deux types de pollution.
Il y a la pollution aux gaz que sont le NO2 et l’O3. « L’Ozone troposphérique n’est pas produit directement par la pollution. Il est la conséquence de la présence de dioxyde d’azote dans l’air. Quand il fait chaud, qu’il y a de la lumière, le NO2 va se convertir en O3 » annonce Jean-Baptiste Renard. « Le dioxyde d’azote est quant à lui un gaz extrêmement irritant, polluant et toxique, qui peut accélérer un certain nombre de pathologies cardiovasculaires et respiratoires chez les gens fragiles. Dans le cas d’une exposition longue durée à ce gaz, ça peut créer des pathologies supplémentaires ». La valeur limite annuelle pour le NO2 est largement dépassée dans l’ensemble de l’Union Européenne. En 2016, 7 % de la population urbaine vivait dans des zones où les concentrations étaient supérieures à la valeur limite annuelle fixée par l’Union. Concernant l’Ozone troposphérique, 12 % de cette population urbaine a été exposée à des concentration de O3 supérieures à la valeur préconisée.
Il y a également la pollution aux particules fines, appelées PM. On y retrouve les PM10, dont la taille est inférieure à 10 micromètres (µm), les PM2,5 inférieurs à 2,5 µm et les PM1, inférieurs à 1 µm. À titre de comparaison, un cheveu a une épaisseur comprise entre 50 et 70 µm. « Elles sont directement issues de la combustion, des rejets de moteurs diesel et du freinage » indique Jean-Baptiste Renard. Ces particules se mélangent aux gaz.
Les sources d’émission de ces gaz et particules sont très variées et dépendent de la zone géographique où nous nous trouvons. Dans les grandes villes, les transports en sont la première cause. Dans les vallées alpines, le chauffage au bois en est une autre. « Le problème principal reste la ville, où le taux de pollution est bien supérieur à ce que préconise l’OMS » précise toutefois le chercheur.
DES MESURES (IN)SUFFISANTES
« Il est difficile d’isoler toutes les sources d’émission. N’en isoler qu’une ne serait qu’un recours imparfait » continue le chercheur. Les pays Européens ont tout de même mis en place des mesures visant à améliorer la qualité de l’air, rendant les voitures, l’industrie et la production d’énergie plus propres. Elles ne sont cependant pas adaptées aux grandes villes, où la pollution est au plus haut. Les filtres à particules notamment, installés sur nos véhicules, ne fonctionnent que si le moteur est chaud. Or, en ville, le moteur est souvent froid, on freine, on s’arrête et on démarre, rendant cette solution inefficace. « Il faut prendre des mesures radicales. Interdire le diesel en ville et inciter les constructeurs à produire des voitures légères, ne consommant pas plus de 3 litres aux 100 ».
L’autre problèmatique est la façon dont les organismes évaluent et mesurent cette pollution. « Le problème, c'est qu'elles se basent sur la masse cumulée des particules présentes dans l’air, c’est-à-dire qu’on pèse les particules collectées. Ce système néglige les particules les plus fines, qui ne pèsent quasiment rien mais qui sont très plus dangereuses car s’infiltrent profondément dans l’organisme » indique Jean-Baptiste Renard. « Il faudrait compter le nombre de particules et non calculer leur masse cumulée ».
AGIR LOCALEMENT EST-IL EFFICACE ?
Si la pollution nous touche de façon inégale, est-ce bien utile d’adopter des mesures radicales si tous les pays du monde ne font pas les mêmes efforts ? Localement, la réponse est oui. Il faut différencier la pollution liée au CO2, qui, elle, est effectivement globale et entraîne le réchauffement climatique, et la pollution liée aux gaz et particules fines. « La pollution aux particules reste très localisée. Si on réduisait nos émissions de combustion au niveau de l’Europe et dans les grandes villes, on verrait une amélioration extrêmement rapide. Les particules se transportent relativement peu et ce sont des sources extrêmement locales » nous confirme le chercheur.
En effet, il y a quelques années, la ville de Tokyo avait pris la décision radicale d’interdire notamment le diesel en ville. En a résulté une très forte diminution de toutes les maladies cardio-vasculaires.
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