Comment mettre fin à la pollution plastique ?

Recyclage, taxe plastique, plastique biodégradable ou bactérie mangeuse de plastique… des solutions existent mais seule une consommation plus responsable pourra durablement enrayer le phénomène.

De Rédaction National Geographic
À Madrid, un collectif d'artistes appelé Luzinterruptus a rempli trois fontaines ( dont celle de Cybèle, ...
À Madrid, un collectif d'artistes appelé Luzinterruptus a rempli trois fontaines ( dont celle de Cybèle, devant la mairie) avec 60 000 bouteilles en plastique, à l'automne dernier. Une façon d'alerter l'opinion publique sur les répercussions des plastiques jetables sur l'environnement.
PHOTOGRAPHIE DE Randy Olson

Dans un monde qui peut paraître submergé par des déchets en plastique potentiellement éternels, les produits biodégradables sont-ils la solution idéale ? Probablement pas. Les plastiques biodégradables existent depuis la fin des années 1980. On a commencé à les commercialiser avec la promesse implicite qu’ils disparaîtraient une fois jetés. Mais les choses ne se sont pas tout à fait déroulées comme prévu.

Par exemple, les plastiques biodégradables ne donnent pas les résultats escomptés dans un site d’enfouissement, sombre et privé d’oxygène, ni dans les eaux froides de l’océan – si jamais ils s’y retrouvent. On ne peut pas non plus les jeter dans le compost du jardin. Pour se décomposer, il leur faut les 55 °C des centres de compostage industriel. Or un grand nombre de ces centres n’acceptent que des plastiques répondant à certaines normes, qui ne laissent aucun fragment susceptible de nuire à l’environnement ou à la santé humaine.

Enfin, si l’on jette des plastiques biodégradables avec les plastiques recyclables, on peut détériorer ces derniers. En 2015, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a jugé que les plastiques biodégradables sont une solution peu réaliste : ils ne réduiront pas la quantité de plastique affluant dans les océans et n’empêcheront pas les éventuels dommages chimiques ou physiques subis par les espèces marines.

Des ingénieurs tentent de contourner ces obstacles. À l’université de Géorgie, Jenna Jambeck et ses collègues de l’Institut des nouveaux matériaux utilisent des polymères synthétisés par des bactéries pour fabriquer des emballages qui, espèrent-ils, se transformeront rapidement en compost et se décomposeront dans l’océan. Leur première cible : des sachets de chips de maïs.

En Grande-Bretagne, la société Polymateria privilégie une autre approche. Elle élabore des additifs chimiques permettant de dégrader plus rapidement tous les plastiques, qu’ils soient biosourcés ou synthétiques.

Le défi est de taille. Même le meilleur produit biodégradable ne peut pas disparaître comme par magie. Un récipient en plastique assez solide pour contenir du lait ne se décompose pas aussi vite que du papier. Jeté dans un fossé, un pot de fleurs expérimental de Polymateria mettra jusqu’à deux ans pour se dissoudre.

Certains reprochent aux produits biodégradables de ne pas s’attaquer au problème de fond : notre culture du jetable. « Qu’encourage-t-on ?, s’interroge Ramani Narayan, professeur d’ingénierie chimique à l’université d’État du Michigan. Jetez-les, et ils finiront par disparaître ? »

Ce bocal de 1 l contient deux années de déchets non recyclables et non compostables de ...
Ce bocal de 1 l contient deux années de déchets non recyclables et non compostables de Kathryn Kellog, une blogueuse qui a adopté le mode de vie « zéro déchet ».
PHOTOGRAPHIE DE Timothy Archibald

La méthode la plus responsable serait un modèle d’« économie circulaire », plaide Ramani Narayan. Dans ce système, tout doit être réutilisé ou recyclé, et « tout rejet dans l’environnement, qu’il s’agisse d’un produit biodégradable ou non, est inacceptable ».

La Norvège a montré jusqu’où peut aller le recyclage des bouteilles en plastique, qui constituent une grande partie des déchets de plage. Le pays en récupère désormais 97 %. Son astuce : une consigne allant jusqu’à 2,5 couronnes (soit 26 centimes) et des machines installées dans la plupart des supermarchés, qui avalent les bouteilles et remboursent la consigne.

Mais le recyclage a ses limites. Beaucoup pensent qu’il faut avant tout utiliser moins de plastique jetable. Le mouvement « zéro déchet », né au milieu des années 1990, gagne du terrain. Des centaines de collectivités l’ont adopté à travers le monde.

C’est le cas de l’ancienne ville industrielle de Roubaix, dans le nord de la France, où le succès d’une campagne citoyenne montre que le zéro déchet n’est pas qu’une posture de bobos.

L’idée semble susciter un intérêt transversal, quasi spirituel. L’Église d’Angleterre a ainsi incité ses fidèles à renoncer aux emballages en plastique et aux produits jetables pour le carême de cette année. Theresa May, la Première ministre conservatrice, a demandé aux supermarchés de prévoir des rayonnages sans plastique, consacrés à la vente en vrac. Elle envisage une taxe sur les plastiques à usage unique, telles les barquettes alimentaires. Ces mesures s’inscrivent dans la campagne britannique pour débarrasser le pays des déchets en plastique d’ici à vingt-cinq ans.

La Chine, quant à elle, a acheté environ la moitié de la production mondiale de plastique recyclable depuis trente ans. Mais, cette année, elle a ordonné l’arrêt de presque toutes les importations de déchets. Désormais, les plastiques recyclables s’entassent dans les pays qui les ont produits.

« Cela fait remonter le problème vers sa source, estime Jenna Jambeck. Nous espérons que cela entraînera une gestion des déchets plus circulaire. »

Ce reportage a été publié dans le numéro de juin 2018 du magazine National Geographic.

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