Mexique : le tremblement de terre de 2017 a été provoqué par une plaque tectonique coupée en deux

En septembre 2017, un puissant séisme a frappé Mexico. Ce tremblement de terre, énigmatique pour les scientifiques, a causé des dégâts considérables.

De Robin George Andrews
Publication 26 oct. 2018, 10:49 CEST
Des bâtiments sont complètement détruits après le puissant séisme qui a dévasté la côte sud du ...
Des bâtiments sont complètement détruits après le puissant séisme qui a dévasté la côte sud du Mexique en septembre 2017.
PHOTOGRAPHIE DE Pedro Pardo, AFP, Getty

Le 7 septembre 2017, un tremblement de terre d'une magnitude de 8,2 sur l'échelle de Richter ébranlait le sud du Mexique, faisant des centaines de blessés et des dizaines de morts. Si les séismes sont fréquents dans la région, celui-ci n'avait rien d'ordinaire.

Et pour cause  : comme le révèle une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Geoscience, une partie de la plaque tectonique responsable de ce séisme, qui fait une épaisseur d'environ 60 km, a été coupée en deux en une dizaine de secondes, provoquant la libération d'une énorme quantité d'énergie.

« Imaginez que la plaque tectonique est une grosse plaque de verre. Suite à la rupture, une fissure importante et béante s'est formée », a expliqué Diego Melgar, auteur principal de l'étude et maître de conférence en sismologie à l'Université de l'Oregon. « Tout indique que la plaque tectonique s'est fissurée sur toute son épaisseur ».

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Des fragmentations aussi colossales ne se sont produites que dans quelques endroits au monde, et tous ces séismes ont un point commun : personne ne sait vraiment comment ils se sont produits. Il est important de combler ce manque d'informations, car des zones densément peuplées, qui se trouvent des côtes Est du Japon jusqu'au littoralouest du continent américain, pourraient être menacées par ces séismes énigmatiques.

Tout d'abord, les séismes profonds peuvent provoquer de fortes secousses sur une large zone, ce qui peut entraîner l'effondrement de nombreux immeubles. En 1939, au moins 30 000 Chiliens ont perdu la vie dans un séisme similaire qui avait frappé la ville de Chillán. Ces événements pourraient être encore plus destructeurs s'ils se produisaient près du littoral océanique.

« Ce qui m'inquiète le plus avec ce genre d'événements, ce sont les tsunamis », ajoute Diego Melgar.

 

DES SÉISMES AUX ORIGINES BIEN MYSTÉRIEUSES

Les plaques tectoniques, ou plaques lithosphériques, sont composées de la croûte terrestre et du manteau supérieur de la Terre, qui est très chaud, mais aussi très solide. Ces plaques se déplacent sans cesse autour de la surface terrestre : elles peuvent coulisser l'une à côté de l'autre, entrer en collision avec une autre plaque, passant au-dessus de celle-ci pour former des montagnes, ou bien passer sous une plaque dans une zone de subduction.

Les séismes se produisent le long des différentes failles des plaques, lorsque la friction qu'exercent ces dernières génère de l'énergie qui finit par être libérée. Ils peuvent aussi se produire loin de ces failles, dans la portion de la plaque qui a été poussée vers une zone de subduction et dans le manteau inférieur de la Terre. (À lire : Que se passera-t-il lorsque les plaques tectoniques ne se déplaceront plus ?)

« Lorsque vous pliez une gomme, vous pouvez voir que la partie supérieure de celle-ci s'allonge et s'étire, tandis que la partie inférieure est écrasée et comprimée », pointe Diego Melgar. Il en va de même avec ces plaques tectoniques. En se courbant, des failles peuvent apparaître dans la plaque et ainsi provoquer des séismes intraplaques.

Celles-ci se produisent tout le temps, à de faibles ou moyennes magnitudes, le plus souvent sur les failles où deux plaques coulissent côte-à-côte ou lorsqu'une plaque est poussée vers le haut. Il arrive parfois que des séismes intraplaques particulièrement violents se produisent sur des failles normales. Dans ce cas de figure, une portion de la plaque subit la gravité et s'abaisse.

Pour Diego Melgar, le tremblement de terre d'une magnitude de 8,5 qui a frappé Sanriku au Japon en 1933 est un bon exemple de ces séismes intraplaques qui se produisent sur les failles normales, tout comme celui d'une magnitude de 7,8 qui a ébranlé en 2005 la région de Tarapaca, dans le nord du Chili. Dans certains cas, comme lors du tremblement de terre qui a touché le sud du Mexique, la la plaque s'est scindée sur toute son épaisseur. Le même phénomène serait à l'origine du tremblement de terre de 7,7 de magnitude qui a frappé l'Iran en 2013.

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    Qu'ils présentent ou non ce type de rupture importante, ces puissants tremblements de terre sont par nature mystérieux. Les relevés sismiques qui sont normalement utilisés pour visualiser les mouvements tectoniques ne peuvent accéder à de telles profondeurs, tandis que la cartographie des plaques océaniques n'en est qu'à ses débuts et qu'il existe peu de données historiques haute-résolution. Les géoscientifiques cherchent tant bien que mal à trouver la meilleure explication possible à ces phénomènes.

     

    « DU JAMAIS VU »

    À l'aide de modèles et de mesures géophysiques, les auteurs de la nouvelle étude ont découvert que le séisme de Tehuantepec, au Mexique, était encore plus étrange que les autres tremblements de terre. Les failles normales peuvent uniquement se rompre lorsque la plaque tectonique est étirée peu en profondeur. Mais dans le cas du séisme de Tehuantepec, la rupture s'est propagée à des portions encore plus profondes de la plaque qui auraient dû être compressées.

    Il est possible d'expliquer cela. L'étude suggère que la plaque est tirée vers le bas par son propre poids avec une telle efficacité que la gravité exerce une importante force d'extension. Celle-ci prend le dessus sur les forces de compression, entraînant ainsi la formation de failles normales.

    Ce qui est encore plus problématique, c'est la taille impressionnante de la rupture, qui s'étend jusqu'à 75 km de profondeur, où la température dépasse les 1100 °C. Sous l'effet de la chaleur, la plaque tectonique se comporte comme du plastique mou. Un séisme comme celui de Tehuantepec a besoin que la roche soit plus froide et donc plus dure, pour qu'elle puisse se rompre plus facilement.

    Selon le co-auteur de l'étude Emmanuel Garcia, spécialiste des plaques tectoniques à l'Université de Kyoto, les puissants séismes qui naissent dans les failles normales peuvent se former plus en profondeur des plaques. Toutefois, cela ne concerne vraiment que les plaques tectoniques très anciennes, qui ont eu des millions d'années pour refroidir. Elles sont alors dures, mais plus susceptibles de casser. 

    C'est la plaque de Cocos qui est à l'origine du séisme de Tehuantepec. Avec ses 25 millions d'années, elle est relativement jeune et est plus chaude que de nombreuses autres plaques tectoniques. C'est pour cela que le séisme de 2017, provoqué par la rupture de la plaque, est « du jamais vu », confie Diego Melgar.

    « Il se passe quelque chose d'étrange avec la plaque tectonique au Mexique », a souligné Eric Fielding, géophysicien au Jet Propulsion Laboratory de la NASA et co-auteur d'une étude sur le tremblement de terre qui a eu lieu en Iran en 2013.

     

    RÉSOUDRE LE MYSTÈRE POUR SAUVER DES VIES

    L'équipe de Diego Melgar pense que les eaux profondes pourraient détenir une partie de l'énigme. En se déplaçant vers la zone de subduction située sous la plaque nord-américaine, la plaque de Cocos se courbe et se fissure. Cela entraîne la formation de failles normales qui vont se remplir d'eau de mer. Lorsque la plaque passe dans la zone de subduction puis de celle-ci au manteau inférieur, elle se réchauffe et se déshydrate. Ceci entraîne la formation de faiblesses mécaniques, pouvant causer des ruptures fragiles qui provoqueront de petits séismes ou bien à un seul, mais puissant. Cette théorie s'applique aux séismes de 2005 au Chili et de 2013 en Iran.

    Selon Stephen Hicks, sismologue à l'Université de Southampton qui n'a pas pris part à l'étude, l'âge et la température de la plaque de Cocos auraient créés les conditions idéales à l'apparition de ces événements. En raison de la chaleur relative de la plaque, le processus vital de déshydratation se serait produit plus rapidement, créant des ruptures et des failles plus tôt, qui auraient fini par casser violemment.

    Diego Melgar explique que la plaque océanique de Cocos s'est formée dans une fosse médio-océanique. En refroidissant, de petites collines et vallées se seraient formées dans la roche. Elles auraient peut-être fini par créer des zones de faiblesse où serait né le séisme de Tehuantepec. Des dizaines de millions d'années auraient tout de même étaient nécessaires avant que le séisme dévastateur n'ébranle la région.

    Mais le scientifique trouve étrange qu'une rupture fragile se produise de façon si spectaculaire à de telles profondeurs et à une telle température. Selon lui, il se peut que la plaque soit bizarrement froide ou composée de roches étranges, mais ces deux théories ne correspondent aucunement aux conditions qui régneraient à cette profondeur d'après les scientifiques.

    Dans les deux cas, il faudra bien plus qu'un effort intellectuel pour déterminer ce qui provoque ces séismes intraplaques sur les failles normales. Qu'ils soient superficiels ou profonds, ces tremblements de terre peuvent être suffisamment puissants pour déplacer de façon soudaine le fond marin alentour, poussant vers l'avant d'énormes quantité d'eau et créant des tsunamis.

    L'épicentre du séisme de Tehuantepec se trouvait du côté continent de la zone de subduction. Le fond marin ne s'étant pas assez déformé, le séisme a provoqué un tsunami dont les vagues n'atteignaient que trois mètres de haut. À l'inverse, en 1933, le foyer du séisme qui a frappé Sanriku se trouvait du côté océan de la zone de subduction, et un tsunami avec des vagues faisant 20 mètres de haut a déferlé sur la côte.

    « Nous ne savons pas vraiment ce qu'il se passe pour être honnête », confie Stephen Hicks au sujet de ces séismes étranges et destructeurs. Mais une chose est sûre, résoudre cet immense mystère pourrait un jour sauver des vies.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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